La majorité présidentielle au secours des vieux

Downton Abbey Douairière

On les appelle « seniors » ou « anciens », avec une nuance de respect formel qui remplace le respect, bien naturel, que l'on devait jadis aux vieux. Ils vont être de plus en plus nombreux, comme l'observateur le moins attentif pourra s'en apercevoir au supermarché ou dans les files d'attente des administrations.

Pour anticiper cette évolution, Mme Audrey Dufeu, députée LREM de Loire-Atlantique, propose une loi destinée à éviter une « guerre des générations ». Il s'agit, notamment, de changer la manière dont la vieillesse est présentée, c'est-à-dire, peu ou prou, comme « un naufrage », selon les mots du général de Gaulle au sujet du maréchal Pétain.

Que contient, au juste, cette proposition de loi ? On l'ignore pour le moment. On lit, bien sûr, entre les lignes, une nouvelle forme de lutte contre les discriminations. Cela permettra de réduire la cible privilégiée du gouvernement : l'homme blanc hétérosexuel de plus de quarante ans - mais de moins de 65, à peu près. On s'attend à un quota sur France Télévisions. Il faudra probablement adapter les tyroliennes de « Fort Boyard » pour les faire franchir par l'équipe de seniors de Michel Drucker. Volte-face surprenante alors que Derrick et « La Chance aux chansons » ont disparu depuis longtemps.

Je me demande s'il n'y aurait pas, en contrepoint, un petit travail d'éducation à entreprendre, non seulement du côté des jeunes, qui ont cessé de rendre à la vieillesse les hommages qui lui sont dus, mais aussi du côté des « seniors », qui ont cessé de les mériter. En effet, où sont les vrais vieux ? Où sont les « pères nobles », source inépuisable de culture classique et d'anecdotes nostalgiques, qui apprennent aux fils et aux petits-fils que le cours des choses ne change jamais vraiment sous les masques de l'instantané ? Où sont les duègnes élégantes au profil de médailles, que l'on aurait aimé connaître à vingt ans et qui ont une manière inimitable de dire « merci, jeune homme » ? N'ont-iels pas, toutes-et-tous, été tristement « grand-remplacés » par un peuple glauque de cheveux bleus et de chaussures en caoutchouc, par un brouhaha de ronchonnades insupportables au guichet et, en lieu et place de la nonchalance (sans doute le plus beau mot de la langue française) que donne l'expérience, par le lent trottinement d'une vie sans intérêt qui n'en finit pas de s'en aller ?

La discrimination des vieux serait sans doute moins violente, par exemple, en ces temps de cruelle pandémie dont les victimes se chiffrent en centaines de milliards, s'ils arrêtaient de nous emm... avec le port du masque. Mourir pour mourir, quand on est vieux, mieux vaut que ce soit en plein soleil et en famille plutôt qu'avec un papier à élastiques sur le groin, dans le respect des gestes barrières. Cette discrimination serait moins forte, aussi, si la vie des anciens avait été uniformément faite d'humbles sacrifices et de silencieuse droiture. Las ! Les vieux d'aujourd'hui sont les soixante-huitards d'hier. Ils ont tout cassé (pardon : déconstruit), ils laissent à leurs descendants une décharge sauvage à ciel ouvert et leur dernière ruse est de faire voter des lois pour avoir des bisous ? Quelle farce !

Il n'y aura pas de miracle, et cela, aucune loi ne le changera.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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