Veillée pascale

veillée pascale

La veillée pascale, à Notre-Dame, comment l’oublier ? Il faut arriver tôt, on se presse contre les portes. Chaque année, il faut amadouer le vent afin d’allumer le feu, dans lequel brûlent les rameaux de l’année écoulée, pour le renouveau des corps et des âmes. Heureusement, tout finit en une flamme poussée par le vent, contrariée, victorieuse. Le célébrant bénit le feu, grave dans la cire du cierge pascal l'alpha et l'oméga - le millésime de l’année - qui sanctifiera les célébrations et que l’on éteindra à l’Ascension. Quel soulagement de remettre l’histoire des hommes dans la main du « Maître du Temps et de l’Histoire » ! Grâce au Ciel, la flamme éclaire le parvis.

L’Archevêque entre dans la nef plongée dans la nuit. L’Exultet résonne. « Qu’éclate dans le ciel la joie des anges ! Exultez, serviteurs de Dieu ! Sois heureuse, notre terre ! Réjouis-toi, mère Église ! » Voici la nuit merveilleuse qui rend au monde sa clarté. Les bobèches s’allument de rang en rang, illuminent les visages. Vient alors le temps de l’écoute, à cœur paisible, des lectures de l’histoire sainte, entrecoupé des psaumes chantés. Tout commence par le récit majestueux de la Création où Dieu voit que tout ce qu’il crée est bon, et même « très bon » ! Le sacrifice d’Abraham confirme « l’imprévisible choix » de son amour abolissant, à jamais, avec celui du Fils, les sacrifices sanglants, devenus inutiles. Le chant triomphal délivrant Israël de la main égyptienne — « Il a jeté à bas chevaux et cavaliers » - remplit les cœurs d’allégresse. Au fil des lectures sont ensuite affirmés, de prophète en prophète, la fidélité, la tendresse de Dieu pour Jérusalem, un temps délaissée, l’appel à revenir à son Créateur et son époux : « Est-ce que l’on oublie la femme de sa jeunesse ? » — la promesse d’une alliance éternelle, et de bonheur, la joie de festins savoureux. Tout est poétique, dans ces lectures ! À l’appel de Dieu, dit Baruc, « les étoiles accourent, brillantes, joyeuses et disent : me voici ! » Avec Ézéchiel, l’eau purifie nos souillures et nos cœurs de pierre deviennent de chair. Arrive enfin, scellant notre salut, avec la lumière irradiant la nef, la lecture de l’épitre de saint Paul, tandis que résonne, à cœur profond, le bourdon Emmanuel, suivi de toutes les cloches, enveloppant la statue de Charlemagne, traversant les ponts, gravissant la montagne Sainte-Geneviève, annonçant à tous, veilleurs ou endormis, la nouvelle qui traverse les siècles : Il est ressuscité ! Il faut être sourd pour ne pas l’entendre ! L’Évangile est alors proclamé en grec puis en français : le tombeau vide, la joie des saintes femmes. Suit la liturgie des baptêmes des catéchumènes, éprouvés, cette année, par le confinement, mais portés par la litanie des saints.

On est un peu fatigué, la cire a coulé sur les vêtements, des enfants se sont endormis, des papiers jonchent le sol sous des pas pressés, on est triste de cette fin de fête, qu’importe ! L’archevêque nous asperge avec les rameaux bénis le jour des Rameaux. Déjà, sur la terre de France, les chênes se préparent pour la « forêt » de Notre-Dame. Heureux sont-ils !

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Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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