Célébrer Napoléon et le peuple français
M. Macron parlant de Napoléon, c’est le peintre du dimanche commentant Delacroix. La distance est trop grande pour que la parole ait la moindre authenticité. Sans doute faut-il citer de Gaulle, et la conclusion du chapitre « Napoléon » de La France et son armée pour se faire une idée plus juste : « Napoléon a épuisé la bonne volonté des Français, fait abus de leurs sacrifices, couvert l’Europe de tombes, de cendres et de larmes ; pourtant, ceux-là mêmes qu’il fit souffrir, les soldats, lui furent les plus fidèles, et de nos jours encore, malgré le temps écoulé, les sentiments différents, les deuils nouveaux, des foules, venues de tous les points du monde, rendent hommage à son souvenir et s’abandonnent, près de son tombeau, au frisson de la grandeur. »
Beaucoup de Français demeurent fascinés par le destin personnel de Napoléon Bonaparte. Sa renommée, sa gloire sont effectivement universelles. Son génie le hisse parmi les plus grands, Alexandre ou César. Que la France le célèbre est donc légitime, mais il serait bon aussi que les Français accompagnent cette célébration d’une plus grande lucidité, non sur les parts d’ombre que relève, avec anachronisme, l’esprit de notre temps, mais sur deux aspects plus essentiels. D’abord, Napoléon, c’est Trafalgar et Waterloo, et la France, après lui, a perdu son statut de première puissance européenne, et sans doute mondiale, que son ubris a définitivement brisé. Ensuite, quel que soit le rôle primordial des grands hommes dans la construction de l’Histoire, de ceux qui sont capables d’assumer le destin d’une nation ou de rompre la fatalité qui s’acharne contre elle, ils ne peuvent le jouer que s’ils disposent de forces collectives qui leur en donnent les moyens. Louis XIV ne serait rien sans Mazarin puis Colbert, sans Louvois, sans Vauban, sans la nation la plus nombreuse du continent.
Le double piège de la célébration de Napoléon est de donner trop d’importance aux individus, et au rayonnement universel dont bénéficient leur image et leur message. L’Histoire de France est l’histoire d’un peuple qui doit aujourd’hui vouloir continuer de vivre. Tant mieux si le souvenir fabuleux de Napoléon l’y aide, mais surtout que la gloire passée ne soit pas le tombeau de l’avenir.
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