Pour les détenus de Guadeloupe, la vaccination contre une remise de peine ?

PRISON

Depuis bientôt deux ans que dure cette plaisanterie covidienne, on a vu arriver sur le marché toutes sortes de carottes pour faire avancer le quidam vers la vaccination. On ne compte plus, de par le monde, les loteries aux cadeaux toujours plus mirifiques.

Ainsi, le 3 août dernier, trois millions de Québécois s’étaient déjà inscrits au concours « Gagner à être vacciné ». Pour un pays qui comptait, ce jour-là, seulement 175 nouveaux cas recensés, 58 personnes hospitalisées, 18 personnes en soins intensifs et 0 nouveau décès, le jackpot valait la piqûre. Premier tirage : 1 million de dollars pour les adultes ayant reçu leurs deux injections avant le 31 août, et des tirages hebdomadaires de 150.000 dollars pour ceux ayant reçu une injection. L’autre tirage, réservé aux 12-17 ans, propose chaque semaine des bourses d’études à 10.000 dollars pour ceux ayant reçu au moins une dose. Puis, le 3 septembre, aura lieu un grand tirage offrant 16 bourses d’études de 20.000 dollars aux jeunes inscrits ayant reçu deux doses avant le 31 août.

Avec ses week-ends à Troulala-les-Pipettes, ses places de cinéma et ses boîtes de pâté, la France, à côté, fait figure de gagne-petit. Pourtant, certains ont des idées et même des initiatives.

C’est la page « CheckNews » de Libération qui s’en fait l’écho : un formulaire a été distribué aux détenus du centre pénitentiaire de Baie-Mahault, en Guadeloupe, pour leur demander s’ils souhaitent ou non se faire vacciner. Très officiel, ce document qui dit s’inscrire dans le cadre de la campagne de lutte contre le Covid-19 émane de « l’unité sanitaire » de l’établissement, cela « en accord avec l’agence régionale de santé [ARS] Guadeloupe ». C’est bien, se dit Madame Michu, au moins, on leur demande leur avis. Sauf qu’une phrase en bas de page est de nature à faire monter la tension du Français moyen. La voici : « L’attestation de vaccination sera prise en compte dans les dossiers de demandes de permission, d’aménagement de peine et l’octroi des RPS [remises de peines supplémentaires, NDLR]. »

On se souvient qu’en mars 2020, déjà, Madame Nicole Belloubet, ministre de la Justice, avait demandé aux juridictions de « différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement ». Seuls les coupables de violences conjugales devaient être incarcérés. Un mois plus tard, heureuse, elle s’émerveillait de son initiative, une réussite « au-delà de ses espérances ». En effet, le directeur de l'administration pénitentiaire annonçait alors que « le nombre de personnes détenues en prison avait chuté de 9.923 en à peine un mois pour s'établir à 62.650 ».

Pour faire mieux encore, et sans avoir à passer par les tracasseries administratives, on a également libéré ceux qui arrivaient en fin de peine. En octobre 2020, il y avait 13.500 détenus en moins dans les prisons françaises.

La pandémie étant opportunément devenue le moyen de régler l’épineuse question de la surpopulation carcérale, la Guadeloupe a, cette fois, la bonne idée d’offrir des remises de peine contre un vaccin. D’aucuns ont tout de suite hurlé aux « fake news », sauf que… sauf que le document est authentique mais résulterait d’une « initiative locale », se défend l’administration. C’est une « initiative locale du centre pénitentiaire et de l’unité de soins qui ne correspond pas aux directives de l’administration pénitentiaire », dit le ministère, et « sa formulation peut être sujette à interprétation ». Ah bon ?

Ignorant de tant de choses, le ministère dit d’ailleurs ne pas savoir non plus si les JAP (juges d’application des peines) de Guadeloupe ont été prévenus de cette aimable initiative. En conséquence de quoi, « ce document ne sera plus utilisé », assure le ministère.

D’ici à ce que l’on ait une mutinerie…

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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