Des lectures toute saison : Petites choses formidables, de Gilbert Keith Chesterton

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Un cadeau inattendu publié ce printemps dernier : Petites choses formidables, du formidable Chesterton (Desclée de Brouwer). Inattendue, encore, la quatrième de couverture : il y est dit à la fois que c’est « l’un des recueils d’essais les plus célèbres » de l’auteur et que « ces essais (sont restés) inédits en France pendant plus d’un siècle ». Les Français dédaigneraient-ils Chesterton, peut-être d’un humour trop anglais, d’un catholicisme trop affirmé, d’une indépendance trop préservée ? Pour preuve ce jugement célèbre : « Le monde est divisé entre Conservateurs et Progressistes. L’affaire des Progressistes est de continuer à commettre des erreurs. L’affaire des Conservateurs est d’éviter que ces erreurs ne soient corrigées. »

En tout cas, si la première traduction est publiée en 2018, en 2021, le traducteur Hubert Darbon nous offre, aux Éditions Artège, un petit ouvrage titré Le monde selon Chesterton où il a traduit une compilation de pensées, choisies par lui et offertes mois par mois, au fil des jours. Deuxième élément du cadeau et non le moindre.

Les Petites choses formidables sont, de l’aveu même de l’auteur dans sa préface, des feuilles volantes écrites au fil du temps, sans intention déterminée, « une sorte de journal sporadique » - l’on veut bien le croire – où il nous invite à apprendre à regarder autour de nous les objets apparemment les plus communs, les faits surprenants que nous croisons. « Soyons des athlètes oculaires », vaste programme que nous entamerons en le lisant, en le suivant avec une curiosité toujours éveillée, rarement comblée, mais tendue justement par cette insatisfaction : il ne se passe rien, le contraire du genre même de la nouvelle qui suppose un fait saillant, narré.

Sur un site scolaire, nous lisons : « On associe certaines caractéristiques à la nouvelle littéraire : 1. Elle est brève. 2. Elle renferme des éléments vraisemblables (lieux, personnages, objets et événements dont l'existence est probable). 3. L'intrigue repose principalement sur l'évolution psychologique du personnage principal. 4. La finale réussit à provoquer une réaction chez le lecteur en raison de sa nature mystérieuse, surprenante ou inattendue. »

C’est un peu sommaire, mais définit bien ce que nous attendons généralement d’une nouvelle. Or, Chesterton transgresse constamment certains éléments de cette définition. Il respecte la brièveté, respecte de loin la vraisemblance, se joue de l’évolution psychologique et le plus souvent de la surprise finale.

Il nous promène de la place de la Bastille, qui lui permet de méditer sur les symboles et les rites, pour finir sur le « sens de la crise des Français », jusqu’à son lit, recommandant de rester au lit sans aucune raison, ni devoir, ni maladie, seule condition pour garder la santé. Plus sérieusement en apparence, une convocation pour faire partie d’un jury au tribunal et la méditation qui s’ensuit. Sa défense et illustration des contes de fées mérite réflexion en notre temps où toute tradition est ébranlée. Parlons voyages ? Il est fréquemment question de déplacements, mais leur explication n’est révélée que tard : il part en voyage pour revenir à son lieu de vie avec un œil neuf, il quitte l’Angleterre pour trouver l’Angleterre. Ce qui n’empêche pas des pages réjouissantes sur les lieux visités, et je recommande Belfort.

Il reste peu de place pour évoquer le recueil d’aphorismes tirés de différents ouvrages de Chesterton. Chacun aura ses choix, ses préférences selon le jour et l’humeur, mais citer certains de mes préférés est une irrésistible démangeaison, en rapport avec notre temps, bien sûr !

« J’ai connu maintes églises, chapelles et salles de réunion où se mêlaient la fierté d’avoir dépassé les croyances et l’incapacité totale à dépasser les slogans » (p. 19). « Pour reconnaître une démocratie, il faut regarder, non si le peuple vote, mais si c’est lui qui règne » (p. 50). « Le culte de la Nature produit inévitablement des choses contre-nature » (p. 84). « Pour savoir si une religion est bonne, il suffit de savoir si l’on peut plaisanter à son propos » (p. 91). « L’art est limitation ; l’essence de toute image est son cadre » (p. 116). « De toutes les religions horribles, la plus horrible est le culte du dieu intérieur » (p. 133). « Un enseignant qui n’est pas dogmatique est simplement un enseignant qui n’enseigne pas » (p. 140).

À vous le dé : faites vos choix !

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Olga Le Roux
Professeur

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