Joséphine comment ?

joséphine baker

J’entends, sur toutes les ondes, qu’on va panthéoniser une certaine Joséphine Bécœur. En entendant ce nom, je dois parfois faire un effort pour être sûr qu’il s’agit bien de celle que, ma vie durant, et jusqu’à il y a peu d’années, j’ai toujours entendu nommer affectueusement Joséphine Baker (prononcé en français comme ça s’écrit). C’est, en effet, sous ce nom qu’elle est devenue une étoile de notre firmament à la fois musical et sociétal. Pour autant qu’on sache, elle ne s’en est jamais offusquée et n’a jamais demandé aux parleurs dans le poste de rectifier son nom pour la nommer Bécœur. Elle avait suffisamment de prestige et de caractère pour l’exiger si elle en avait eu l’envie. On peut donc penser que cette francisation naïve de son nom ne lui déplaisait pas et qu’elle y voyait peut-être le signe de sa francisation tout court.

Oh ! certes, la prononciation Bécœur est plus proche de la réalité anglaise de son patronyme (ou, plutôt, pseudonyme) dont nul n’ignore qu’elle l’a apporté d’outre-Atlantique. Certes, aussi, elle dénote des progrès dans la familiarité des gens de médias avec la langue anglaise, par rapport à leurs grands-parents qui réduisaient sans scrupules les noms étrangers à leur prononciation orthographique. Il y a là une volonté louable de se montrer bons élèves (mais ne devraient-ils pas, alors, aller jusqu’au bout, et parler, non de Joséphine, mais de Djozefine ?). Fort bien ! Mais je ne peux m’empêcher de me demander si, en la renvoyant à ses origines par la prononciation, on ne renie pas quelque peu celle qui – bien qu’ayant accédé à la gloire en chantant qu’elle avait « deux amours » – n’a pas fait mystère que c’est en étant adoptée par le deuxième (et en l’adoptant elle-même jusqu’à l’engagement dans la Résistance), et en tournant quelque peu le dos à l’autre, qu’elle a pu devenir ce qu’elle fut (et d’abord un être humain à part entière). N’est-ce pas à Paris que son nom a connu cette gloire infiniment populaire. Que cela plaise ou non, elle l’a conquise sous le nom prononcé Baquère et non sous celui prononcé Bécœur. Il faut savoir qui on veut honorer.

 

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Maurice Pergnier
Professeur d’université, écrivain

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