Dior retourne aux sources de la Grèce antique, celles de l’Europe

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Pour le défilé 2022, la directrice artistique des collections femme de Christian Dior, Maria Grazia Chiuri, avait choisi le stade antique et olympique d'Athènes comme écrin d'une collection très inspirée des péplums antiques (pas les films, les robes). Une campagne de publicité Dior étale dans tous les magazines des femmes simplement vêtues de robes blanches et de bijoux d'or dans le cadre multimillénaire de l'Acropole. Un « retour aux sources », commente La Croix, puisqu'une séance photo devenue « iconique », comme on dit dans la mode, avait eu lieu en 1951 sur l'Acropole, dévoilant - déjà - une collection Christian Dior inspirée de l'Antiquité.

Bien sûr, les temps ont changé. Les mannequins aussi. Les robes sont moins longues et moins géométriques qu'en 1951. Les femmes n'ont plus le même port altier, le même cou de cygne et le même regard marmoréen. Elles n'en sont pas pour autant moins belles : s'il y a un quota diversitaire, évidemment, et qu'il n'y a plus une seule blonde (misère des gènes récessifs), il n'y a cependant pas encore de quotas d'obèses, de manchotes ou de myopathes. On peut s'en désoler. On peut s'en réjouir et considérer que la beauté est objective. La question n'est pas là.

Au fond, d'ailleurs, que penser de ce défilé apparemment frivole et éphémère, le premier de la maison Dior depuis que l'atroce pandémie de Covid a fauché des personnes de tous âges ? D'abord, Dior fait retour à ses bases, célébrant dignement un anniversaire plein d'une élégance surannée. La Grèce de 1951, c'était celle du roi Paul Ier, bientôt celle d'Onassis et de la Callas, puis celle des colonels. En 1951, le tourisme commençait à se développer mais les grands sites n'étaient pas encore foulés par des millions de pieds tous les jours. Sur une mer irisée, sans Zodiac™ de migrants ni bouteilles en plastique, de petites embarcations, semées de loin en loin, partaient pêcher dans le silence, depuis des anses bienheureuses. Rochers blancs, volets bleus, soleil saturant les couleurs. Un univers dont on a la nostalgie sans même l'avoir connu, comme dirait un candidat à l'élection présidentielle.

Plus généralement, ce défilé montre aussi que la haute couture, comme tout art, n'est pas, normalement, une éternelle fuite en avant mais bien un éternel retour. Qu'il y a un sens de la digestion mais pas un sens de l'Histoire. Que l'harmonie des proportions, le nombre d'or du Parthénon, l'emplacement de rêve du cap Sounion (qui fera partie des sites utilisés par la « croisière » des défilés Dior), la liberté de mouvement et la grâce du péplum des femmes, la mise en valeur de leurs courbes et de leur démarche par les fronces du tissu sont un seul et même univers : celui de l'harmonie européenne. Que les vrais artistes n'ont pas nécessairement besoin d'une « réinvention » annuelle, avec capuches, métal, déchirures, asymétrie, difformité, course au sensationnel. Quel meilleur décor que la Grèce pour nous rappeler que la beauté est mesure, accord, jeu, et que ses proportions sont presque intangibles ?

Ne boudons pas notre plaisir puisque, pour une fois, les affiches seront belles. Et voyons dans ce retour aux sources, autant que l'incapacité à créer de la beauté sur les bases de la laideur, un hommage rendu à ce qui ne passe pas.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 06/12/2021 à 11:34.
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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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