La gauche française en plein délire : elle triomphe… au Chili !
Que la victoire est belle ! La gauche, couronnée par près de 56 % lors des présidentielles, adoubée par un peuple en liesse qui gonfle les rues de la capitale comme un fleuve après la pluie ! Quel bonheur ! Les leaders français malmenés dans les sondages en oublient que la victoire est gagnée à Santiago du Chili, à 11.642 kilomètres de Paris, précisément. Et qu'ils n'y sont pour rien.
Qu'importe, Christiane Taubira y va de son compliment sur Twitter : « Félicitations et vifs encouragements à Gabriel Boric, candidat de l’unité devenu président de la République au Chili. C’est ainsi que le monde s’améliore. » Candidat de l’unité ? On suit son regard : le Boric français, c’est elle, bien sûr ! Taubira a passé les 35 printemps (l’âge du nouveau président chilien), mais l’espoir n’a pas d’âge. Mélenchon exulte, ivre de joie. Lui aussi a gagné : « Au Chili, l’extrême droite [est, NDLR] en déroute, écrit-il sur le réseau social. Notre candidat [bien « notre » candidat !, NDLR] en tête au premier tour devant toute la gauche l’emporte largement. Vive Boric, nouveau président du Chili ! » Toujours sur Twitter, Olivier Besancenot s’emballe : « Sursaut antifasciste au Chili, l’extrême droite battue au second tour ! » Le frisson est gratuit, merci au Chili. Les leaders de la gauche hexagonale abandonnée se ruent sur le buffet de l'espoir facile. Les bonnes nouvelles sont si rares, par les temps qui courent. Alors, s’il faut aller les chercher jusqu’au Chili...
Et puis, cerise sur le gâteau, l’adversaire était « d’extrême droite ». José Antonio Kast a officiellement reconnu sa défaite, félicitant même Boric pour « son grand triomphe ». Et cela aussi, pour la gauche qui peine toujours à cicatriser de la victoire de Trump voilà plus de quatre ans aux États-Unis, c’est une surprise. Une surprise et un mystère. Car quand un candidat « d’extrême droite » perd, dans l’esprit de la gauche française, il fait un putsch, il mobilise l’armée, il met en place un régime autoritaire, bref, il fait des tas de choses de droite. Des choses pas bien, des choses pas élégantes. Parce qu’il est de droite, donc antidémocratique, même quand il assure l’inverse. C’est un colérique et un mauvais joueur qui cache mal son jeu avant le scrutin. Question : un président d’extrême droite qui reconnaît sa défaite est-il vraiment « d’extrême droite » ? Et si oui, qu’est-ce qui le distingue d’un candidat qui jouerait le jeu de la démocratie ? De quoi donner mal au crâne à certains et ce ne sera pas le champagne de la victoire chilienne.
Notre gauche française jubilante est flashée accélérateur au plancher dans ce que les psychologues appellent un transfert. Elle oublie qu’elle n’est pour rien dans la victoire du jeune leader chilien. Elle oublie qu’il a bâti une large coalition allant du Parti communiste au centre et que son charisme fait cruellement défaut ici. Tout à ses œillères partisanes, elle oublie que le Chili n’est pas la France, que l’histoire du Chili n’est pas l’histoire française, que l’Europe n’est pas l’Amérique du sud et que le Boric français n’existe pas. Notamment parce que les Français ont déjà expérimenté son programme. Installation d’un salaire minimum, passage aux 40 heures de travail hebdomadaires, mise en place d’une assurance maladie, financement par l’État des retraites et de la santé, nationalisation des services publics, plus d’impôts pour les plus riches, plus de cotisations sur les salaires, lutte contre le réchauffement climatique : le nouveau président chilien, tatoué et qui arbora une belle coupe punk voilà quelques années, emprunte le chemin qui a mené la gauche française là où elle est, c’est-à-dire dans l’ornière profonde de ses lectures idéologiques et de sa déconnection du réel. On regardera avec intérêt l’évolution du Chili, pour l’instant bien plus vertueux que la France avec sa dette publique de 44 % du PIB en 2020, selon l’OCDE, contre 115 % pour la France de Macron. Il y a comme un parfum de mai 1981, au Chili. La gauche française voit dans cette victoire l’aube de son avenir alors que le Chili s’engage dans la voie qui l'a menée, chez nous, à la faillite électorale, économique et surtout morale. Pour une fois, notre gauche a de l'avance !
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