Dames de compagnie en EHPAD : quand le lien social se marchande
Une enquête publiée par Le Figaro, ce 26 juillet, revient sur le métier méconnu des dames de compagnie, ces personnes rémunérées par des familles pour s’occuper d’un proche qu’elles ne peuvent plus prendre en charge. Les dames de compagnie, si elles constituent parfois un immense soutien pour des familles qui n’ont pas la possibilité de s’occuper régulièrement d’un parent en EHPAD, s’avèrent toutefois pratiquer un métier aux frontières opaques, et il semble que le champ de leurs compétences n’ait en réalité jamais été défini clairement. Simple compagnie, aide à domicile, voire soignante ? Difficile de saisir ce qu’implique vraiment cette charge, qui semble évoluer considérablement en fonction des profils qui la pratiquent.
Au pôle « Droits des malades et dépendance » de l’institution du Défenseur des droits, on s’inquiète du flou qui encadre une fonction pourtant essentielle dans la vie des personnes âgées : « Il y a des dérives et aucun contrôle. Le recours à ces dames de compagnie, employées et rémunérées par les familles, est encouragé par certains groupes privés. Certaines s’occupent de plus de dix résidents à la fois. Leur prestation a lieu dans un cadre opaque. Certaines se substituent au personnel de l’EHPAD en donnant les repas, en effectuant les toilettes, des changes et parfois même les soins sans aucun contrôle de la direction. Comme tout tiers intervenant au sein des EHPAD, il est important que l’activité des dames de compagnie soit encadrée afin de jouer un rôle utile dans la prise en charge des résidents. » L’analyse que livre le Défenseur des droits dévoile une nouvelle fois la faillite d’institutions qui se révèlent incapables de mener à bien leur mission d’aide aux personnes âgées. Si l’objectif est clair, les moyens pour y parvenir laissent à désirer et l’on apprend que des métiers pratiqués depuis des dizaines d’années n’ont toujours pas été codifiés, qu’ils ne font pas l’objet de contrôles réguliers, ce qui donne bien sûr lieu à d’inévitables dérives. Entre un nombre croissant de résidents (il y avait 496.237 personnes accueillies en EHPAD en 2009, contre plus de 600.000 aujourd’hui) et une diminution inquiétante du personnel employé dans ces structures, il n’est pas étonnant de découvrir qu’un certain nombre de tâches sont pratiquées selon le libre arbitre de chacun.
Outre les difficultés liées à une pratique menée « sur le tas », l’association Petits Frères des pauvres s’inquiète, quant à elle, de l’émergence d’un « lien social payant ». Triste constat, en effet. Que dire d’une société où la visite d’un proche se doit d’être rémunérée, sans quoi ce dernier se retrouvera dans une solitude totale. Tout est aujourd’hui marchandé, même cette visite de la voisine à un parent qu’on laisse le temps d’un week-end : un petit billet et tout s’arrange ! Hélas, ces personnes âgées font souvent les frais d’une politique égocentrique qu’ils ont eux-mêmes initiée, clamant cette volonté de jouir sans entraves. Leurs enfants ont pris pour eux cet idéal et il est indubitable que visiter de manière régulière une personne quelque peu diminuée constitue évidemment une entrave à la conduite d’une vie tournée uniquement vers soi. Un lien social en perpétuel appauvrissement a ainsi supplanté le lien familial au lieu de le compléter, et ce sont désormais des personnes extérieures, nullement concernées par les résidents en EHPAD, qui daignent s’en occuper moyennant rémunération.
Le professeur Jérôme Lejeune nous alertait déjà en son temps : « La qualité d’une civilisation se mesure au respect qu’elle porte aux plus faibles de ses membres. » On ne s’étendra pas sur ce qu’est devenue la nôtre.
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