[Série d’été] Les grandes victoires de la droite , IX. 2 janvier 1956 : Le coup d’éclat de Pierre Poujade

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Contre la « dictature fiscale », Pierre Poujade réussit à lever une armée de sympathisants et fait élire 52 députés à l’Assemblée – dont le jeune Jean-Marie Le Pen. L’affaire tourne court mais la pression fiscale suscitera, par la suite, bien d’autres révoltes…

« Sortez les sortants ! » Pour ces élections législatives, curieusement organisées le 2 janvier 1956, le slogan de l’Union de défense des commerçants et artisans est sans ambiguïté. « Les parlementaires ? On les pendra haut et court, promet son fondateur, Pierre Poujade. Question d’économie. » Dans ses meetings, il dénonce les bureaucrates et « les soupiers de l’État-vampire » qui gouvernent la « maison France ». « Quand on pense qu’il y a, à la Chambre, des pourris de cet acabit, il faudra prendre la grande trique, le grand balai et nettoyer ça d’un coup ! » Poujade est un tribun fort en gueule, il ne s’embarrasse pas de nuances. À l’époque, on ne parle pas encore de populisme mais le poujadisme est né – et combien plus virulent que les partis dont la gauche dénonce aujourd’hui « l’extrémisme » ! On ne parle pas non plus de bonnets rouges ni de gilets jaunes, mais c’est bien contre le « totalitarisme fiscal » que s’élèvent les partisans du papetier de Saint-Céré.

Pierre Poujade a été, si l’on ose dire, à bonne école : avant de rejoindre la Résistance en 1942, après l’invasion de la zone libre, il a fréquenté le PPF, ce parti créé par un autre tribun, Jacques Doriot, ancien communiste égaré dans la collaboration. Apprenti typographe, vendangeur, docker, goudronneur… Poujade a fait tous les métiers avant de s’établir dans le Lot, à Saint-Céré, où il tient une librairie-papeterie. C’est là que débarque, en juillet 1953, un « polyvalent », c’est-à-dire un contrôleur fiscal doté de compétences étendues. Il veut vérifier les comptes d’une vingtaine de commerces. Poujade organise la riposte : tous les commerçants baissent leur rideau et le malheureux polyvalent, s’il évite le goudron et les plumes, est rapidement reconduit aux limites de la ville…
Colporté de proche en proche, ce fait d’armes fait de Poujade le porte-parole des petits commerçants exaspérés par ces contrôles. « Partie des départements du Centre, l'agitation contre le fisc s'est répandue comme une traînée de poudre, constate Le Monde, le 30 mai 1954. L'administration se voit accusée de méthodes policières d'inquisition [...] Et les contrôleurs polyvalents, derniers-nés des brigades fiscales, sont dénoncés de tous côtés comme les agents d'une inadmissible répression. »

Or, le gouvernement ne veut rien céder. Au contraire, un amendement adopté en août 1954 prévoit l’arrestation de quiconque refuserait un contrôle fiscal. Grave erreur ! Le ras-le-bol des commerçants est tel que Poujade réussit à réunir plus de 100.000 personnes lors d’un meeting à la porte de Versailles, le 24 janvier 1955. Le mouvement qu’il a fondé, l’UDCA, revendique près de 500.000 adhérents. Son symbole ? Un coq gaulois. Les législatives de 1956 offrent un débouché politique à cette colère : les candidats « poujadistes » recueillent près de 2,5 millions de voix et 52 députés font leur entrée au palais Bourbon. Plusieurs seront invalidés en application de la loi sur les apparentements votée cinq ans plus tôt par le MRP, les radicaux et les socialistes dans le seul but de conserver le pouvoir. « Les deux principaux soucis de notre gouvernement, c’est l’Afrique du Nord et le poujadisme », confie un ministre de l’époque. Deux ans plus tard, les « événements » algériens emporteront la IVe République et l’Assemblée de 1956.

Curieusement, Pierre Poujade ne s’était pas présenté à la députation mais il a fait élire à Paris un député prometteur, animateur de la branche jeunesse de l’UDCA : Jean-Marie Le Pen, alors âgé de 27 ans. Les deux hommes, qui ont un fort tempérament, finiront par se brouiller mais, à la mort de Poujade, le 27 août 2003, le président du Front national sera le seul politique à se fendre d’un communiqué saluant la mémoire de cet inlassable défenseur des petits commerçants : « Avec lui disparaît une figure qui fut emblématique de la lutte des classes moyennes contre le bureaucratisme et le fiscalisme et, plus généralement, contre la décadence française qu’incarnait la IVe République finissante. »

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Il serait intéressant de savoir ce qui a causé la disparition du courage des Français, face à une administration devenue tentaculaire.
    Une remise en cause profonde de la fiscalité et de son emploi redevient nécessaire.

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