[Reportage] Pologne : le pays qui se veut en première ligne de la résistance européenne à la Russie
Alors que l'Europe est entrée dans une période de restrictions économiques et énergétiques sur fond de guerre russo-ukrainienne, s’est tenu, début septembre, le 31e Forum économique de Karpacz, en Pologne. Si le prisme pro-Ukraine de l’événement était bien lisible, on a pu observer un fort recul de la présence des Européens de l’Ouest à ce « Davos de l’Est ». Reportage et analyse.
Karpacz, petite ville de Basse-Silésie, aux pieds des monts des Géants. C'est ici que se tient depuis 2020 le Forum économique d'Europe de l'Est. Créé en 1991 à Krynica Zdrój, près de Cracovie, par l'Institut pour les Études d'Europe de l'Est, il réunit tous les ans, au mois de septembre, politiciens, représentants d'ONG, hommes d'affaires, experts, chercheurs et journalistes originaires d'Europe centrale et orientale, et plus largement de toute l’Europe. Environ 5.000 personnes se sont rendues à Karpacz pour l’édition 2022.
Plusieurs ministres du gouvernement polonais sont présents, notamment celui de la Culture, ainsi que le Premier ministre, Mateusz Morawiecki. Celui-ci s’est d’ailleurs rendu à Kiev le 9 septembre, dans la foulée du Forum économique. Parmi les autres personnalités, l’ancien président tchèque Václav Klaus, l’actuel Premier ministre tchèque Petr Fiala qui a rencontré son homologue polonais, l'ancien champion de saut à la perche ukrainien Sergueï Bubka ou encore le maire de Lviv - ville ukrainienne qui fut longtemps polonaise. Le député MoDem des Français de l’étranger, Frédéric Petit, qui vit à Cracovie et parle le polonais, est un des rares politiques français à s’être déplacés - en voisin.
Karpacz, station de ski prisée est transformée, pour l’occasion, en lieu de rencontres et de débats qui n’est pas sans rappeler le célèbre forum de Davos. Dans le grand hôtel Gołębiewski, dont le dédale de couloirs et les couleurs passées rappellent l’hôtel du film Shining, se déroulent 150 tables rondes par jour, sur tous les sujets. Forum de cybersécurité, forum de l’énergie, Investissement et développement, forum de l’Innovation, l’Europe et le monde, l’Europe des Carpathes, Santé, Politique internationale sont autant de grandes thématiques ensuite déclinées sur les trois jours avec des conférences d’une heure qui s’enchaînent, suivies de questions et de rencontres entre le public et les intervenants.
Un forum aux couleurs de l’Ukraine
Le thème principal de cette édition est, sans surprise, l’invasion russe de l’Ukraine et tous les moyens à déployer pour y résister. Un grand nombre de tables rondes sont consacrées à ce sujet, dont plusieurs sur l’accueil des réfugiés ukrainiens, puisque c’est la Pologne qui en accueille le plus grand nombre : environ 1,3 millions. À noter, aussi, des concerts à haute valeur symbolique, comme celui du Kalush Orchestra, le groupe ukrainien qui a remporté l'Eurovision en 2022. Leur titre « Stefania », écrit en hommage à la mère du leader du groupe avant le déclenchement de la guerre, est désormais perçu comme un hymne patriotique, vibrant hommage à la « mère Ukraine ».
Dans les allées du centre de conférences, on retrouve majoritairement des ressortissants polonais, tchèques, hongrois, ukrainiens, slovaques, arméniens, moldaves, biélorusses. Contrairement aux années précédentes, on ne croise presque aucun Russe. Trois seulement étaient présents, sur 5.000 participants : ils ont eu des responsabilités politiques en Russie, mais ont depuis émigré. Le discours qui domine les débats est fermement pro-américain et antirusse, les différents intervenants rappelant que les leçons du passé n’ont pas été tirées. Ils considèrent que l’attitude européenne par rapport à Vladimir Poutine est trop pusillanime et que l’Europe devait dans son ensemble se mobiliser derrière les pays de l’Est, menacés par Moscou, pour soutenir vigoureusement Kiev et lui offrir une victoire totale. L’opposition à la Russie se traduit dans de nombreuses prises de parole, avec notamment la proposition d’interdire tous les médias russes au sein de l’Union européenne - et pas seulement Russia Today - ou encore celle visant à interdire de séjour les Russes, même munis de visas. Cette dernière revendication s’est concrétisée dix jours plus tard, puisque les frontières polonaises sont désormais fermées aux Russes munis d’un visa européen… ce qui suscite d’ailleurs l’inquiétude des réfugiés russes qui craignent d’être expulsés dans leur pays.
Peu de représentants d’Europe de l’Ouest
Cette année, on remarque qu’il y a bien moins de représentants d’Europe de l’Ouest que les années précédentes, à l’heure même où l’on aurait pu s’attendre qu’ils soient davantage impliqués dans les débats. Explication possible : l’opposition du gouvernement conservateur polonais à Bruxelles sur la conception de l’État de droit, puisque la Commission européenne a infligé en début d’année des amendes à Varsovie, concernant une chambre de la Cour suprême qui menacerait l’indépendance des juges et la non-fermeture d’une mine de charbon. On perçoit, d’ailleurs, très explicitement l’influence du PiS, parti Droit et Justice actuellement au pouvoir, dans les débats de Karpacz, sur la question de l’avenir européen du conservatisme, sur l’illusion libérale ou encore sur l’importance fondamentale de la chrétienté dans la civilisation occidentale. Voilà pour la dimension idéologique. Les enjeux financiers ne sont pas absents. Enfonçant encore davantage un coin dans la relation entre la Pologne et l’Europe de l’Ouest, Varsovie estime à 1.300 milliards d’euros les réparations que lui doit Berlin après la Seconde Guerre mondiale. Le président du PiS avait réclamé, quelques jours avant le début du forum, que l’Allemagne paie… ce qu'elle refuse. De son côté, Moscou se tourne vers l’Asie pour maintenir une puissance continentale intacte.
De Vladivostok à Samarcande, Vladimir Poutine veut afficher le pivot asiatique de la Russie
Exactement au même moment, le septième Forum économique oriental s'ouvrait à Vladivostok dans l'Extrême-Orient russe. Fruit d’une coïncidence ou temporalité choisie ? Quoi qu'il en soit, la Russie espérait de ce forum concurrent auquel participaient, entre autres, la Chine, l’Inde, le Vietnam ou encore la Mongolie, qu'il démontre ses liens renforcés avec l'Asie. Et qu'il transmette un message à l’Ouest. Combattue économiquement et idéologiquement par l’Occident, la Russie veut se tourner vers l’Orient pour y trouver des débouchés économiques, des coopérations diplomatiques et des alliances militaires. Vladimir Poutine a pris la parole à ce forum, comme à celui qui s’est tenu à Samarcande, en Ouzbékistan, dix jours plus tard. Il a retrouvé, à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï, son homologue chinois Xi Jinping, avec qui il partage le rejet du « monde unipolaire » guidé par Washington.
Si la Pologne entend incarner la résistance des pays de l’Est à Moscou et se veut leader européen de la résistance contre l’ours russe, elle peine à entraîner derrière elle des gouvernements ouest-européens que son conservatisme dérange.
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22 commentaires
Je n’y crois pas ? Je lis : « la Commission européenne a infligé en début d’année des amendes à Varsovie, concernant une chambre de la Cour suprême qui menacerait l’indépendance des juges et la non-fermeture d’une mine de charbon. ». Ceci alors que l’Allemagne a ré ouvert il y a des années des mines de charbon (lignite) à ciel ouvert pour 40 % de sa consommation en énergie ! et que l’europe dont l’allemagne vivait en partie grâce au gaz et pétrole Russe.
Et la Pologne qui achète des avions militaires U.S. alors que la France a les meilleurs du Monde !
La Pologne ce Pays si Chrétien, qui a donné un Pape parmi les meilleurs, va t’elle tomber dans le Wokisme pur et dur ? Parce que ça à mon avis les Orthodoxes ils n’apprécient pas du tout, encore pire que l’OTAN à leur porte !
Je voudrai être Pro U E telle quelle, mais je n’y arrive pas.
Tiens nos grands donneurs de leçons Allemands et Bruxelloisqu’ils ont phagocités fondent une parite de leurs richesses sur des domage de guerre qu’ls n’ont pas payés. Bravo les donneurs de leçons (voire leurs dernièrres bramèes contre l’Italie). Il est grand temps de chasser les verts allemands de Bruxelles, d’obliger l’Allemagne à respecter la réparation des domages de guerre qu’ils ont commis (Poutine et l’Ukrine ce n’est une amusette par rapport à ce que les allemnads ont commis dans tote l’Europe). Pour terminer ramener l’UE à ce qu’elle aurait toujours dû être uniquement une zone de libre échange. (on virera sans indemnité la clique de Bruxelles elle s’est suffisament gobergé sur notre dos)
» d’obliger l’Allemagne à respecter la réparation des dommages de guerre qu’ils ont commis » Bien évidemment. Mais tout aussi évident est de constater que l’immense majorité des tués et des destructions en Europe l’ont été par les Alliés et particulièrement les Américains (par exemple, 80 morts sur la plage de Biarritz, objectif stratégique s’il en est). Quid des réparations? Rappelons que le plan Marshall n’était qu’un prêt, intégralement remboursé, et même au-delà puisque principale cause de notre servitude actuelle.
Voilà un article important qui montre bien l’ambivalence de la position des pays d’Europe de l’Est vis-à-vis del’Allemagne, de l’Europe et leur tentation d’inféodation aux Etats Unis. Je connais bien la Pologne depuis 40 ans et j’ai suivi la lente progression de l’indépendance de ces pays d’Europe de l’est face à la Russie depuis plus de cinquante ans : Tchécoslovaquie, Hongrie, Yougoslavie, Pologne, Pays Baltes, Roumanie. Je reste persuadé que Jean Paul II avait une attitude mesurée dans tous ces domaines et que l’on ferait bien de s’en inspirer.
Les Polonais ont déjà reçu le « Couloir de Dantzig » après la première guerre mondiale, bande de terre prise à la Prusse Orientale, pour accéder à la Baltique. Ils oublient aussi que ce sont les Russes qui les ont libérés des Allemands en 40, y compris le « Ghetto de Varsovie » et les camps de concentration du pays. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce pays…Heureusement que la Suisse ne demande pas un accès à mer! La France serait elle aussi à son tour coupée en deux!!!
Tiens alors ! La Pologne est en Europe, elle ne nous en donnait pas l’impression. On peut aussi se demander si la Lituanie avec la Lettonie et Estonie sont des pays Européens vue les rapports avec les état unis plus qu’avec l’union européenne.
Ouvrez les yeux : l’Europe de Bruxelles, création de Washington, tend de plus en plus à s’intégrer au territoire américain. Comme Porto Rico, en plus pauvre.
Les Polonais ont une haine viscérale de la Russie, ce qui souvent obscurcit leur raisonnement, qu’ils sachent que les USA sont de faux amis, serait déjà un grand progrès.
Vous oubliez que le troupeau va toujours du côté où l’herbe est la plus verte. US, pour le moment…Ils seront « largués », comme l’Ukraine, quand les US n’auront plus besoin d’eux.
L’heure est venue de calmer le jeu. On peut comprendre l’attitude de la Pologne vis à vis de la Russie , eu égard au passé et aux realtions difficiles entre les deux pays . La Pologne sous le joug soviétique pendant des années , mais la donne a changé. La Pologne se range derrière les USA , on le voit bien avec l’achat des F.35, au lieu du Rafale . La même chose pour l’Allemagne . L’Europe de la défense , c’est comme le monstre du Lochness , on en parle mais on ne le voit jamais.Alors , Oui Poutine est l’agresseur et il faut aider l’Ukraine, mais on assiste à une escalade dangereuse. Le pont qui dessert la Crimée et voulu par Poutine , l’endommager sérieusement , c’était s’exposer à une réaction violente de la Russie, d’où le bombardement des grandes villes comme Kiev . La guerre , on sait comment ça commence , jamais comment et quand ça se termine. Les civils tués il y’en a eu depuis longtemps, il suffit de se souvenir du nombre de civils Français morts sous les bombes américaines ou anglaises pendant la 2nd guerre mondiale , plus de 50 000..C’était le prix à payer pour la libération.
« Les civils tués il y’en a eu depuis longtemps, il suffit de se souvenir du nombre de civils » tués depuis 2014 (et même avant) au Donbass…. ceci dans le silence le plus total de la Pologne et des pays occidentaux
Les progressistes préféreraient laisser la Russie envahir la Hongrie ou la Pologne plutôt que de prêter assistance à ces États pourtant membres de la CEE. Elle est belle la solidarité européenne et ses « valeurs ».
Personnellement je suis solidaire des Russes qui combattent ,l’impérialisme américain en Ukraine. Je voudrais une Europe de Dublin à Vladivostok , débarrassée des influences US.
Oui, l’allemagne doit payer ses réparations matérielles de la guerre de 1940, ainsi que ses réparations morales et enfin et surtout se taire ! Quant à l’U.E on voit l’image qu’elle se donne: un mur sans ciment et c’est bien ainsi, jusqu’à ce qu’il s’effondre comme le mur de berlin et que les peuples européens puissent enfin être « libres » et choisir leurs alliés;
FREXIT !
Que la Pologne indemnise l’Allemagne pour l’annexion sauvage de la Silésie, de la Prusse Orientale ainsi que de la Poméranie occidentale, territoires dont les populations ont été chassées sans aucune indemnisation après avoir été violentées et martyrisées par les Russes.
L’Ukraine un pays où la corruption est partout, la France et autres vassaux Occidentaux n’ont rien à faire dans ce bourbier orchestré de main de maître par papy Biden et son staff, nous en paierons les conséquences et ce ne sera que justice.
Quand à l »Otan qui s’offusque des bombardements de l’armée Russe sur Kiev c’est une sinistre farce, faut il rappeler les bombardements des populations civiles par l’Otan sur Sarajevo, évidemment quand on prétend représenter le camp du bien on peut tout se permettre…
Steed, j’approuve à 100%.
Tout a fait d’accord . On reproche aux russes ce qu’a fait l’OTAN depuis sa création. Mais il est vrai que pour nous c’est le camp du bien.
Totalement d’accord avec votre avis.
J’ai sur le cœur les bombes antipersonnelles à fragmentations tirées il y a quelques mois (2 ou 3 mois, je crois) en provenance de France, alors que celles ci sont interdites de fabrication et que les pays en ayant encore avaient promis de les détruire, dans les parcs publics et les jardins d'(enfants dans le Donbass.
« L’Ukraine un pays où la corruption est partout, la France et autres vassaux Occidentaux n’ont rien à faire dans ce bourbier ». Bien sûr que si. Il faut pouvoir comparer ses corruptions d’un pays à l’autre.
La Pologne se prend pour la grenouille qui veut se faire aussi gros que le boeuf sous prétexte qu’elle est le bon petit soldat des USA. C’est sans doute le pays le plus atlantiste d’Europe et elle s’en croit invincible. Elle finira comme dans la fable.
On aime ou on n’aime pas la Pologne, et pas toujours pour des raisons valables. Moi j’ai toujours aimé la Pologne et tout en comprenant son hostilité aux Russes, j’ai dû constater à quel pointelle s’était inféodée à la civilisation de consommation. J’ai connu beaucoup d’acteurs de Solidarnosc, fréquenté des résistants et des sénateurs polonais, et j’ai lu tous les textes officiels de Karol Wojty/la (Jean Paul II). Ce peuple vaut la peine d’être soutenu .Il est digne d’être Européen et il me semble normal de tenir compte de son opinion au sein de l’Europe, comme on devrait aussi faire droit d’une certaine manière à la Russie : rejeter celle-ci dans la sphère Asiatique me parait une profonde erreur.