Les salles de cinéma sont vides : Libé s’interroge sur les causes…
Le quotidien Libération, qu'on ne présente plus, est comme les clowns du fond de la classe : il est devenu prisonnier de son masque social. Perfusé par l'État, détenu par des patrons milliardaires, peuplé de journalistes blancs, aisés, bourgeois et parisiens, le journal pense encore être le porte-voix de la culture subversive, des minorités, des valeurs généreuses de la gauche 68. Par exemple, Libé défend le cinéma français.
Le 5 octobre 2022, le journal recevait donc deux des signataires d'une pétition du métier, accompagnés de Carole Scotta (productrice) et de Jacques Audiard (réalisateur bien connu), pour un « entretien à quatre voix » sur la préoccupante situation du septième art made in France. La fréquentation des salles n'a jamais été aussi basse. On évoque le chiffre de -34 % par rapport à 2019. Les signataires et leur deux « alliés » (cette passion du champ lexical militaire chez les gauchistes...) conviennent de la nécessité de tenir des « états généraux du cinéma ».
Prenons les choses par ordre. D'abord, si les cinémas sont vides et que les films français ne sont plus aimés du public, il peut y avoir plusieurs raisons. Le Covid, dont l'effet collatéral est la panique sociale, a fait des ravages dans ce qui restait encore de la sociabilité ordinaire. Les bars s'en tirent encore, mais la facture d'électricité de cet hiver ne devrait pas tarder à les mettre à genoux. Le public des grands complexes cinématographiques a changé, lui aussi. Il a même été remplacé. Les vidéos de jeunes racailles « foutant le bordel » à des premières de blockbusters, souvent américains, tournent en boucle sur les réseaux sociaux. S'agissant des films français distribués dans des cinémas français, puisque c'est le seul problème qui semble préoccuper nos combattants, peut-être serait-il temps de se pencher sur leur contenu pour essayer de trouver les raisons d'une telle désaffection.
Les comédies familiales, à part Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? et Intouchables, deux fables antiracistes idiotes peinturlurées en « feel-good movies » à grand renfort de com', n'existent plus. Les films d'action populaires à la Belmondo, quoique rares, sont encore défendus par Jean Dujardin ou Gilles Lellouche, avec une constance qui, si elle force le respect, pose tout de même la question du talent des autres acteurs. Que reste-t-il dans le paysage cinématographique français ? Des films d'auteur, « dérangeants, crus, dont on ne ressort pas indemne », qui alternent interrogations absurdes, sexe sordide, pauvreté et laideur volontaires. Des films « bouleversants et nécessaires », dans lesquels des bourgeois blancs s'engueulent dans des appart' haussmanniens (blancs également) et se réconcilient à République, dans un Paris de théâtre d'avant Anne Hidalgo, calibré pour le public étranger. Des films « qui nous donnent le sourire et interrogent nos certitudes », où l'on voit un personnage raciste (souvent une femme blonde) touché par la grâce d'une « belle rencontre » avec une « belle personne » (généralement un clandestin africain). En trois mots : de la m…
Ces états généraux du cinéma, comme les états généraux d'autrefois, ceux d'avant les belles pages d'humanisme de la Révolution, peuvent être l'occasion d'une prise de conscience, d'un renversement total, ou de rien du tout. Il y avait autrefois trois ordres dans ces sortes de réunions, vous vous souvenez sans doute de nos cours d'histoire. Si ces états généraux ont lieu pour le cinéma français, on y retrouvera la noblesse, qu'elle soit parisienne (producteurs riches, réalisateurs comblés, acteurs fétiches, parterre digne des César) ou provinciale (monde des cultureux de province, des cinémas d'art et d'essai, qui ont dix ans de retard sur la subversion chic, singent maladroitement les grandes personnes de la capitale et se veulent « festifs et citoyens » ou bien « éveilleurs de conscience », ça dépend). On y retrouvera aussi le clergé (critiques snobinards, journalistes télé superficiels, philosophes, réfléchisseurs et prescripteurs de tendances cinématographiques). Pour ça, pas de problème.
Mais au juste, qui incarnera le tiers état, c'est-à-dire le public, celui au service de qui tout cela est fait, en somme ? Les signataires de la pétition ne se sont pas posé la question. On ne sert pas au public ce dont il a envie : on part du principe que ces idiots de spectateurs achèteront ce qu'on leur vend. Sauf qu'ils n'achètent plus. C'est très encourageant. C'est peut-être le début de quelque chose. Vivement les états généraux !
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Les temps changent, voilà combien de temps voilà combien d’années que les frères Lumiere ont éteint la leur? Combien d’années déjà qu’ont disparus nos Cinés ambulants.
Ce journal est toujours à côté de ses pompes.