[Tribune] Vers une panne du crédit immobilier aux particuliers en France ?

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Depuis quelques mois, les particuliers qui souhaitent faire un crédit immobilier reviennent souvent bredouilles : « Les banques ne prêtent plus ! »

L’État lance des opérations « cœur de ville » mais, dans nos villes et nos villages, la rénovation de l’immobilier de centre-bourg tient surtout à la volonté des investisseurs privés. Le plus souvent des particuliers ou des artisans, qui achètent et rénovent un bien pour l’habiter ou pour le louer. L’immobilier est le seul domaine où l’on peut investir sans avoir d’épargne. Les loyers permettent de rembourser les crédits sur le temps long, et la valeur de l’immeuble permet de garantir le risque pour le banquier. Le système est bien rodé et chacun y trouve son compte. Le banquier prête sans trop de risque et l’emprunteur constitue ainsi un petit patrimoine.

Mais depuis le mois de janvier, rien ne va plus…

Contrairement aux apparences, les établissements bancaires n’y sont pour rien… C’est, en fait, l’État qui freine des quatre fers ! Depuis janvier 2022, les préconisations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) présidé par Bruno Le Maire, en matière de prêts immobiliers, sont devenues obligatoires pour les banques et pour leurs clients :
- le montant total des dépenses liées à l’habitation rapporté aux revenus ne doit pas excéder 35 % ;
- l’endettement ne doit pas excéder 27 ans ;
- la possibilité de déroger à ces critères ne doit pas excéder 20 % des dossiers de crédit pour chaque banque (16 % pour les primo-accédants et 4 % sur pour les autres dossiers).

Ces préconisations ne dérangeaient personne tant qu’il s’agissait de « préconisations ». Cela faisait partie, d’une manière générale, des règles d’usage pour les banques dont on rappelle que leur métier est de louer de l’argent et que cette activité ne fonctionne que si l’argent ainsi loué est remboursé (capital) et le loyer sur l’argent (intérêts) est payé ! Les règles d’usage n’empêchaient pas chaque établissement d’apprécier au cas par cas.

Le syndrome du ralentisseur

Mais depuis le 1er janvier, les préconisations d’usage sont devenues des règles intangibles. Dans le crédit, comme ailleurs, l’administration française met sous tutelle les professionnels et les acteurs de terrain.
Pour empêcher des abus observés ici où là, au lieu d’exercer son devoir de police, l’État préfère infliger des règles et des contraintes à toute une profession et brider le système. C’est le « syndrome du ralentisseur » : pour régler le problème de quelques chauffards, on impose des gendarmes couchés à tous les habitants.

Ainsi, un ménage qui souhaite acquérir un bien immobilier avec l’objectif de le louer devra-t-il se plier aux mêmes règles qu’un ménage qui achète sa maison pour l’habiter, à savoir « un montant total des dépenses liées à l’habitation rapporté aux revenus de 35 % maximum ». Autant dire que l’équation est impossible ! Dans l’immobilier locatif, le taux d’effort est de 70 à 100 % !

Depuis le mois de janvier, 60 à 80 % des particuliers porteurs de projets sont exclus de l’accès au crédit ! Une fois encore, avec sa bureaucratie, ses « autorités », ses « agences », ses « hauts conseils », notre nation produit tout et son contraire !

L’État multiplie les incitations à la rénovation énergétique. Il envisage l’interdiction de louer les « passoires énergétiques ». Il a instauré le « permis de louer » pour empêcher la mise sur le marché de logement indignes… Mais, dans le même temps, alors que le coût des travaux augmente chaque jour, à cause de l’inflation, il empêche les banques de prêter aux particuliers porteurs de projets !

En 2021, 1.325.000 ménages avaient souscrit un crédit immobilier. 31,4 % des ménages détenaient au moins un crédit immobilier. La valeur des encours était de 1.354 milliards d’euros. Un véritable succès pour notre économie.

Se priver de l’investissement des particuliers dans l’immobilier est juste contre-productif dans une France qui a, plus que jamais, besoin de construire, de rénover, d’isoler, de conventionner pour mettre à disposition des logements dans le parc locatif. Comme dit l’adage : « Quand le bâtiment va, tout va ! » En France, l’artisanat du bâtiment regroupe plus de 400.000 entreprises qui emploient 1,1 million de salariés.

Mais comme chacun sait, lorsqu’une règle est édictée en France, on établit « en même temps » le chemin pour la contourner.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, les banques préconisent aux particuliers qui ont acheté un bien pour le rénover de créer une SARL ou une SAS[1] et de lui transférer le bien en question. Il en coûtera un acte notarié et des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), soit environ 8 % avant même d’avoir commencé les travaux ! Ce montage qui ne change rien au niveau du risque et de l’endettement permet juste de passer de la catégorie « particulier » à la catégorie « professionnel » et de s’affranchir, de la sorte, des critères contraignants du HCSF !

Cela ne changera rien au projet, si ce n’est que la création d’une société va l’alourdir un peu plus financièrement et administrativement (bilan, compte de résultat, déclarations etc.).

Ainsi va la France où « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », comme l’écrivait Montesquieu.
Et si l’État laissait les banques faire leur métier ?

Alors qu’une méthode simple serait de laisser les banques faire leur métier, à savoir louer de l’argent à des investisseurs en capacité de le rendre à l’issue ou au cours de leur projet et d’en payer le loyer ! Et sanctionner particuliers ou établissements bancaires qui abusent du système. L’État joue déjà son juste rôle de régulateur et de protection des citoyens via la Banque de France qui anime les commissions de surendettement et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Non, la France a un rang à tenir ! Montaigne - déjà - prétendait que « nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait pour régler le monde ». Alors, continuons d’emmerder les Français !

[1] Le HCSF ne reconnaît pas la SCI (société civile immobilière) comme un professionnel de l’immobilier (sic).

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Yves d'Amécourt
Chef d’entreprise, ingénieur de l’Ecole des Mines d’Alès, ancien élu local de Gironde 2004-2021 (conseiller général, maire, président d’EPCI, conseiller régional).

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Le grand reset tente de se mettre en place, sans succès, mais tout de même, ils essaient. Rappelez-vous ce cher Schwab ; vous n’aurez rien et vous serez heureux.

  2. Je suis que partiellement d’accord avec cette analyse.

    Il faut bien comprendre que l’emprunt bancaire facile risque de créer une bulle spéculative comme ce fut le cas en 2007 aux États-Unis ou encore récemment en Chine. En France cela fait une vingtaine d’année que la hausse du prix du logement est largement dûe à l’endettement des ménages et sur l’immobilier est déconnectée de sa valeur réelle. Si la bulle éclatait brutalement, ce serait catastrophique pour toute l’économie. En régulant l’accès au crédit, l’État joue parfaitement son rôle.

  3. Toute l’économie est sous contrôle de la démocrature , il faut que l’état se mêle de tout , on en voit le résultat , le pays se porte à merveille … !!!

  4. Gageons que les élus sont dispensés de ces restrictions… En tout cas n’est-ce pas le moyen de tuer la filière du batiment qui n’ a pas besoin nombreux bureaux où l’electricité est x100 ?

  5. Enfin on ne peut occulter d’un revers de la main la spéculation immobilière déraisonnable , depuis l’an 2000, les prix ont été multiplier par 2,5 , et les revenus ? Favoriser le crédit, le taux d’endettement favorise cette spéculation…
    Pour satisfaire les critères imposés par les pouvoirs publics , une baisse de l’immobilier serait une bonne nouvelle pour les acheteurs …. Bon par contre certain auront fait une mauvaise affaire , c’est le jeu !

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