[Tribune] Inflation : va-t-on en prendre pour dix ans ? (1/2)
Édouard Leclerc a expliqué, récemment, au micro de Sud Radio, que l’inflation pourrait durer dix ans avec un niveau moyen de 6-7 %. A-t-il raison de s’inquiéter d’une inflation durable ?
Le processus de baisse de l’inflation en Occident
De 1980 à 2021, l’Occident était dans un processus de baisse de l’inflation, l’inflation passant d’un niveau de 10 % environ à 1 ou 2 % par an. La mondialisation économique imposée par les États-Unis avec la signature tous azimuts de contrats de libre-échange a été un des facteurs les plus importants. Les produits fabriqués en Chine et en Asie avec de bas salaires ont envahi le monde, avec des prix bas à la clef. Les salariés occidentaux ont vécu sous la menace de délocalisations de leurs activités vers des pays à bas salaires, ce qui a limité grandement les hausses de salaires et, donc, la hausse des prix. La concentration des moyens de production a aussi permis d’obtenir des économies d’échelle. Pendant ces quarante années, les énergies fossiles ont été relativement bon marché, ce qui a aussi favorisé une faible inflation. Enfin, les banques centrales européennes se sont préoccupées avant tout de limiter l’inflation et non de pousser à tout prix les feux de la croissance, afin de suivre une politique monétaire de type allemand, condition fixée à la création de l’euro.
La réapparition de l’inflation
Brusquement, l’inflation s’est accélérée au tournant de 2021, au sortir des confinements Covid pour atteindre, fin 2022, des niveaux de 7 à 13 % dans les grands pays européens et aux États-Unis. La question importante est de savoir s’il s’agit d’une poussée sans lendemain ou de l’amorce d’un changement durable.
Ces niveaux d’inflation, jamais vus depuis quarante ans, sont dus à une multitude de facteurs.
Voici les facteurs conjoncturels :
Le premier facteur était la sortie brusque et désynchronisée du confinement : dans une économie mondialisée, les chaînes de production sont étirées, concernent plusieurs pays et continents et les entreprises modernes gèrent en zéro stock. Il n’y a donc rien d’étonnant qu’une sortie désynchronisée des confinements ait conduit à des goulots d’étranglement et des problèmes de stock et de production conduisant à une hausse des prix.
Le deuxième facteur est la forte hausse des prix des matières premières après une forte phase de repli liée à une forte baisse de consommation et de production. Le rebond brutal de la consommation a conduit à une hausse classique des prix, amplifiée par la trop grande facilité de spéculer sur des matières premières pourtant critiques pour les économies : pétrole, cuivre, fer, bois d’œuvre pour le BTP et sur les produits agricoles (riz, blé, maïs, porc, bœuf, etc.).
Le troisième facteur est le plan de relance excessif du gouvernement américain pendant la crise Covid. Les ménages américains étant gorgés de cash, les ventes de détail du premier marché de consommation du monde ont augmenté de 10 % entre septembre 2020 et mars 2021. Un mouvement aussi brusque, rarement vu, a vidé les stocks et déstabilisé les circuits de marchandise au moment où les transports étaient encombrés.
Voici les facteurs structurels :
Le premier facteur est la forte hausse du prix de l’énergie consécutive à une décision irrationnelle des pays européens : se passer brusquement d’un tiers de l’énergie du Vieux Continent (l’énergie russe), ce qui fit faire des bonds aux prix du pétrole, du gaz et du charbon, et pas seulement en Europe. La guerre en Ukraine et les « sanctions contre la Russie » risquant de durer, ce facteur peut être classé en facteur structurel ou conjoncturel selon les prévisions de chacun.
Le deuxième facteur est aussi lié à la guerre en Ukraine et à ses conséquences à long terme sur la situation géopolitique entre l’Occident et « le couple » Russie-Chine. L’Occident, la Russie et la Chine se méfiant les uns des autres, une forme de démondialisation économique forcée se met en place progressivement. Les Russes commercent beaucoup moins avec l’Occident, et vice versa. Les États-Unis veulent moins dépendre de la Chine et essaient de rapatrier la production de puces électroniques près de leurs frontières. Craignant des sanctions, la Chine réplique. De grandes plaques tectoniques bougent.
Le troisième facteur structurel est lié à la création de monnaie par milliers de milliards de dollars par les banques centrales occidentales. Les économies occidentales perdant de leur substance avec leur désindustrialisation, les banques centrales ont pris l’habitude, depuis 2009, de relancer les économies en utilisant massivement la planche à billets. Cela a, au départ, fait monter principalement les Bourses et l’immobilier. La monnaie étant en excès, cela finit aussi par faire monter les prix des biens achetés par les ménages. Dans le système néolibéral, la montagne de dette publique accumulée en Occident (supérieure à 100 % du PIB) et la difficulté à obtenir de la croissance risquent d’imposer quelque temps encore cet outil inflationniste.
Le quatrième facteur structurel est le dysfonctionnement du capitalisme financiarisé dans les pays occidentaux. Les entreprises occidentales de taille conséquente sont de plus en plus dirigées et gérées par des financiers. Pour faire simple, Wall Street nomme des dirigeants dont l’objectif est de faire monter coûte que coûte le cours de Bourse. S’ils réussissent, ils sont rétribués à coups de millions de dollars ; s’ils échouent, ils sont licenciés. Les entreprises sont gérées pour et par la finance, du cash devant être dégagé à tout prix pour les distributions de dividendes et les rachats d’actions. La perte de sens est totale et les plus compétents, ceux qui aiment leur métier, partent ou sont dégagés car ils ne cadrent plus avec les objectifs strictement financiers de l’entreprise. Les salariés restants sont de plus en plus démotivés et les performances des entreprises s’en ressentent. On assiste parfois à l’émergence de véritables médiocraties, qui font écho à la médiocratie politique que nous voyons se développer. L’ancien patron de Boeing, trop avare d’investissement industriel et incapable de sortir un concurrent du nouvel A320 qui soit sûr, ne nous contredira pas. Cette perte d’efficacité dans les entreprises occidentales a et aura des conséquences inflationnistes. En entreprise, vouloir trop de rentabilité/productivité finit par faire baisser la productivité. Les dommages causés aux entreprises seront difficiles à résorber car changer les mentalités et les attitudes prendra du temps.
Pour être complet, notons qu’un facteur important joue a contrario en faveur de la désinflation : la difficulté à trouver un emploi, à changer de travail avec un meilleur salaire, rend les salariés occidentaux incapables de faire augmenter leurs salaires. En 2022, les hausses de salaires en Occident sont inférieures de 3 à 7 % au niveau d’inflation, causant une baisse importante du niveau de vie mais empêchant l’apparition d’une spirale prix-salaires (les prix montent, donc les salaires augmentent, ce qui fait à nouveau augmenter les prix).
La suite de cet article à retrouver demain...
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21 commentaires
Il faut que chaque français redécouvre l’AUTONOMIE. Nos grands-parents, fermiers, produisaient eux-même , 90% de ce qu’ils consommaient et n’étaient donc pas soumis aux lois du « marché ». Les boulangers d’avant allumaient la nuit leurs fours à bois et cherchaient leur bois ou sur leur terrain, ou dans les forêts communales à proximité. Les grosses éoliennes qu’on installe dans nos campagnes sont un désastre pour la nature, mais si chacun avait sa petite éolienne sur sa toiture pour sa conso propre, celà serait beaucoup plus raisonnable. Mais on a voulu mettre en place un « état-providence » qui doit nous protéger et nous alimenter en tout (mais avec ses propres règles, celles du marché). Redécouvrons l’autonomie le + possible et tout ira mieux.
pardon mais « chacun son éolienne » ne serait pas fiable tout comme une « grosse éolienne » puisque le principe est pipé ! … Tout comme le solaire, ce sont des « énergies hypothétiques » du fait du climat ! …
Le « tout électrique » tue toute possibilité de « monde meilleur » …
L’autonomie relative alimentaire est à privilégier soit en « permaculture » ou en « traditionnel » … Sauf que les « néo-ruraux », en plus de vouloir chasser les chasseurs, ne veulent plus aucuns bruits de la campagne … Le « télétravail » va se faire avec des pigeons voyageurs ? Les « petits hommes gris » de ces « gouverne-et-ment » sont à éradiquer rapidement …
Cette société française devient tellement débile que « ça » en devient invivable ! …
Excellent article de fond ! C’est exactement cela ! Les causes conjoncturelles et structurelles sont très bien analysées et décrites.
Le capitalisme est devenu hyper-financiarisé, et une entreprise est considérée comme une « pompe à fric » (ou à cash…). On a quitté la notion d’unité de production de biens utiles ou durables, pour ne voir que des résultats. L’esprit d’entreprise, la notion de patrimoine, l’amour du travail « bien fait », l’utilité sociale, etc etc….ont disparu « corps et biens ».
La France a perdu 16 % de sa capacité productive (passage de 26 à 10 % au national) : qui va créer de la « plus-value » ? Les services ? Allons…
D’accord avec vous : l’inflation est là pour qque temps et est le « seul moyen » pour faire « fondre » les dettes accumulées, colossales ; avec du 6/10 % l’an, cela va « dégonfler » assez vite, et seront de nouveau piégés ces pauvres salariés-citoyens-contribuables, qui « verront passer les trains » ; réagiront-ils ?
Le projet assez idéologique de réforme des retraites (non encore véritablement utile à court-moyen termes, le système étant encore équilibré) va peut-être faire se rompre un point d’équilibre social : 62 ans actuellement, les salariés partent à 63.5 ans certes, mais avec un peu de surcote ! (qui améliore leur « ordinaire ») ; si c’est 64, elle disparaîtra.
Personne n’est dupe ni ne le dit : les retraites baisseront ds 10 à 20 ans de nouveau (cf les réformes précédentes). Les Français le savent.
Et ce n’est que le début ; je crains que 2023 soit une année véritablement difficile, et peut-être le début d’une « série noire » : souhaitons que je me trompe…
Merci beaucoup à vous ; je conserve votre analyse !
On a pratiquement détruit la monnaie avec la perte de parité Dollar-once d’or. Cela va évidemment continuer et on sera bien obligé de définir à nouveau une unité de mesure de la prospérité après la traversée de la mer des tempêtes. On a trop abusé des salaires mirobolants et des parachutes dorés.
Tout y est , néamoins le gros facteur inflationniste est du aux banques centrales qui ont fabriqué de l’argent gratuit qui a entrainé une spirale inflationniste devenue difficilement contrôlable, les petits malins en profitant pour spéculer comme des malades, business as usual.
Excellent article d’un grand expert en la matière. Une chance pour les lecteurs de BV. Merci. Une remarque juridique néanmoins : une partie significative de »La » Dette n’est pas une dette au sens juridique puisque le créancier ne s’est pas appauvri en tirant la somme sur ses fonds propres mais qu’il a avancé un »crédit » en monnaie scripturale alors qu’il n’a pas ces fonds sur ses comptes (c’est la tolérance des accords de Bâle I et II). Notre grand Nobel Maurice Allais l’avait parfaitement dénoncé. La grande question est : comment – pour faire baisser la part de l’inflation qui est due à cet excès de liquidités – retirer peu à peu de la masse monétaire cette partie artefactuelle de la dette sans imposer un remboursement qui serait juridiquement un non sens et un enrichissement indu (ou sans cause) du »prêteur » (qui n’a en fait rien »prêté du tout !). Amicalement à Ph.M.
De plus en plus de candidats aux restos du coeur par la faute de ces actionnaires qui n’en ont jamais assez et par une gestion catastrophique des politiques .Travaillé braves gens ils n’en ont jamais assez et soyez rassuré de retraites vous n’aurez plus ils vous auront achevé avant .
Vous oubliez la cause essentielle, la décision de macron aux ordres de l’UE et des states qui a voulu punir la Russie !
Une solution pour que ça ne dure pas dix ans, virer macron et son équipe d’incapables et reprendre des négociation avec la Russie pour relancer notre économie et baisser le prix de l’énergi, et au besoin sortir le plus vite possible de cette UE qui saccage tous les pays d’Europe !
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« virer Macron » !?
Ne serait-ce pas oublier que 18,7 millions de Français l’ont réélu il y a à peine 8 mois?
Imagine-t-on un instant que MLP battrait Macron si de nouvelles élections avaient lieu aujourd’hui ?
Malgré le bilan catastrophique de Macron et toutes les affaires au centre desquelles il se trouve, les Français semblent toujours préférer vivre un cauchemar plutôt que de tenter une autre expérience dont on se demande bien en quoi elle pourrait être pire que ce que l’on subit aujourd’hui.
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ce n’est pas près de finir, actuellement les producteurs de pommes détruisent leurs vergers parce qu’ils ne sont plus rentables, on importera de fait des pommes de Pologne, pesticides compris, le calvados la liqueur sera polonaise, les boulangers ferment, les boucheries ferment, les marchands de surgelés, toupargel licencie 1900 personnes, Picard ne devrait pas tarder à suivre, les entreprises sont au chômage partiel, pendant ce temps là on importe des doudounes du bangla desh (voir la mairie de Lyon), avec la politique de notre gouvernement, nous descendons implacablement vers l’enfer, que restera t-il de notre pays après les JO ? un désert, voué à être avalé par l’Allemagne et les Etats Unis, les français anesthésiés avec les piqûres covid ne répondent plus allo y a t-il encore un survivant dans ce pays ?
Apocalyptique mais bien réel. Pauvres de nous qui avons toléré tant d’incapables corrompus jusqu’à la moelle à la têtes du Pays et multinationales.
Encore « un économiste éclairé » qui va bientôt nous faire croire que l’inflation serait « maîtrisée » ! …
On veut vraiment nous faire avaler des couleuvres et nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! …
Le mondialisme transforme les humains en « pions qui ne sont que des éléments d’ajustement économique » … Pour que ce soit « faisable, ces pions ne doivent pas avoir d’attaches socio-culturelles et économiques … Les « nantis » de tous poils nous expliquent que « c’est pire ailleurs », « qu’il faut être humaniste car la guerre est à nos portes » ET « que tout ce qui est nouveau est une chance pour tous » …
Il y a eu « travailler plus pour gagner plus … » de tous bords. Maintenant, c’est « travaillez plus longtemps pour gagner éventuellement pas plus … » mais ça faut pas le dire ! …
Les « nouveaux pauvres » seront légion avec toutes les répercussions de la macronie ! …
Mme macron nous a bien dit qu’au cours de ses voyages (payés par le contribuables ) elle a constaté qu’en France nous sommes bien car c’est pire ailleurs…..a t elle été se promener seule dans les quartiers pauvres ou les souks des pays visités ?
excellent !
Elle attire cette réflexion que la France est de plus en plus (à son image ?) un chef d’oeuvre en péril !
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Je partage cette analyse. Pour retrouver une économie au service des humains il faut mettre un terme à la mondialisation libérale qui a conduit à la création de fortunes colossales qui met l’humanité aux mains des affairistes apatrides sans vertus.
Tout à fait