[L’œil américain] L’incroyable succès de Tucker Carlson

Les vidéos de l’ancienne vedette de Fox battent des records sur le réseau X (Twitter).
TUCKER CARLSON

Le 23 août dernier, Tucker Carlson tenait sa revanche. L’ancien présentateur vedette de Fox News, évincé au printemps dernier, publiait sur X (anciennement Twitter) la vidéo d’une interview avec Donald Trump. « C’est la soirée du débat mais nous ne sommes pas à Milwaukee », annonçait-il malicieusement en introduction, l’ancien président à ses côtés.

Et, effectivement, à Milwaukee, dans le Wisconsin, cinq minutes plus tard, sur la chaîne du câble qui s’était débarrassée de lui, débutait le premier débat de la primaire des républicains. Sans Trump, le grand absent.

Un retour gagnant sur X

Le lendemain, la presse, fiévreusement, comptait les points de ce que le Wall Street Journal qualifiait de « première salve d’un combat qui testera si les plates-formes de médias sociaux peuvent sérieusement défier les informations télévisées ». Résultat : une première estimation annonçait qu'environ 12,8 millions de personnes avaient regardé le débat sur Fox alors que la vidéo de Tucker Carlson comptabilisait déjà plus de 236 millions de « vues ». Bien entendu, les spécialistes insistaient sur la difficulté à comparer les deux chiffres. Un seul utilisateur de X peut en effet cliquer plusieurs fois sur une vidéo et générer à lui seul plusieurs « vues », alors que les audiences télévisées se basent sur un nombre moyen de téléspectateurs qui écoutent une même émission. Il n’en demeure pas moins que Tucker Carlson pouvait savourer son succès. Avec la complicité de Trump, son audience sur X était, dès ce moment-là, stratosphérique.

La liberté d’expression en danger

Au grand désespoir de tous ceux qui espéraient que l’année 2023 verrait la disparition définitive de la tête politique et de la tête cathodique de l’hydre populiste. En mai dernier, le New York Times titrait avec jubilation : « Privée de Tucker Carlson, l’extrême droite perd son ancrage dans le mainstream. » C’en était fini. Celui que le journal décrivait comme un « personnage particulièrement préoccupant » ayant « accoutumé le public républicain traditionnel aux idées d’extrême droite » n’avait plus accès aux médias de masse. Certes, le journaliste proscrit avait l’intention de réapparaître sur Twitter mais, comme le notait un expert, le réseau social est « un endroit beaucoup plus difficile pour construire une audience durable et engagée ».

À voir. D’autant plus que Tucker, comme le rapportait le Wall Street Journal en juillet, travaillerait actuellement à la création d’une société de médias prenant appui sur X mais s’étendant à d’autres plates-formes et développant un modèle avec abonnement payant. En attendant, les vidéos de l’ancienne vedette de Fox continuent à battre des records. L’interview de Viktor Orbán, diffusée fin août, cumulait, début octobre, plus de 129 millions de vues.

Bien entendu, rien de tout cela ne serait possible sans le rachat de Twitter par Elon Musk et sa volonté d’en faire un havre de la liberté d’expression. Un objectif qui, associé à ses déclarations polémiques sur l’immigration ou encore l’Ukraine, l’a transformé en cible prioritaire. « Le PDG de Tesla fait face à un nombre exceptionnel d’enquêtes gouvernementales », constatait, récemment, le Wall Street Journal, dans un article intitulé « Le harcèlement d'Elon Musk ». Il ne fait pas bon défier les maîtres censeurs qui tentent par tous les moyens d’imposer leur hégémonie idéologique et de faire taire toute parole dissidente. La liberté d’expression et le pluralisme relèvent, apparemment, d’une autre époque.

Défiance à l’égard des médias

Les Américains, pour une grande majorité d’entre eux, en semblent parfaitement conscients. Leur perception des médias mainstream, qui se prétendent l’étalon de la vérité, est éloquente. Une étude sur la confiance dans les médias, publiée en février dernier, révèle que seuls 26 % des Américains ont une opinion favorable des médias d’information et que 50 % d’entre eux pensent que la plupart des agences de presse nationales ont pour intention d’induire en erreur, de désinformer ou d’influencer le public.

Une autre enquête, parue en octobre 2022, montre, quant à elle, qu’en cinquante ans, la confiance des Américains dans les médias de masse a diminué de moitié. Cependant, lorsqu’on observe les courbes avec un filtre partisan, on découvre une étonnante polarisation des opinions. En 1972, 74 % des démocrates exprimaient leur confiance dans les médias. Ils étaient 70 % en 2022, presque l’équivalent.

En revanche, en 1972, 68 % des républicains déclaraient faire confiance aux médias. Cinquante ans plus tard, ils n’étaient plus que 14 %. Un effondrement continu sur plusieurs décennies qui contrecarre le récit d’une trumpisation récente de l’opinion qui, avec l’aide de Tucker Carlson et Fox News, aurait brutalement plongé le républicain moyen dans une réalité alternative populiste.

On peut alors émettre une autre hypothèse explicative : celle d’un alignement des médias, au fil du temps, sur une ligne progressiste laissant de moins en moins d’espace aux opinions opposées dans lesquelles se reconnaît la droite conservatrice. Ce qui expliquerait mieux l’enthousiasme actuel des démocrates à l’égard des médias. L’écrasante majorité pense comme eux !

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Je doute que 50% de français savent ce qu’est Twitter X comment voulez qu’ils s’intéressent hormis les émissions pour débiles le français ne se compare à l’américain plus moderne plus informatisé 30 % non pas d’ordinateur quand au téléphone smartphone ils nagent et ne s’y intéressent pas d’où les résultats électoraux CQFD

  2. Après une interview de Donald Trump et de Viktor Orban, Tucker Carlson devrait organiser une interview de Vladimir Poutine. Si toutefois ce dernier est d’accord, bien entendu. Macron et Zelinsky, c’est inutile, ils squattent les médias mainstream tous les jours, on connait par cœur leurs balivernes.

  3. Chez nous annonce quelle information que tu regardes je te dirais qui tu est par exemple si c’est une chaîne de « France … » alors pas de doute, c’est la gauche en préférence adepte des sur-mulots ou des petites bêtes vampire dans les lits plus que des victimes de barbares. Tant aux états unis que chez nous.

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