[Reportage] La vallée de l’Herbasse pleure Thomas, enfant du pays, tué à Crépol
Si on connaissait l’insécurité de Romans-sur-Isère, l’attaque dans la nuit de samedi à dimanche lors d’un bal de village a produit une onde de choc dans tout le Romanais. Après la grande marche blanche de mercredi, ils étaient encore très nombreux, jeudi soir, à assister à la veillée de prière à Crépol même, puis à ses obsèques vendredi matin. Reportage au cœur de la douleur des habitants de la vallée de l’Herbasse.
Comme pour exorciser les lieux, c'est à Crépol, dans l'église de ce village de 500 âmes, qu’une veillée de prière se tient, au lendemain de la marche blanche en hommage à Thomas Perotto. Samedi soir, le village très calme de Crépol, sans histoire, est frappé par une sanglante attaque au couteau qui fait un mort, deux blessés en urgence absolue et une quinzaine d’autres blessés.
Au bout d’une étroite artère qui traverse le village et ses maisons de galets hourdés, emblématiques du Dauphiné, se tient l’église Saint-Étienne. Elle est entièrement pleine et la foule déborde dans le narthex, sur le parvis et même sur la place de l'église, balayée par un vent glacial.
Pourquoi Crépol ? « Pourquoi nous ? » Difficile de comprendre comment des tueurs s’arrêtent ici à Crépol, dans cette vallée de l’Herbasse, à plus de vingt minutes de Romans-sur-Isère en voiture.
Connue jusque-là pour son bal, comme en témoigne sur BFM TV le Drômois et ancien sélectionneur du XV Philippe Saint-André, le village de Crépol est aujourd’hui synonyme de deuil pour les habitants de la vallée et restera marqué par cette tuerie injuste.
Il faut du courage aux jeunes qui ont vécu l’attaque de leur bal samedi soir, pour revenir au village. Car seulement quelques dizaines de mètres séparent l’église de la salle des fêtes où a eu lieu « l’attentat ». C’est dans ces mots comme certains ici décrivent l’attaque, tant le sang a coulé et tant l’assaut a été méthodique. « La bagarre, oui, on connaît, les lames de 20 centimètres, non, c’est pas nous, ça », nous soufflait un homme, à la marche blanche de Romans-sur-Isère, la veille.
Des notes de guitares accueillent les fidèles dans l’église Saint-Étienne, serrés sur les bancs, silencieux, recueillis et statiques, comme prostrés.
Ceux qui étaient venus pour s’amuser lors d’un de ces bals populaires typiques de la France rurale et de la « France Rugby » reviennent ici endeuillés ou traumatisés.
Le père Dominique Fornerod, qui a grandi dans ce pays, a revêtu une chasuble d’or. Il confie aux intentions de prières Thomas, sa famille et toute la vallée de l’Herbasse.
« Cette veillée veut être simplement un moment d’espérance au milieu de la tragédie, au milieu de la douleur. Nous prions particulièrement pour Thomas, pour sa famille, pour le village de Crépol, nous prions pour tous nos villages de campagne, pour notre pays. »
Avant d’aller chercher le Saint-Sacrement au tabernacle et de l’exposer dans l’ostensoir, le père Dominique invoque la vertu chrétienne d’espérance en désignant les bougies disposées en nombre dans l’autel, dans le chœur : « Le lumignon est le symbole de la petite flamme, qui à elle seule est capable de dissiper l’obscurité et les ténèbres. Dieu sait que nous sommes encore intérieurement dans les ténèbres. Chacun d’entre nous a été affecté, meurtri. Mais ce soir, nous allons demander au Ciel d’allumer au fond de nos âmes cette flamme. »
Une paroissienne, sanglotant, prend le micro pour tous ceux « dont la vie ne sera plus aussi belle », comme les parents de Thomas en premier lieu, mais aussi Rémi et Jonathan, encore hospitalisés, victimes de coups de couteau.
L’assistance est de marbre et c’est en silence, pour la plupart, qu’on écoute les chants du répertoire catholique. « Notre cité, se trouve dans les cieux », entonne l’animatrice liturgique au clavier, une guitare l’accompagne. « Resplendissante de la gloire de Dieu, céleste Jérusalem ». On veut croire alors que Thomas, décrit pour sa bonté et sa joie, est entré dans la Cité de Dieu pour son repos éternel.
À ce sujet — Pour BV, le témoignage du meilleur ami de Thomas
Les notes qui s’élèvent vers les voûtes blanches font tomber quelques larmes sur des visages fermés.
À la sortie, le père Fornerod retrouve quelques paroissiens qui le remercient ou l’étreignent. Le père Dominique a retiré son aube dehors, simplement couvert de son pull Saint James, il nous confie quelques mots : « C’est l’identité de nos villages, ces fêtes, c’est le cœur de la vie des habitants de la vallée de l’Herbasse. »
Curé des 18 clochers de la vallée, il endosse ce rôle de repère, la veillée de prière a été faite à la demande de ses paroissiens. Et le secours moral et spirituel de l’Église est central, dans un drame comme celui-là. « Je m’étais éloignée de l’Église ces dernières années, mais c’était une évidence pour moi de venir prier ici ce soir. Cette tragédie est pour moi un immense échec, de la société, de la nation, de tout le monde. Je crois que je ne réalise toujours pas », nous confie Lydie, 60 ans qui a élevé ses enfants dans cette Drôme des collines et qui ont bien connu ces bals.
L’atmosphère est au recueillement, mais aussi à la prostration. Les chaînes d’info et les journalistes présents ne reçoivent pas bon accueil. « Vous n’avez pas honte ? », lance-t-on à une équipe de LCI, un peu trop confiante, qui tendait son micro sur le parvis de l’église. Un autre homme brise le silence et invective à son tour le caméraman : « Vous êtes des charognards ! Faut que je vous apprenne ce que ça veut dire, la décence ? Allez sur le trottoir en face et respectez le deuil des gens.
- Chut ! Chut ! », répliquent d’autres fidèles sur la place qui réclament le retour au silence. Le journaliste reporter d'images et son collègue quittent les lieux et filent à leur voiture.
« Qu’aujourd'hui s’ouvrent pour lui les portes du Ciel »
Une foule se serre, vendredi dès 9 heures, pour les obsèques de Thomas, devant l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul culminant la cité de Saint-Donat-sur-l’Herbasse.
Le cercueil de Thomas, porté par ses meilleurs amis, entre en tête, les jeunes de club de rugby suivent juste derrière. La collégiale ne suffit pas à contenir tout le monde et, encore une fois, ils seront nombreux à y assister depuis le cloître ou depuis l’extérieur. Dans le même froid glacial, les habitants des collines essaient de se réchauffer pendant que les témoignages de la famille et des amis de Thomas viennent décrire plus précisément la nature et la personnalité de Thomas.
« C'était un rugbyman exemplaire. Il a un don pour rétablir les situations houleuses et ainsi éviter les querelles avec les équipes adversaires. Et il deviendra vice-champion Rhône-Alpes de rugby en tant que capitaine », raconte sa mère Isabelle, avec une force immense. On sent alors la révolte dans les pleurs, jusque sur le parvis. « S’il y en a bien un qui ne méritait pas ça, c’était Thomas », se désole, écœuré, un jeune du RCRP.
Le grand-père de Thomas laissera dans son éloge funèbre s'exprimer sa colère, une saine colère : « J'attends avec impatience le verdict de la Justice, les sauvages qui ont commis cela doivent être mis à l'écart de notre société. Même si cela ne nous rendra jamais notre petit-fils. »
Sous les mêmes voûtes où l’abbé Lémonon prêchait contre le nazisme en 1940, peu avant que Saint-Donat ne devienne un haut lieu de Résistance, le père Dominique Fornerod en appelle à son tour à la résistance : « Aujourd’hui, nous pleurons. Pour nombre d’entre vous, je l’ai vu, beaucoup de larmes coulent encore de vos yeux. Ces larmes sont une bonne chose. Non ! Nous ne sommes pas faits pour ce mal. Elles sont l’expression de notre résistance au mal qui s’est abattu. Nous pleurons parce que nous n’acceptons pas ce qu’il s’est passé. »
L’homélie est courte. Car ils sont des centaines à vouloir bénir et dire adieu à Thomas dans son cercueil. Le père Dominique le sait, alors son prêche est clair, limpide. Il fait du bien.
« La mort n’est pas la fin de tout. Avec nos pleurs, nous sommes dans l’espérance, celle de la foi. Alors, que la mort de Thomas soit l’occasion pour nous d’un sursaut de résistance, d’amour, de vie ! Lui qui aimait tant la vie ! », exhorte vivement le jeune prêtre dans son homélie bouleversante. « Qu’aujourd'hui s’ouvrent pour lui les portes du Ciel », conclut le père Dominique.
Thomas est inhumé en contrebas de la collégiale au cimetière de Saint-Donat, en comité restreint. Accompagné, pour ce dernier voyage, de sa famille, de ses amis et de son équipe de rugby.
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48 commentaires
Contrairement à d’autres manifestations, il y avait là, à Crépol, pour Thomas, des jeunes et des vieux !
Remigration forcée , un point c’est tout !
Vous rendez-vous compte, des Gaulois de la Gaule ont osé « envahir » la cité sensible de Romans en Gaule et ont été arrêtés dans leur élan très pacifique par nos puissants services d’ordre. Si ce n’était pas si dramatique, on pourrait en mourir de rire ! Quoiqu’il en soit, pourquoi de gentils Gaulois n’auraient-ils pas le droit de faire mouvement pour manifester leur colère contre ces hordes de barbares sortis brutalement de la préhistoire pour massacrer du « Blanc » ?