Factieux, abaya, kibboutz… Les recherches effectuées sur Le Robert en 2023
En ce début d’année 2024, le dictionnaire Le Robert publie la liste des dix mots les plus recherchés sur son site. Des termes très politiques qui en disent long sur les préoccupations des Français, au cours de ces douze derniers mois.
Parmi les dix requêtes les plus fréquentes, la moitié ont un rapport direct avec l’actualité politique nationale ou internationale. Le premier est « factieux », un terme employé par Emmanuel Macron le 22 mars 2023 alors qu’il tentait de défendre la réforme des retraites. Dans un entretien télévisé diffusé sur TF1 et France 2, le président de la République déclarait : « On ne peut accepter ni les factieux ni les factions. » Le Robert définit le terme de la façon suivante : « Qui exerce contre le pouvoir établi une opposition violente tendant à provoquer des troubles. » Avec cette phrase, le chef de l’État mettait en garde les Français souhaitant descendre dans la rue pour influencer l'exécutif sur cette thématique des retraites. Le mot « casserolade » aurait aussi pu entrer dans le classement à cette époque.
Toujours au moment de la réforme des retraites, le mot « promulguer », neuvième du classement, a suscité l’intérêt. Pour rappel, c’est le 14 avril que la fameuse loi a été promulguée.
Autre changement qui a fait grand bruit, l’interdiction du port de l’abaya et du qamis dans les établissements scolaires à compter de la rentrée 2023. Le dimanche 27 août, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, annonçait : « On ne pourra plus porter l’abaya à l’école. » Le terme n’est pas connu de tous, il est largement recherché. Pour Le Robert, il s’agit d’un « long vêtement féminin qui couvre l'ensemble du corps à l'exception du visage et des mains, traditionnel dans certains pays de culture musulmane ». La définition semble claire, elle sera pourtant très discutée.
En première position des recherches effectuées sur le site du Robert et très présent dans l’actualité tout au long de l’année : « wokisme ». Cet anglicisme a régulièrement pris place dans les titres des articles publiés sur BV, et pour cause : ce « courant de pensée d'origine américaine qui dénonce les injustices et discriminations » est intimement lié à la culture de l’effacement (cancel culture), pratique très présente en France et très largement dénoncée sur notre site.
« Kibboutz » est également en bonne place. Sa présence dans le classement est due à l’attaque du 7 octobre 2023 perpétrée par le Hamas contre Israël. Le kibboutz Be'eri, situé dans le sud du pays, a été pris pour cible par le groupe islamiste palestinien. Dans ce lieu de vie collectif où les Israéliens partagent leurs ressources, plus de 100 personnes ont été tuées.
Dans le reste du classement : « implosion », « nareux », « agnostique » et « jaculatoire ». Le premier terme a fait la une de l’actualité en juin 2023 à l’occasion de l’implosion du sous-marin Titan alors que cinq passagers étaient à bord. « Nareux » n’est autre qu’un mot régional venu du nord-est du pays et désignant une personne « qui éprouve facilement du dégoût ». Sa présence dans ce classement est assez inexplicable. Les deux derniers termes ont un lien avec la religion. « Agnostique » est, pour Le Robert, une « personne qui professe que ce qui n'est pas expérimental, que l'absolu, est inconnaissable ; sceptique en matière de métaphysique et de religion ». « Jaculatoire » est, quant à lui, un mot employé par le pape François en mai 2023. Dans un message posté sur X, le souverain pontife appelait les catholiques à faire ces prières courtes et ferventes. Du fait de sa consonance, cette locution a beaucoup et plutôt lourdement fait parler d’elle.
Dans ce classement, également une locution qui n'existe pas dans la langue française : « gênance ». L’Académie française ne laisse aucune place au doute : « Il y a, en français, quelques noms terminés par -ance qui sont concrets, comme ambulance, balance, excroissance, garance, laitance, lance, pitance. Mais l’immense majorité d’entre eux sont des noms abstraits et ce trait peut leur donner un petit côté savant qui séduit et amène à la création de néologismes inutiles. Ainsi rencontre-t-on, depuis quelque temps, la forme "gênance", dérivée de "gêner", qui lui-même l’était du nom "gêne". Ce dernier a plus d’un demi-millénaire d’existence, aussi n’est-il peut-être pas nécessaire de lui adjoindre l’inutile doublet qu’est "gênance". »
Dans l’ordre, du plus recherché au moins recherché, cela donne : « wokisme », « agnostique », « abaya », « factieux », « kibboutz », « nareux », « implosion », « gênance », « promulguer » et « jaculatoire ».
Pour résumer, en matière de vocabulaire, cette année aura été fortement marquée par l’actualité, politique ou non. Elle montre également combien l’idéologie a pris de place dans notre société et est révélatrice d’un manque de connaissances cruel, les termes « kibboutz », « implosion » ou encore « agnostique » étant, a priori, assez populaires. Enfin, la part belle a été faite à une invention venant remplacer un terme existant déjà, comme cela avait été auparavant le cas avec « candidater », « légitimiser », « résolver »… La langue française est riche mais elle est de moins en moins maîtrisée. Pour la préserver, cela devra évidemment passer par l’école. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale en aura-t-il conscience ? La question est posée.
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3 commentaires
Pourquoi ne lit on jamais de commentaires sur l’utilisation permanente de néologismes comme « positionner » qui a systématiquement remplacé le clair et simple « placer » (il y en a bien d’autres) ou , et surtout, sur l’utilisation désormais inévitable du « futur historique » dans toute relation de faits et d’évènements passés ? Napoléon sera victorieux à Austerlitz comme Christophe Colomb découvrira l’Amérique. C’est un vice d’expression qui induit pourtant un vice de pensée, peut-être celui d’un peuple sans racine pour qui le passé est une matière malléable qu’on triture à sa guise ?
Avec des mots débiles inventés par des politiques en mal de sensations cette pauvre langue sera encore moins maîtrisée
Un ministre de l’éducation nationale dont la priorité en 2024 sera l’organisation des JO, l’école attendra.