[EXCLU] Le Pen-Macron : premières tensions avant l’éventuelle cohabitation

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Le 26 juin dernier, lors du Conseil des ministres, l’Élysée a publié une trentaine de nominations, dites « mesures individuelles ». Et pas des moindres : le nouveau chef d’état-major de l’armée de l’air, le gouverneur militaire de Paris, le nouveau directeur de l’Union européenne au ministère des Affaires étrangères, trois ambassadeurs, de nombreux militaires, des conseillers d’État, etc. Des fonctionnaires nommés sur proposition du Premier ministre (généraux, conseillers maîtres à la Cour des comptes), du ministre de l’Économie (à la direction générale du Trésor), du ministre de l’Intérieur (préfets, généraux de gendarmerie) ou du ministre de l’Éducation nationale (recteurs). Parmi ces derniers, un certain Jean-Philippe Agresti, administrateur de l’État nommé recteur de la région académique Centre-Val de Loire qui n’est autre que l’époux de... Sabrina Agresti-Roubache, actuelle secrétaire d’État chargée de la Ville.

Recasages macronistes

Pour Marine Le Pen, c’est clair : Macron se livre à « une forme de coup d’État administratif ». Invitée de France Inter, ce 2 juillet, la députée du Pas-de-Calais tout juste réélue au premier tour reproche au chef de l’État de chercher à « contrer le vote des électeurs, le résultat des élections, en nommant des personnes à lui pour qu’ils empêchent, à l’intérieur de l’État, de pouvoir mener la politique que les Français veulent ». Marine Le Pen évoque des « rumeurs » et s’indigne des pratiques délétères de ces « gens qui donnent des leçons de démocratie à la Terre entière ». Éric Ciotti, allié du RN, voit, de son côté, dans ces nominations, un signe de « panique générale ».

Macron rejoue-t-il Fort Chabrol à l’Élysée ? D’ordinaire, le pouvoir en fin de course cherche à recaser ceux qui l’ont servi. Classique. Macron n’a jamais hésité. On se souvient de Jean Castex, ancien Premier ministre recasé à la présidence de la RATP, d’Amélie de Montchalin, propulsée ambassadrice auprès de l’OCDE, où elle remplaçait Muriel Pénicaud, elle-même ancien ministre partie en 2020, de Christophe Castaner recasé à la présidence du conseil d'administration de la Société concessionnaire française du tunnel routier sous le Mont-Blanc, de Brigitte Bourguignon, nommée sans concours inspectrice générale des affaires sociales, de Jean-Michel Blanquer, Emmanuelle Wargon, Florence Parly, Élisabeth Borne, Agnès Buzyn… et combien d’autres ?

Mais cette fois-ci, on dépasserait ce traditionnel maternage, attaque Marine Le Pen. Qu'en est-il ? Selon un officier supérieur de haut rang en activité, contacté par BV, les nominations militaires sont réalisées chaque année à cette même période et les profils militaires nommés cette année ne sont pas spécialement proches du pouvoir. Par ailleurs, les mesures d’ordre individuel du 28 juin 2023, voilà un an, comportaient 26 promotions, soit à peine moins que cette année. Donc, pas de wagon de promotions exceptionnellement nombreuses. Mais pour Fabrice Leggeri, haut fonctionnaire, ancien patron de Frontex aujourd'hui député européen du RN, « ces nominations concernent des fonctions au cœur d'un éventuel bras de fer en cas de cohabitation », explique-t-il à BV, ce 2 juillet.

Deux motifs de crispations

Notamment celle du secrétaire général adjoint de la défense et de la sécurité nationale, proposée au général de corps aérien Cédric Gaudillière. Un domaine sensible et stratégique (la sécurité intérieure), directement placé sous l'autorité du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur. Pour Leggeri, le Président aurait pu attendre fin juillet, question de fair-play... De la même manière, la nomination par Macron d'un nouveau directeur de l’Union européenne au ministère des Affaires étrangères « n'est pas un sujet neutre pour le RN », constate-t-il. Enfin, le chef de l’État s'est précipité, jeudi, pour proposer le nom de Thierry Breton, grand défenseur du Pacte migratoire européen et féroce opposant au RN, comme commissaire français au sein de l’exécutif de l’Union européenne, alors même qu'un nom circulait : celui de... Fabrice Leggeri ! « Cela donne le ton de de ce que pourrait être la cohabitation avec Macron », conclut Leggeri.

Quelques heures après la sortie de Marine Le Pen, l’Élysée temporise et appelle l'opposante numéro un à faire preuve de « sang-froid » et de « mesure », non sans cette pointe de mépris caractéristique. « Il y a, depuis soixante-six ans, chaque semaine, des nominations et des mouvements, notamment l’été, indépendamment des moments politiques traversés par nos institutions, et il n’est aucunement prévu qu’une de ces dispositions puisse changer dans les prochains mois », a fait savoir la présidence.

Quoi qu'en dise l'Élysée, Macron commence à se protéger du RN - et/ou du Nouveau Front populaire, pas très européiste non plus, avec lequel, demain, il sera peut-être contraint de nouer des accords. Mais si Macron doit, demain, gouverner avec la droite RN-Ciotti, les Français n'accepteront pas que le président de la République, des fonctionnaires ou des administrations ne jouent pas le jeu de la démocratie.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

29 commentaires

  1. En fin de règne pratiquement tous présidents ou hauts responsables ont toujhours procédé à des nominations à la-va-vite. C’est même le signe avant-coureur d’une fin très proche., voire même déjà commencée. Monsieur Macron est condamné, par sa seule faute, à décevoir jusqu’à la dernière seconde. Il ne lui restera qu’un seul surnom, très souvent employé. : « le mari de Brigitte Macron ».
    Il se voulait président de tous les Français ! Faisons les comptes aujourd’hui. Il a déclaré la guerre à un bon tiers d’entre nous (sus à la droite). Dans la foulée il vient de déclencher les hostilités contre 1 autre Français sur 5 (sus à la gauche ). S’imagine-t-il pouvoir réunir sous son étendard déchiré et peu reluisant une petite moitié des autres Français ? Qu’il arrête de nous prendre tous pour des imbéciles. Cela l’aidera à passer des heures difficiles.

  2. Macron procède à des nominations… Personnellement, je n’aimerais pas avoir été nommé par Macron. Le politicien qui a, sans doute, accumulé le plus de haine contre lui de toute l’histoire de la Ve. Ce type est fini… Il n’y a plus que lui qui ne le sache pas.

  3. Il est évident que tenir la haute administration en France est une des clefs du pouvoir (après les médias). Donc…

    • C’est LA clef. Il y a belle lurette que le pouvoir est détenu en France par l’Administration, les politiques se contentant des projecteurs médiatiques aux ordres.

  4. On ne peut nier que cette personne aura fait tous les efforts possibles pour décrocher un travail. Et pourtant, la probabilité qu’un accord de soumission avec les anarchistes d’extrême gauche, débouchant sur l’hypothèse d’un retour de LSF, pourrait bien après avoir perdu le peuple de France, lui faire perdre, également une bonne partie de ces soutiens financiers, auprès de qui il s’était engagé. Cela, malgré les nominations de circonstances.

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