Quand l’Iran était à l’heure de l’Occident
En voyant les images de cette jeune et courageuse étudiante iranienne, contrainte de déambuler en sous-vêtements pour manifester contre le port obligatoire du voile islamique, on ne peut qu'amèrement constater que l'époque où l'Iran se présentait comme une vitrine de l'Occident au cœur de l'Orient est désormais révolue. Pourtant, il fut un temps où l'empire d'Iran offrait davantage de libertés qu'aujourd'hui. Cette époque perdue est celle du chah Mohammad Reza Pahlavi, dont l'œuvre et le rêve de modernisation se sont éteints avec son exil forcé en 1979, sous la pression de la révolution islamique.
L'occidentalisation de la vie quotidienne
Dans son ambition de moderniser l'Iran pour en faire une puissance mondiale, le chah déclarait véritablement vouloir « accomplir en dix ans ce que vous [l'Occident] avez réalisé en trois ou quatre cents années ». Pour atteindre cet objectif, Mohammad Reza Pahlavi s'inspirait ainsi de nos modèles sociaux européens et américains. Dans les grandes villes iraniennes, l'influence occidentale transparaissait à tous les niveaux. Les femmes, bien que majoritairement soumises aux normes sociales et familiales, avaient obtenu certains droits fondamentaux, notamment le droit de vote en 1963, grâce aux réformes du chah. Elles travaillaient dans l'administration publique, étaient présentes dans les universités et participaient à la vie culturelle. Le voile n'était plus obligatoire et il était courant de voir de nombreuses femmes se promener dans les rues de Téhéran en jupe, les cheveux découverts, rappelant ainsi les modes occidentales. Les hommes adoptaient également des tenues inspirées des styles européens et américains. C’est, ainsi, un véritable vent de liberté qui soufflait sur le pays. Les cafés, les cinémas et les centres commerciaux de Téhéran avaient aussi des allures de leurs équivalents parisiens ou londoniens. La ville s'était ainsi transformée en une métropole moderne, symbole de l'élan de progrès et de prospérité que le chah souhaitait pour son pays.
Un essor culturel sous l'influence occidentale
Le cinéma, la musique et les arts ont aussi joué un rôle fondamental dans cette transformation de l’Iran. Le chah encourageait la production cinématographique et favorisait une certaine liberté d'expression artistique, du moment qu'elle ne menaçait pas son autorité. Le cinéma iranien de cette époque a ainsi connu un essor, intégrant des influences européennes et américaines, et abordant des thèmes sociaux modernes. La musique iranienne se tournait aussi vers l'Occident : les jeunes Iraniens écoutaient des tubes internationaux et assistaient à des concerts de groupes locaux inspirés par le rock et la pop, alors très populaires dans le monde. Certains clubs de Téhéran rappelaient même les boîtes de nuit de Paris ou de New York, et la scène culturelle iranienne devenait de plus en plus visible. Le Festival des Arts de Shiraz-Persepolis accueillait ainsi des artistes internationaux, permettant au pays de rayonner culturellement et d'établir des ponts avec l'étranger.
Modernisation et fractures
Dans les années 1960 et 1970, l'Iran profitait également d'un boom économique, soutenu par les revenus pétroliers. Les réformes du chah visaient à développer les infrastructures du pays : des routes, des hôpitaux, des écoles et des universités étaient construits à grande échelle, selon les modèles occidentaux. Cette expansion économique a donné naissance à une classe moyenne dynamique et instruite, qui aspirait à un mode de vie conforme aux normes occidentales. Cependant, cette transformation rapide provoquait de profondes tensions au sein de la société iranienne. Si les réformes du chah visaient à moderniser le pays, elles étaient perçues par une partie de la population comme une menace pour les valeurs traditionnelles et islamiques. L'occidentalisation des mœurs, la désacralisation progressive des pratiques religieuses et une culture de plus en plus permissive exacerbaient les divisions entre une élite urbaine occidentalisée et les populations rurales, souvent attachées aux coutumes ancestrales. Le clergé, dirigé par l'ayatollah Khomeini en exil, dénonçait l'influence corruptrice de l'Occident, particulièrement des États-Unis, sur la société iranienne. Bien que la modernisation fût bénéfique pour les élites urbaines et la classe moyenne, elle négligeait les populations rurales et avait aggravé les inégalités socio-économiques. La répression politique du régime accentuait aussi les frustrations, étouffant toute forme de contestation.
Exacerbée et influencée par le discours du clergé islamique, une grande partie de la population se souleva contre le chah, le contraignant à quitter le pays, le 16 janvier 1979. Désormais débarrassés de la monarchie, les mollahs proclamèrent, le 1er avril 1979, la République islamique d’Iran. L'empire du chah et son rêve d'un Iran moderne prenaient ainsi fin, laissant place à une période de régression des libertés, en particulier pour les femmes, qui virent leurs droits réduits et contestés.
Ainsi, le courage de cette étudiante iranienne d'aujourd'hui, défiant l'autorité au péril de sa liberté, rappelle au monde le drame actuel de l'Iran, mais ravive aussi le souvenir d'une époque où la société iranienne, malgré ses imperfections, vivait sous des horizons plus ouverts que ceux imposés par le régime des mollahs.
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19 commentaires
» une grande partie de la population se souleva contre le Shah » grâce surtout à l’aide active de l’URSS alliée à aux gauches occidentales (Khomeini résidait à Paris, sous l’oeil énamouré de nos médias et de Giscard) et l’abandon volontaire de la CIA, qui l’avait mis sur le trône.
Je connais personnellement un Iranien, réfugié en France depuis la chute du Shah. Oui, sans doute que la modernisation a heurté la partie la plus fondamentaliste, obscurantiste diraient certains, de la société iranienne. Mais les même forces sont à l’oeuvre ici: La vérité et les faits n’ont plus aucune valeur. et tout le monde peut répéter inlassablement les mêmes mensonges, dans l’espoir qu’ils transforment la réalité. C’est vrai à gauche bien sûr, spécialement chez LFI. Mais c’est malheureusement vrai à l’autre bout aussi. Les amoureux des dictateurs se recrutent dans les 2 bords, entre les admirateurs de Nicolas Maduro et ceux de Vladimir Poutine ou Alexandre Loukachenko, même combat au final, même s’ils partent de référentiels politiques différents.