Un livre pour briller en société : Les Petits Secrets des grands films français
Si le journaliste et écrivain Philippe Durant est un cinéphile de l’espèce éclairée, il a néanmoins ses têtes : celles de notre cinéma de jadis, de Michel Audiard, Jean Gabin, Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo et autres vedettes éminemment franco-françaises, par exemple. Mais derrière la scène, il y a bien sûr les petites cachoteries du septième art. D’où le titre de son nouvel essai, Les Petits Secrets des grands films français (Le Rocher).
Ces « petits secrets », explique-t-il en préface, sont l’ordinaire de la profession : « Le film parfait n’existe pas. Il faut s’en faire une raison. Même les chefs-d’œuvre ont leurs défauts, même leurs auteurs ont dû faire des concessions avant de proposer le résultat sur grand écran. » Et l’auteur d’en appeler à un cinéaste, américain celui-là, l’immense William Friedkin, connu pour L’Exorciste (1973) et le diptyque French Connection (1971 et 1975) ; lequel admet : « Quitte à démystifier toutes les croyances à la con autour du cinéma : pour faire un film, il vous faut à la fois de l’ambition, de la chance et la grâce de Dieu. »
Le Professionnel, un film miraculé ?
Le Professionnel, l’un des plus grands succès du regretté Bebel ? Un film qui partait de traviole avant même le premier tour de manivelle. Le scénario de Michel Audiard ne vaut pas un clou et c’est Francis Veber, l’homme de La Chèvre et du Dîner de cons, qui le réécrit de fond en comble, sans être cité au générique pour des raisons contractuelles. Dans ses films, jamais Belmondo ne meurt ; mais là, il exige de rendre l’âme dans les dernières minutes. Les producteurs crient au fou, mais la star, qui est également… coproducteur, finit par avoir le dernier mot, en grande partie grâce à une musique d’Ennio Morricone, tombée dans les oubliettes, mais dont René Château, l’attaché de presse de Bébel, se souvient par hasard. Elle se nomme Chi Mai et il s’en vendra bientôt des 45-tours par wagons entiers. Notons que Chi Mai sera diffusé au Festival de Cannes, lorsque Jean-Paul Belmondo y recevra sa Palme d’honneur. Comme quoi une suite d’accidents peut parfois accoucher d’un triomphe public.
Des anecdotes de ce tonneau, il y en a exactement cent dans ce précieux livre, toutes plus passionnantes les unes que les autres.
Trois hommes et un couffin : un bide annoncé ?
On apprend, par exemple, que personne ne voulait financer Trois hommes et un couffin (1985), l’immense succès de Coline Serreau, qui envisageait à l’origine un simple téléfilm. Boudée par les chaînes de télévision d’alors, elle tente le tout pour le tout sur grand écran, sans guère plus de réussite. C’est, finalement, un certain Jean-François Petit, producteur inconnu n’ayant que deux films à son actif, qui parvient à rassembler neuf millions de francs - une somme misérable, même à l’époque. Il lui faut donc des acteurs peu coûteux, et c’est sans surprise que les vedettes de l’époque (Gérard Depardieu, Christophe Lambert, Thierry Lhermitte entre autres) refusent. Ce sera donc trois quasi-inconnus, André Dussolier, à l’époque seulement familier des amateurs du cinéma d’Alain Resnais, Roland Giraud et Michel Boujenah, trop contents de pouvoir ajouter un film à leur modeste pedigree. Résultat ? Dix millions d’entrées, six nominations aux César™ et trois trophées, un film qui représente la France aux Oscar™ et un remake américain, réalisé par Leonard Nimoy, le Mr. Spock de la série Star Trek !
On ne sait pas si le producteur Jean-François Petit s’est ensuite fait appeler Jean-François Grand, mais il aurait pu.
La sagesse d’un Robert Mitchum
Un plébiscite qui finira par peser à Roland Giraud, nous révèle Philippe Durant : « Quoi qu’il joue ensuite, le public ne cesse de lui parler de Trois hommes et un couffin. Au cours d’un festival, il rencontre le grand Robert Mitchum qui lui explique : "On vous parlera de ce film toute votre vie. N’en soyez ni étonné ni fatigué ; cela a été un beau et grand succès. Pour ma part, j’ai participé à plus de 120 films, dont beaucoup ont été d’énormes succès mondiaux. Or, on ne me parle que d’un, toujours le même : La Nuit du chasseur ! Soyez heureux que les gens se souviennent de vous, même si ce n’est qu’au travers d’un seul titre !" » Comme quoi l’humilité est souvent la marque des grands.
De telles histoires, il y en a donc encore 98 à découvrir. Donc, ne divulgachons pas pour mieux laisser au lecteur le plaisir de toutes les savourer. Il ne restera après aux plus maluches de ces derniers qu’à en profiter pour briller à peu de frais dans les dîners en société !
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
ZFE : quand les écolos font la guerre aux pauvres
6 commentaires
musique du sketch des inconnu ;;royal rabin
Ce dont je me souviens , pour la musique du Professionnel , c’est aussi que Royal Canin en a fait le générique pour la vente de croquettes pour chien…on voyait un beau berger allemand qui courait….Ah Ah Ah !!
Ah c’est tentant !
C’était tentant et donc je me suis laissé tenter.
L’évocation de Robert Mitchum me fait penser à Home From The Hill, avec notamment George Hamilton. Magnifique, de mon point de vue en tout cas.
Pour moi, le film parfait existe: C’est « Marianne de ma Jeunesse », du grand Julien Duvivier. C’était son film préféré, sorti en 1954.
Oui