[POINT DE VUE] Jean-Noël Barrot : notre Jacques Tocard

De Gaulle avait choisi, pour ce que l'on appelait encore les affaires africaines, un petit homme chauve, replet, au visage fixe et morne, au regard inquiétant : Jacques Foccart. C'était le seul homme qui avait droit à une demi-heure quotidienne, quelle que soit l'actualité, avec le Général. Il recevait les présidents africains chez lui, à Luzarches, avec amitié et sans la moindre condescendance. Il avait compris comment ça marchait et, de temps à autre, quand il avait mal compris, il envoyait quelques paras du SDECE rattraper le coup dans la nuit.

Macron essaie de faire du de Gaulle

Macron essaie de faire du de Gaulle. Parfois. Il a choisi un chauve, au Quai d'Orsay, et il l'a chargé d'aller parler aux Africains. Ce sont à peu près les seuls points communs entre l'orfèvre de la Françafrique et le pied nickelé du Sahel. Jean-Noël Barrot n'a rien compris. Il est allé au Tchad pour essayer de garder la relation privilégiée qui, sous la forme d'accords de défense, unissait nos deux pays. On ne sait pas exactement ce qui s'est passé, lors de son entrevue avec le président Déby. Certains disent, sur RFI notamment, qu'une exigence du ministre français aurait provoqué la colère du président tchadien : des élections « inclusives ».

Le premier réflexe de l'auteur de ces lignes a été de penser à une blague grossière, une manœuvre de désinformation un peu nulle montée par les Russes, voire par les Tchadiens eux-mêmes. Hélas, à moins que la vidéo de la déclaration officielle n'ait été bidonnée, M. Barrot s'est effectivement prononcé, en public, pour des élections législatives inclusives. On verra, par exemple, cela dans cette vidéo, réalisée par un gauchiste, certes, mais sur la base de vidéos officielles. On s'apercevra en outre que, non content de raconter n'importe quoi, le ministre français ânonne son texte, les yeux fixés sur sa feuille, comme un mauvais consultant junior. L'effet produit est lamentable.

Une arrogance contre-productive

Il n'est pas certain que ce soit précisément cet adjectif qui ait mis le feu aux poudres. Ce qui est en revanche certain, c'est que l'arrogance du ministre est totalement contre-productive et qu'il n'a pas conscience du mal qu'il fait à notre pays. N’a-t-il pas tiré les leçons du déplacement de Macron au Burkina Faso, quand il avait raillé le président Kaboré, « parti réparer la clim' » ? N'a-t-il pas compris que l'inclusivité était un sujet pour le moins secondaire, alors que la France de Macron n'avait rien trouvé de mieux que de nommer, il y a quelques années, pour faire des tournées dans une Afrique aux mœurs très traditionnelles, un ambassadeur des droits LGBT ?

Nous avons notre Jacques Tocard. C'est notre Monsieur Afrique à nous. Celui que l'état de la France mérite, à ce qu'il semble. L'homme qui va de pays en pays pour se faire humilier en notre nom. Tout ça pourrait presque être drôle. Pourtant, il n'y a rien de drôle dans la manière dont tous les pays du Sahel (le Tchad était le dernier), ces pays aux côtés desquels nous luttions contre le terrorisme depuis 2013 (souvenez-vous, c'était le G5 Sahel), nous ont virés, l'un après l'autre.

Et maintenant, quoi ? Qui arrêtera, en Afrique et ailleurs, le règne caquetant de tous ces « petits mecs », comme dit Bernard Lugan, qui essaient de faire ce qu'ils peuvent et que le monde entier méprise ? Il faudra bien plus qu'un remaniement pour nous sortir de là…

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