Notre-Dame de Paris : parmi les saints enchâssés dans l’autel…un saint-cyrien !
Les commentaires vont bon train, sur la réfection lumineuse de notre vaisseau de pierre national : trop de lumière, trop de modernité… Il est vrai que le mobilier est laid et pauvre (BV en a déjà parlé), mais on ne peut pas dire que les traditions, artisanales comme cultuelles, n’ont pas été respectées.
Parmi ces traditions, il en est une, de plus en plus méconnue, qui veut que des reliques de saints soient enchâssées à jamais dans l’autel, afin que cette nouvelle table de la Cène soit consacrée. Évidemment, on devine que le choix des saints qui seront associés à cette nouvelle version de la légendaire cathédrale a été fait avec mille précautions. Ils sont presque tous français, bien sûr - mais qui ne l’est pas, désormais ? Ils sont cinq : trois femmes et deux hommes. Parité liturgique bien naturelle, pour une religion - le catholicisme - que l’on accuse souvent de machisme rétrograde, mais qui considère pourtant que la seule personne humaine jamais conçue sans la tache du péché originel est la Sainte Vierge : une femme.
Sainte Marie-Eugénie Milleret de Brou et sainte Madeleine-Sophie Barat fondèrent des congrégations au XIXe siècle. Sainte Catherine Labouré fut une religieuse de la même époque. Le Bienheureux Wladimir Ghika, prince roumain orthodoxe converti au catholicisme, mort dans une geôle communiste au début des années cinquante, a notamment laissé à la postérité les magnifiques Pensées pour la suite des jours. Et puis, il y a saint Charles de Foucauld, un saint très français à plus d’un titre, dont le choix a quelque chose de particulièrement touchant et symbolique.
Charles de Foucauld était un fils de bonne famille, indolent et noceur, devenu un jouisseur athée, et qui était si gros, quand il entra à Saint-Cyr en 1876, qu’il n’y avait pas d’uniforme à sa taille. Officier indiscipliné mais chef remarquable, il se détacha peu à peu des plaisirs du monde. Retourné à la foi, il prit un virage radical et, après un passage par la Trappe, se fit ermite dans le sud de l’Algérie. On lui doit le premier dictionnaire franco-touareg, entre mille autres merveilles ethnographiques. Adversaire de l’esclavage, défenseur d’une colonisation à visage humain, il sera abattu comme un chien par des Touaregs, dans son petit ermitage de Tamanrasset.
Pourquoi est-ce symbolique ? Parce que le chemin de rédemption et d’ascèse de Charles de Foucauld est, de manière excessive, celui que tant de catholiques aspirent à suivre. Parce que Saint Charles de Foucauld est saint-cyrien, comme feu le général Georgelin, qui mourut accidentellement pendant son mandat de superviseur, mais à qui la cathédrale doit le dynamisme de sa réfection, malgré les postures outrancières dont l’officier fit parfois preuve. Parce que « le sabre et le goupillon » ne sont pas les puissances rétrogrades que la République croit : ce sont des castes sacrificielles, qui s’engagent par amour de quelque chose (ou de Quelqu’un !) de grand, et pour qui l’offrande de soi est un honneur.
Pourquoi est-ce touchant ? Parce que Charles de Foucauld n’a pas été oublié et a porté du fruit malgré sa souffrance, comme Notre-Dame. Et parce que la raison de sa canonisation est la survie miraculeuse d’un charpentier qui travaillait sur le chantier d’une église.
« Entre ici, Charles de Foucauld », serait-on tenté de paraphraser, avec tous les martyrs et tous les idéalistes, nos frères dans l’ordre de la grâce. Il y a quand même parfois, dans le monde gris du chaos macronesque, de sacrés moments d’espérance.
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33 commentaires
« On lui doit le premier dictionnaire franco-touareg… ». Non, « Franco-targui », touareg est un pluriel.