« La Syrie des Assad a tué des centaines de milliers de chrétiens au Liban »
Ce dimanche 8 décembre, le régime syrien a basculé brutalement : son président, Bachar el-Assad, a été renversé en 48 heures par des troupes rebelles menées par un certain Abou al-Joulani. Décryptage de la situation en Syrie avec Richard Haddad, historien, politologue, spécialiste du Moyen-Orient et directeur des Éditions Godefroy de Bouillon.
Sabine de Villeroché. Que s’est-il passé, ces dernières heures, en Syrie ? Comment expliquer qu’un régime vieux de 50 ans tombe aussi rapidement ?
Richard Haddad. Le régime syrien ne tenait que grâce à l’armée russe, qui est intervenue en 2015 pour le maintenir au pouvoir.
Ce régime est une dictature sanglante d’un clan politico-mafieux issu d’une minorité alaouite (secte musulmane) ne représentant que 8 % de la population syrienne et considérée comme hérétique par la majorité sunnite, qui représente 75 % des Syriens. Depuis 1970, il avait réussi à se rendre utile aux puissances mondiales et régionales afin de se maintenir en place mais, depuis la fin des années 2000, il n’était plus qu’une béquille du régime islamiste iranien soucieux d’étendre son influence à toute la région. La destruction du Hezbollah libanais, l’affaiblissement par là même de l’Iran, a précipité sa chute, d’autant plus que les Russes n’ont plus les moyens d’engager leurs forces pour le protéger.
S. d. V. Qui est Abou Mohammed al-Joulani qui mène la rébellion ?
R. H. Al-Joulani est un combattant islamiste syrien. Proche d’Al-Qaïda en Irak, il a pris la tête d’une organisation de rebelles islamistes contre le régime syrien à partir de 2011. N’ayant jamais fait partie de l’État islamique, il a changé de stratégie après la défaite de ce dernier face aux forces russes. Il a rompu avec Al-Qaïda et le djihadisme international en transformant son mouvement en une organisation nationaliste-islamiste syrienne dans le seul but de renverser le régime. Replié dans la région d’Idleb (au nord de la Syrie), il l’administrera avec l’aide des Turcs pendant plus de sept ans.
S. d. V. La chute du régime d'Assad est-elle une bonne nouvelle pour les Syriens, et particulièrement pour les chrétiens ?
R.H. C'est une bonne nouvelle principalement pour la majorité sunnite et une mauvaise pour la minorité alaouite. Pour les autres, cela ne pourra pas être pire que la dictature d’Assad, mais pas forcément mieux. Quant aux chrétiens de Syrie, il faut mettre un terme à la fable selon laquelle ils étaient protégés par le régime. Assad utilisa cette fable en manipulant des organisations humanitaires et des partis politiques en France pour se légitimer et relativiser ses exactions. Rappelons que la Syrie des Assad a tué des centaines de milliers de chrétiens au Liban et y a assassiné des centaines d’hommes politiques chrétiens, dont deux présidents de la République, Béchir Gémayel et René Moawad, parce qu’ils étaient souverainistes et refusaient de lui prêter allégeance. Les chrétiens de Syrie étaient tolérés à condition de se taire, d’encenser le régime, de lui servir de vitrine et surtout de se faire racketter par les mafieux qui le dirigent ! C’est une protection comme celle pratiquée par la Camorra en Sicile ou Al Capone à New York. Ceux d’entre eux qui se trouvent dans les zones dirigées par les Kurdes n’ont rien à craindre ; les autres seront tolérés avec des brimades, comme ils l’étaient sous le régime précédent.
S. d. V. En France, les réactions des politiques sont variées : Emmanuel Macron se réjouit la chute d'un « État de barbarie », mais d'autres, comme Jordan Bardella, s'inquiètent de la la probable arrivée massive de réfugiés syriens en Europe. Qu'en pensez-vous ?
R.H. La chute du régime syrien est une bonne nouvelle pour les Occidentaux et Israël. La Syrie des Assad était l’outil qu’utilisait l’Iran pour étendre son influence dans toute la région. Toutes les armes du Hezbollah libanais passaient par là. Par ailleurs, les bases navales et aériennes russes se trouvant au nord de la Syrie étaient utilisées pour le déploiement des milices et autres forces armées russes en Afrique, dans le but de mettre un terme à la zone d’influence française et d’en chasser ses armées.
Enfin, le régime syrien n’était pas vraiment un ami de l’Occident, et encore moins de la France : c’est lui qui assassina notre ambassadeur Louis Delamare, en 1981, à Beyrouth, et apporta son soutien logistique au Hezbollah libanais afin de commettre l’attentat du Drakkar qui coûta la vie à 58 de nos soldats.
Nous ne savons pas encore à quoi ressemblera la Syrie de demain, mais il est fort probable qu’il y en ait plusieurs : kurde, alaouite et sunnite sous influence turque, voire même druze… Dans ce magma, l’Occident a des alliés comme les Kurdes et des ennemis comme les islamistes et les Turcs. Mais divisés et pas structurés, il demeurent moins dangereux que le régime des mollahs iranien, qui est sur le point de détenir l’arme nucléaire.
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39 commentaires
Mon âge avancé me fait méfier des »spécialistes »de tout poil.
Si Bachar avait tué autant de chrétiens qu’on le prétend désormais,il me semble que nous le saurions depuis longtemps.
Bachard el Assd et son régime, n’étaient pas non plus des ennemis de la France ! C’était un régime Laic surtout ! En plus avec Israël comme ennemis ! Il n’avait pas la vie facile non plus et c’est pour ca qu’il ne pouvait pas raisonnablement libéraliser son régime et démocratiser son système ! Quand on est théoriquement toujours guerre, contre un pays voisin, Israël ! On doit protéger l’état des manoeuvre et des manigances malveillante en provenance de l’exterrieur et on doit préserver l’armé qui vous défend, ce qui implique de conserver l’état d’urgence et la loi Martial ! Hervé de Néoules !
La Syrie des Assad a fait énormément de victimes, des chrétiens mais pas uniquement, des opposants au régime mais combien y en aura-t-il avec les islamistes, probablement encore plus dangereux ?
J’ai une question : Pourquoi le » T.P.I » n’a jamais lancé un mandat d’arrêt international contre ce dictateur sanguinaire Bassar Al Assad ; Alors qu’ils ont eu l’outrecuidance d’en lancer un pour Poutine et Netanyahu . J’aimerai bien que ceux qui y siègent à ce » T.P.I » nous répondent .
L’outrecuidance de lancer un mandat d’arrêt international contre Poutine. Je n’en crois pas mes yeux. Les victimes de l’agression poutinesque contre l’Ukraine, par centaines de milliers, ne comptent pas à vos yeux ? La prise d’otage d’israéliens par le Hamas n’a pas d’importance non plus.
Le proverbe dit : « Chacun chez soi, et les vaches seront bien gardées. Donc que les Syriens se débrouillent entre eux, comme nous, Français, nous nous débrouillons entre nous.
Rappelons que chez nous, Melanchon et MLP auraient dit n’être pas convaincus de la réalité des massacres commis par Assad sur son peuple (500000 tués). Et que ces massacres ont été perpétrés avec l’aide active de la russie. Du reste, Assad est allé se réfugier chez son ami Poutine. Du beau monde !
Il est vrai que le profil des jihadistes qui ont pris le pouvoir en Syrie est réjouissant.
Syrie : Remplacement vraisemblable d’une dictature par une autre. Heureusement, y compris pour nous, qu’Israël surveille tout cela et conserve une capacité militaire infiniment supérieure à tous les pays
environnants.
» issu d’une minorité alaouite (secte musulmane) ne représentant que 8 % de la population syrienne »
ça fait 8 fois plus que 1%
« La chute du régime syrien est une bonne nouvelle pour les Occidentaux et Israël. »
Tout est dit.
On sait donc l’origine des dollars et des armes utilisés pour faire cette révolte.
@Tara votre observation est judicieuse.
Souvenons nous de la fureur de Sarkozy à l’encontre du président syrien, qui refusait le tracé d’un pipe line passant par la Syrie ! Sarkozy menaçant alors Bachar de mettre son pays à feu et à sang.
A présent que Bachar a été éliminé, le tracé du Pipe line, va pouvoir se faire à la grande satisfaction des Occidentaux !
Y a-t-il là un marché entre les Russes et les USA : Ukraine contre Syrie ? L’avenir nous le dira …
Tara ; Ceux qui pensent que c’est une bonne nouvelle vont vite déchanter .