[HISTOIRE] L’attentat de la rue Saint-Nicaise, Noël sanglant pour Bonaparte
Il existe, malheureusement, dans notre Histoire de France de tristes contes de Noël qui méritent néanmoins d’être racontés, car ces événements terribles, malgré le sang et la mort, ont forgé le destin de notre pays. En effet, la veille de la fête de la Nativité, en pleine nuit, alors que les rues de Paris s'illuminent, une ombre tragique s’est abattue sur la capitale. Le 24 décembre 1800, une explosion retentissante bouleversa le quotidien des Parisiens et frappa directement Napoléon Bonaparte, alors Premier consul. Cet attentat, mieux connu sous le nom de « Machine infernale de la rue Saint-Nicaise », marqua un tournant dans l’Histoire de la France.
La France entre espoir et tensions
En 1800, la France se remet lentement des nombreux bouleversements et conflits provoqués par la Révolution. Bonaparte, devenu Premier consul après le coup d'État du 18 Brumaire, incarne ainsi, pour beaucoup de Français, la paix et l’espoir d’un retour à la stabilité. Cependant, son ascension rapide suscite aussi de nombreuses inimitiés. Les jacobins, nostalgiques de la Révolution et de la Terreur, redoutent ses ambitions autoritaires, tandis que les royalistes ne voient en lui qu’un révolutionnaire de plus à abattre après qu’il a déclaré à Louis XVIII : « Vous ne devez pas souhaiter votre retour en France ; il vous faudrait marcher sur cent mille cadavres. » C’est ainsi dans ce climat d’hostilité que se manigança un attentat contre le Premier consul. Cette attaque est l’œuvre des royalistes sous les ordres du chef des Chouans, Georges Cadoudal. Le plan repose sur l’utilisation d’une « machine infernale », c’est-à-dire une charrette piégée avec des barils remplis de poudre et de mitraille, destinée à exploser au passage du cortège du Premier consul.
L’explosion de la rue Saint-Nicaise
Ainsi, la veille de Noël, le soir du 24 décembre, Bonaparte décide de se rendre à l’Opéra-Comique pour assister à une représentation de La Création, de Joseph Haydn. Informés du chemin emprunté par le Premier consul, les royalistes envoyés par Cadoudal pour cette sinistre besogne placent la charrette sur son itinéraire, rue Saint-Nicaise. Pour éviter que la charrette ne bouge, ils la confient à une jeune fille, Marianne Peusol, moyennant ce macabre service contre quelques sous. Vers 20 heures, alors que la berline du Premier consul approche, la machine infernale explose dans un fracas inouï. L’onde de choc dévaste les environs : des édifices sont endommagés, des chevaux abattus et plusieurs passants sont tués ou blessés. On compte, ainsi, une dizaine de morts et une quarantaine de blessés. Bonaparte, lui, en réchappe miraculeusement. Protégé par la vitesse de sa berline, il arrive sain et sauf à l’Opéra. Conscient qu’une rumeur sur sa mort peut être aussi dangereuse que sa mort elle-même, il décide de se montrer à tous afin de prouver qu’il est encore en vie et qu’il faudra plus qu’une bombe pour arrêter son destin. Cette situation renforce alors son image d’homme providentiel.
Conséquences et répression
Face à cet attentat, le Consulat réagit avec fermeté. Cependant, Bonaparte est convaincu qu’il s’agit d’un complot des jacobins, qui ne lui pardonnent pas sa trahison envers la Révolution : « Ce sont les restes de tous les hommes de sang qui ont traversé la Révolution dans le crime », comme l’écrit Max Gallo. Cette interprétation le place alors en opposition avec son propre ministre de la Police, Joseph Fouché, qui soupçonne plutôt les royalistes. Le Premier consul l’accuse de protéger ses anciens alliés et de vouloir s’attaquer à ceux qui pourraient lui nuire s’ils revenaient au pouvoir, lui le boucher de Lyon qui avait maté dans le sang les révoltes royalistes. Néanmoins, après quelque temps, une enquête minutieuse permet de découvrir les auteurs du complot, qui s’avèrent bel et bien des royalistes. Les principaux instigateurs, Pierre Robinault de Saint-Régent et François Carbon, sont alors arrêtés, jugés et exécutés le 20 avril 1801 sur la place de Grève, à l’endroit même où furent autrefois mis à mort les régicides Ravaillac et Damiens. Cependant, malgré son erreur, l’affaire a su être exploitée politiquement par Bonaparte. En effet, en ayant accusé à tort les jacobins dans un premier temps, il a pu procéder à une vague de répression contre les républicains radicaux, consolidant ainsi le soutien des modérés et des royalistes ralliés à son régime.
Ainsi, ce Noël 1800 restera dans l’Histoire comme un moment où l’espoir et la violence se sont entrelacés. Alors que les Parisiens espéraient célébrer la paix retrouvée sous le Consulat, ils furent confrontés à la réalité des tensions politiques encore vives. Cependant, cet épisode permit aussi de consolider la figure de Bonaparte dans son ascension vers le pouvoir impérial. Devenu l’alternative entre une France nostalgique de la Terreur et une autre de l’Ancien Régime, Bonaparte renforça son image de sauveur et d’homme providentiel. La rue Saint-Nicaise*, aujourd’hui disparue, reste un témoin silencieux de cet épisode tragique.
* Située dans le Ier arrondissement, la rue Saint-Nicaise fut détruite en 1853 lors du prolongement de la rue de Rivoli et de l'aménagement de la cour Napoléon du Louvre.
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7 commentaires
Il serait intéressant de savoir ce que devint Cadoudal, comme dans le même temps, le chevalier de Limoelan impliqué lui aussi dans une tentative identique, peut-être la même ?
Il existe un excellent livre de…Laurent Joffrin !!….sur cette affaire …
1800 : L’année de Marengo …. et le début de la fin en Egypte pour l’armée abandonnée à Kléber qui se fait assassiner le jour même de la bataille sauvée par Desaix
C’est bien d’avoir cité Saint-Régeant, mais dommage d’avoir oublié oublié Picot de Limoëlan, dit Beaumont, qui réussit à fuir la France en 1801, à partie de Saint-Malo et à bord du Richemond, et qui est longuement évoqué par Sainte-Beuve, dans son roman Volupté. Il adopta aussi le nom de son oncle, le Père de Clorivière et devint vicaire de Charleston.
Le cocher du fiacre de Bonaparte était ivre, ce qui a sauvé la vie de son passager, mais ne doit pas être appliqué à toutes les conduites hippo ni automobiles.
Je lis avec plaisir ce genre d’article. 250 ans nous séparent de cet épisode historique mais j’y retrouve certaines ressemblances d’atmosphère.
Intéressant.merci.
Merci monsieur de Mascureau de nous avoir remis en mémoire ce fait historique, ce fait politique.