Passe d’armes entre Musk et Breton : si les Ricains n’étaient pas là

© CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
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Thierry Breton est tout ce qu’il y a de plus européen. Tout au plus peut-on porter à son crédit, pour tenter de sauver un dossier lourdement à charge, la détestation qu’il voue à Ursula von der Leyen, qui le lui rend bien. À part ça, l’ancien grand patron français coche toutes les cases que l’on est en droit d’attendre d’un super-ministre choisi par personne. Ancien commissaire européen, il s’est désormais autosaisi d’une mission : défendre la souveraineté. Pas la souveraineté française, bien entendu : ça, on s’en fiche. Dans l’excellent Mort d’un pourri, qu’on ne se lasse pas de citer, Xav Maréchal (Alain Delon) lance au magnat apatride Tomski (Klaus Kinski) : « Mon pays, vous n’en avez rien à foutre. » Et Tomski lui répond, pas décontenancé pour un sou : « C’est exact. Des autres pays non plus, d’ailleurs. » C’est un peu le cas de Thierry Breton, à une seule notable exception : la lutte contre « la haine ».

Impavide chasseur de bêtes immondes, Thierry Breton a sorti son fusil une fois de plus, cette semaine. Son fusil numérique, bien sûr. Sur X, il a tweeté ce paragraphe vengeur : « À quelques semaines des prochaines élections en Allemagne, et au moment de l’attentat haineux de Magdebourg, Elon Musk - le plus important influenceur du monde sur X et un membre potentiel de la future administration américaine - soutient ouvertement l’AFD, un parti d’extrême droite. » Il est vrai que l’homme le plus riche du monde, futur chargé du dégraissage du mammouth administratif américain, n’a pas caché sa sympathie pour l’Alternative für Deutschland (AfD), ouvertement anti-immigration et attaché à des valeurs conservatrices.

La réaction de Musk ne s’est pas fait attendre : « Mec, l’"ingérence étrangère" américaine est la seule raison pour laquelle tu ne parles ni allemand ni russe, en ce moment MDR. » Cette réponse, qui semble pourtant se suffire à elle-même (et clore le débat), appelle quelques commentaires. D’abord, sur la forme, le style informel et direct de Musk bat à plate couture, dans notre monde numérique et horizontal, les circonlocutions démodées de Breton contre « l’extrême droite » : malheur à celui qui essaie de tenir des propos intellectuels sur un réseau social. En l’occurrence, c’est jubilatoire, mais dans le fond, c’est très inquiétant.

Paternalisme cow-boy

Ensuite, cette réponse en dit long sur la façon dont les Américains considèrent l’Europe en général : comme un continent qu’ils ont sauvé, de l’Allemagne nazie (c’est plutôt vrai) et de la Russie communiste (c’est totalement faux). Il y a donc une espèce de paternalisme méprisant, très cow-boy, envers ce Vieux Continent de faibles qui ont besoin que les Américains viennent les défendre dans la cour de récré du monde. La Fayette et Rochambeau ? Jamais entendu parler. Les Américains ne se souviennent pas du rôle que le royaume de France a joué dans la lutte pour leur indépendance… sauf quand ils essaient d’avoir l’air sympathiques et cultivés - c’est-à-dire pas très souvent. Et dans ces cas-là, il faut se méfier.

Et puis, surtout, Musk a raison, même dans ce qu’il ne veut pas dire : OK, l’ingérence américaine est la raison pour laquelle Breton ne parle pas allemand. Mais c’est surtout la raison pour laquelle il a écrit son tweet… en anglais. L’Union européenne, noyautée par Washington depuis sa création, est un exemple académique d’ingérence supra ou méta-nationale dans la politique des États souverains. Thierry Breton ne peut pas à la fois prêter allégeance à des instances bruxelloises élues par personne (sauf les parlementaires européens… mais ils n’ont pas l’initiative des propositions de loi) et s’émouvoir qu’un milliardaire américain donne son avis sur la politique d’un pays d’Europe. Est-ce parce que l’AfD est « d’extrême droite » ? Ce serait un peu léger. On va voir ça lors des élections allemandes - que l’on attend, tout comme Elon Musk, avec une certaine impatience.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Avant le Président Ch.de Gaulle, et depuis mai 68 et Pompidou jusqu’à Macron sans aucune interruption, la France s’est vautrée en rampant au pied des USA. Lire entre autres l’excellent livre de Ph.de Villiers « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu ».
    Breton exerce parfaitement le cinéma bobo de la malhonnêteté intellectuelle et fait semblant de l’ignorer… Et donc, comment imaginer que l’américain le plus riche de la planète, « numéro 2 » du futur gouvernement Trump ne le lui rappelle pas avec un doigt d’honneur… Bien mérité !

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