Les premières mesures microscopiques de Gérald Darmanin, garde des Sceaux

©Jordan Florentin
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Ça y est, le nouveau gouvernement a été nommé. Gérald Darmanin est garde des Sceaux et on imaginait qu’il aurait plein d’idées. Pour succéder à Éric « Acquittador » Dupond-Moretti, l’homme qui jouait au baby-foot avec les prisonniers, il fallait un profil plus à droite. Car, oui, aussi absurde que cela puisse paraître, Gérald Darmanin, dans l’esprit de beaucoup de gens, est de droite. À Beauvau, il avait fait du Sarkozy : coups de menton, serrage de mains dans les commissariats, condamnation avec « la plus grande des fermetés », quelques propos un peu limite par-ci par-là pour poser au facho et, sur le fond, pas grand-chose. Allait-il rééditer, au ministère de la Justice, le même exploit paradoxal, celui de l’hyperactivité dans l’immobilisme ?

Il semble bien que ce soit parti pour. Il fallait qu’il soigne ses premières déclarations : c’est chose faite, avec cette mesure révolutionnaire. Écoutez plutôt : Gérald Darmanin veut faire passer de 48 à 72 heures la durée des gardes à vue en cas de violences sexuelles aggravées ou de féminicides. « Ça permet de mettre en protection la femme qui a été menacée, violentée, agressée. Ça permet de faire les constatations de police technique et scientifique et ça permet d’interroger plus longuement la personne », s’est justifié le ministre. On passe sur les néologismes insipides (« mettre en protection » : et puis quoi, encore, tu peux pas dire « protéger », comme tout le monde ?) pour en venir au fond du sujet. Franchement, la priorité de la Justice, dans un pays qui devient un narco-État, dont les prisons sont surpeuplées et occupées à 25 % par des étrangers, dans un pays incapable de faire appliquer ses OQTF, est-elle d’allonger la durée de la garde à vue des suspects dans des affaires de violences sexuelles ou d’assassinat de femmes ? (Le mot « féminicide », absurde lui aussi, est à la fois trop faible pour ce qu’il dit et trop connoté par le féminisme. Parle-t-on d’« androcide », quand une femme tue son mari ?)

Que veut prouver Darmanin, qui exploite éhontément la légitime émotion provoquée par l’affaire Pélicot ? Veut-il donner des gages à la justice de gauche en se saisissant de la question des « violences fetzofam » ? Veut-il corriger son image de macho lourdingue et faire oublier le souvenir du « Ne vous vexez pas, Madame, calmez vous, ça va bien se passer », face à Apolline de Malherbe ? Peut-être un peu de tout cela. On reconnaîtra tout de même que c’est particulièrement indigent. Et qu’un homme qui vient de rendre son poste au ministère de l’Intérieur devrait savoir que les Français (ou plutôt, en l’espèce et pour respecter la novlangue, « les Françaises et les Français ») ont d’abord envie qu’on empêche ces viols, dans lesquels les OQTF sont d’ailleurs surreprésentés. Cela n’a aucun intérêt d’annoncer une pareille mesure, cosmétique, totalement déconnectée du réel, si on ne traite pas le mal à la racine.

Un tel aveuglement pose, par ricochet, la question de l’utilité de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur - et son utilité sur la scène politique en général. On n’en est pas à l’élargissement des trottoirs, que préconisait Caroline De Haas pour éviter le harcèlement de rue, mais on n’en est pas très loin. Quelle sera sa prochaine idée ? Ne vous inquiétez pas, chers compatriotes, ça va bien se passer…

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

55 commentaires

  1. Je pense qu’il est souhaitable de soutenir certaines promesses de G. Darmanin qu’il a faites pour marquer sa prise de fonctions au Ministère de la Justice : accélérer le prononcé des peines (en temps réel càd dès l’interpellation du fauteur de troubles, et non avec un différé de plusieurs mois, voire..années !!!) , et par ailleurs imposer des peines d’incarcération effective, fûssent elles de très courte durée, pour obtenir l’ effet dissuasif nécessaire. Ce serait déja une nette amélioration en matière de sécurité générale du pays….

  2. Laissons le temps a Mr Darmanin de mettre en place ses idées , objectifs , annonces , et surtout a lui de trouver les circuits pour les mettre en oeuvre rapidement , efficacement .
    N’oublions pas que le Ministére de la Justice est un ministére trés fonctionnarisé , politisé , syndiqué un peu comme celui de l’Education Nationale .
    Nous allons vite pouvoir apprécier une fois de plus la maxime suivante :  » les trains passent ( en image les politiques ) nous fonctionnaires on tient les gares  »
    8 millions de fonctionnaires + assimilés+ réseaux + etc ………….en un mot dépendant de l’Etat pour 67 millions d’habitants , qui ont des priviléges et n’acceptent aucun changement , si ce n’est obligatoirement l’amélioration de leurs revenus , et conditions .
    Nous avons une multitude d’exemple de poltiques de tout bord qui n’ont pas vu leurs projets aboutir suite a des blocages internes .

    Je vais surprendre :

  3. Un brin d’optimisme serait bienvenu en ces temps troubles. Qui préférait Dupont Acquittador, ou Taubira ou encore Belloubet ? Jusqu’à maintenant, la Justice tombait à tombeau ouvert de Charybde en Scylla ; on nous parlait de « sentiment » et on nous disait que la prison détruit les braves gens qu’on y parque parce qu’ils ont sans doute été trop gentils avec leur prochain. Et bien entendu, il était blasphématoire de parler d’incarcérer quiconque. Aujourd’hui, nous avons au moins les bonnes paroles. Attendons les actes. Mais par pitié, laissez-nous naïvement un brin d’espoir.

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