Ils seront unis, samedi, à La Trinité : la famille Le Pen face au deuil
On l’a comparée à la famille Kennedy, mais les différences entre la famille Le Pen et la famille de l’ancien président des États-Unis sont nombreuses. Les Le Pen ne sont pas parvenus au pouvoir en France, les tragédies y sont moins nombreuses et ses figures ne ressemblent guère à celles du fameux clan américain. Mais il y aura tout de même un peu de cela, lors des obsèques du patriarche, ce samedi 11 janvier à La Trinité-sur-Mer, dans le Morbihan : cette famille française née d'un fils unique orphelin de père sera soudée, discrète et unie dans le fief familial breton, autour du cercueil de l'homme politique le plus marquant pour le patriotisme français des quarante dernières années.
Les mots après le décès de Jean-Marie Le Pen tranchent sur l’image que la gauche cherche à donner du personnage. Marine Le Pen, qui n’a jamais caché la difficulté d’être la fille de Le Pen, petite ou plus tard femme politique, a écrit sur X un message particulièrement sensible, qui résume le père distant, retrouvé sur le tard : « Un âge vénérable avait pris le guerrier mais nous avait rendu notre père. La mort est venue nous le reprendre. Beaucoup de gens qu’il aime l’attendent là-haut. Beaucoup de gens qui l’aiment le pleurent ici-bas. Bon vent, bonne mer Papa ! »
Un âge vénérable avait pris le guerrier mais nous avait rendu notre père. La mort est venue nous le reprendre.
Beaucoup de gens qu’il aime l’attendent là-haut. Beaucoup de gens qui l’aiment le pleurent ici-bas.
Bon vent, bonne mer Papa !
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) January 8, 2025
Le clan familial plus fort que tout
La vie politique est dure. On le sait, la présidente du groupe RN à l’Assemblée, restée longtemps aux côtés de son père ces dernières semaines, a appris son décès par une dépêche AFP, dans l’avion qui la ramenait de Mayotte en France. Elle avait évoqué dans son livre la dureté de l’homme qui lançait à ses filles, victimes des attaques cruelles de leurs camarades sur leur nom : « Vous pourriez être toutes nues dans la neige ! » La succession politique de Le Pen et les scissions et départs ont aussi laissé des traces. Marine Le Pen a coupé, un temps, ses relations avec le fondateur du RN, avouant publiquement avec des accents de vérité qu’elle en souffrait. Marion a rompu, un temps, avec sa tante pour rejoindre Zemmour avant de revenir à la tête d’un parti allié au RN. Marie-Caroline a suivi Mégret avec son mari Philippe Olivier, aujourd’hui conseiller spécial de Marine Le Pen. Mais le clan familial a été le plus fort. « C'est une Le Pen », murmurent les cadres pour chacune des filles ou la petite-fille du chef. L’attachement au père et grand-père écrase les vicissitudes de la vie politique.
Ainsi, quand Thomas Sotto, le 20 novembre dernier sur RTL, demande à Marine Le Pen sans ménagement si son père est en fin de vie, Marine Le Pen se cabre. « Je ne vous répondrai pas. Je trouve que c’est trop violent comme question et ça touche à l’intimité de sa vie privée et de la nôtre aussi. » Les filles du « diable » vomi depuis quarante ans par Libération, les médias publics et bien d’autres ne le décrivent ni comme un saint, ni comme un tortionnaire, mais comme un père. Le message de Marie-Caroline Le Pen efface les disputes du passé : « De ce chagrin, tu ne pourras pas me consoler. À Dieu Papa », lance-t-elle, sur X.
De ce chagrin, tu ne pourras pas me consoler.
À Dieu Papa. pic.twitter.com/vxa6CmNmcP— Marie Caroline Le Pen (@MCarolineLePen) January 7, 2025
On a vu les larmes de Jany Le Pen, volées sans ménagement par BFM TV. Marion Maréchal a elle aussi évoqué cette figure marquante pour la droite française et pour sa vocation politique personnelle. « Daddy, ne t’inquiète pas : la mission que tu m’as confiée il y a treize ans avec ta lettre, je ne l’ai pas oubliée, écrit-elle aussi, sur X. Je tâche, depuis, de relever cette mission. Je ne suis pas la seule. » Contactée, Marion Maréchal ne souhaite pas réagir davantage pour le moment.
Daddy, ne t’inquiète pas : la mission que tu m’as confiée il y a 13 ans avec ta lettre, je ne l’ai pas oubliée.
Je tâche depuis de relever cette mission. Je ne suis pas la seule. Tu as suscité, tout au long de ta vie, des centaines de milliers de vocations. Tu as permis,… pic.twitter.com/9olZ0fe71f
— Marion Maréchal (@MarionMarechal) January 7, 2025
Avec le temps, le patriarche a passé l’éponge sur les brouilles avec ses enfants comme avec ses lieutenants, y compris avec le « félon » Bruno Mégret, qui avait provoqué une scission dans le mouvement en 1998.
« Papon est mort, Le Pen est toujours vivant »
La famille Le Pen fait bloc. Cette émotion familiale palpable dessine ainsi un homme différent de l’image noire que tente de ressusciter une certaine presse. La fabrication médiatique de « l’ogre » Le Pen a occupé la presse de gauche et les médias généralistes durant quarante ans. Elle ressuscite à sa mort avec quelque chose d’artificiel et de minoritaire. Il faut reconnaitre que l’ancien lieutenant en Algérie a parfois fourni la matière de sa propre diabolisation à une machine médiatique qui ne demandait que cela. Le mot « ogre » sera repris ad nauseam. Le 15 janvier 2011, Libé relate l’émission qui lancera Le Pen le 13 février 1984, en présence de ses filles Marie-Caroline, Yann et Marine. « Plutôt belles, dans le genre wagnérien, se souvient Alain Duhamel, contradicteur de l'ogre, écrit Libé. Je les aurais bien imaginées avec des nattes et des corsages à balconnets. » Marine Le Pen a seize ans… Ogre, ce mot est réservé aux meurtriers en série : Fourniret et autres... et à Le Pen. Incapable de lutter contre une dizaine de médias qui assurent 90 % de l’audience télé et radio, Le Pen lancera son propre journal, National Hebdo. En vain.
Il a compris que la bataille est d’abord médiatique. À cette aune, l’ogre Le Pen a un successeur ; non pas Marine Le Pen, qui s’est largement dédiabolisée, mais… Bolloré !
Comme d'autres, le quotidien assis depuis l’origine sur la rente de l’anti-lepénisme, a commis quelques unes peu visionnaires. Libération voit, le 21 septembre 1998, en pleine crise du FN secoué par la scission avec Mégret, « le crépuscule du vieux ». Bien vu, l’aveugle ! Quatre ans plus tard, le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen atteint le second tour de l'élection présidentielle, suscitant la stupéfaction horrifiée de la gauche française dont la mâchoire se décroche devant l’écran de télé. Et lançant une mobilisation de 100 % du paysage médiatique, digne des grandes heures de l’Union soviétique. Le 19 février 2007, la famille Le Pen subit cette une du même Libération : « Papon est mort, Le Pen est toujours vivant ». Padamalgam, comme on dit. Le 28 juin 2014, le quotidien titre « Le Pen pire et fille ». Le combat politique est âpre : in fine, la violence sans limites dirigée contre la famille Le Pen a peut-être réussi à enrayer la montée vers le pouvoir du patriarche, mais elle a échoué à éliminer les Le Pen du jeu politique.
Plus de quarante ans après l’explosion de Le Pen à L’Heure de vérité, la famille qui se réunira à La Trinité-sur-Mer autour du catafalque présente le visage d'une certaine unité et peut raisonnablement rêver de se saisir du pouvoir suprême en France. Comme les Kennedy !
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45 commentaires
La trinité sur mer – notre dame des landes: 100km de voie rapide, une heure de route. Je crains que nos chers zadistes ne s’offrent un week end en bretagne!