Jean-Marie Le Pen n’avait pas que des ennemis, dans le show-biz…

Capture d'écran Le Guépard
Capture d'écran Le Guépard

On ne s’avancera guère en prétendant que Jean-Marie Le Pen n’était pas exactement l’un des chouchous du show-biz hexagonal. Et pourtant, ces millions de voix, il fallait bien qu’elles viennent de quelque part ; et pas que du bas peuple, mais un peu aussi de celui de la France d’en haut.

En matière de célébrités, le premier nom qui vienne à l’esprit est évidemment celui d’Alain Delon qui, toujours, revendiqua l’amitié portée à ce Menhir rencontré durant la guerre d’Indochine : « Je n’ai jamais caché et je ne cacherai pas ma sympathie pour Jean-Marie Le Pen, que je connais depuis très longtemps, avant même que l’on parlât du Front national. » Une déclaration qui remonte à 1989.  Mais il affirmait déjà à Paris Match, en mai 1984 : « Je peux lui reconnaître au moins trois choses. Il est sympa. Il dit tout haut des choses que les autres osent à peine dire tout bas. Il parle différemment. »

Brigitte Bardot, une amie commune de tout aussi longue date, n’a jamais mis non plus son drapeau lepéniste dans la poche, tel qu’en témoignent ces phrases issues du second tome de ses Mémoires, Le Carré de Pluton (Grasset) : « Ma vieille amie Madeleine avait une passion pour Jean-Marie Le Pen. D’après elle, personne d’autre ne pouvait sauver la France de l’état dans lequel elle était. Je lui parlais de Chirac. Elle me répondit, c’est un con ! Ah bon ! Pourtant ! Pourtant, rien du tout. Elle jugeait avec sa sagesse, son expérience, son courage de femme d’âge presque canonique. Elle avait raison et je pus, au fil des jours, des mois, et maintenant des années, m’en rendre compte. »

Le lepénisme selon Claude Autant-Lara

Ce qui nous amène, pour continuer de filer la métaphore politico-cinématographique, à Claude Autant-Lara (1901-2000), qui est élu en 1989 député au Parlement européen sur la liste du Front national, avant de rapidement démissionner pour avoir tenu des propos antisémites à l'égard de Simone Veil. C’est à ce grand cinéaste, venu de la gauche, longtemps président de la Fédération nationale du spectacle CGT, que BB doit l’un de ses plus beaux rôles, avec En cas de malheur (1958) ; une reconnaissance qui va bien au-delà de sa carrière, puisque affirmant à propos de l’engagement de son ancien bienfaiteur, au Choc du mois, en mai 2006 : « Ceux qui ont des couilles les assument ! » Il est un fait que pour assumer, Claude Autant-Lara assume : « Ce qui me plaît en Le Pen, c’est que c’est un homme neuf. Quand je vois quelqu’un qui me dit qu’il va voter UDF ou RPR, je luis dis : pauvre con ! Tu vas voter pour ceux qui nous ont poussés à la décadence depuis plus de quarante ans. Tu veux remanger ton vomi ? » C’était en 1988, à l’occasion d’un autre entretien, déjà accordé au Choc du mois. Lequel entretien, singulièrement roboratif, se concluait par un vibrant : « Ce qui me plaît en Le Pen, c’est qu’il pense français. Comme moi. On peut me traiter de fasciste, je n’en ai rien à foutre ! D’ailleurs, le cosmopolitisme, je lui pisse à la raie ! » Emballé, c’est pesé, et ce n’est pas du Timotée Chalamet.

Mouloudji, pas déserteur en amitié

Puis, il y a d’autres habitués du parc de Montretout. Le chanteur d'origine kabyle Mouloudji (1922-1994), l’homme du Déserteur, que Jean-Marie Le Pen, toujours farceur, aime entonner avec lui en fin de repas. Le principal intéressé admet, dans L’Album Le Pen (Objectif France), l’un des nombreux ouvrages lui ayant été consacrés : « Le Déserteur ? Cette chanson ne me gêne pas. Il faut d’abord remettre les mots à leur place. Il ne s’agit pas d’un déserteur, mais d’un réfractaire. C’est très différent. Et nous autres, patriotes, nous sommes tous un peu antimilitaristes, non ? » Dans le tome 1 de ses Mémoires, Le Pen raconte que le chanteur lui avait « fait cadeau d'une magnifique édition originale de ses Complaintes, illustrées par lui-même ».

Les conseils de Guy Béart

À l’enterrement de Mouloudji, Jean-Marie Le Pen est l’une des rares personnalités à faire le déplacement. Toujours dans le registre de la chanson, il est une autre amitié, autrement plus discrète, celle qui le lia à Guy Béart. À sa mort, le 16 septembre 2015, il le salue en ces termes : « C’était un ami, un grand poète, patriote, plein de talents, de délicatesse. » Mieux : on apprend encore que Guy Béart est à l’origine d’une des affiches de Marine Le Pen, à l’élection présidentielle de 2012. Explications du Menhir : « Nous bavardions sur la propagande politique et il disait, "le Français n’est pas une langue très synthétique, comme l’Anglais, or il faut faire court pour frapper". » D’où ce fameux slogan « Oui ! La France », ensuite placardé sur tous les murs de France…

Le panache de Claude Chabrol

Et puis, il y a Claude Chabrol, le copain de la Corpo de droit. Celui qui, en 1999, alors en pleine promotion de ses mémoires, chez Bernard Pivot, crée le scandale en expliquant, hilare : « Mais j’étais copain comme cochon avec Le Pen entre, voyons, que je ne dise pas de bêtises, entre 1949 et 1952, à peu près. Hé oui ! C’est marrant : Le Pen, c’était un fout-la-merde magnifique ! Je suis persuadé qu’il y a dans sa démarche une volonté très nette de foutre la merde. Je n’ai jamais été inquiété par le Front national, je sais pas. Mais par lui, non ! » Et de conclure, devant un Jacques Attali au bord de l’apoplexie : « Le Pen entrerait là, on se taperait sur l’épaule, quoi, pas de doute ! Bon, faudrait pas qu’il tape trop fort, c’est un type très costaud ! » Le diagnostic de Claude Chabrol quant au côté « fout-la-merde » de Jean-Marie Le Pen se vérifiera quelques années plus tard, quand ce dernier accepta d'être le parrain de la petite Plume, fille de Dieudonné, baptisée par l’abbé traditionaliste Philippe Laguérie.

Françoise Hardy

Elle n'était ni une amie ni même une relation de Jean-Marie Le Pen mais elle avait eu le malheur, en 1992, de déclarer que le fondateur du FN ne manquait « ni de brio ni de repartie » et d'avoir évoqué un « racisme antifrançais ». La belle Françoise Hardy fut alors sommée de s’expliquer au tribunal médiatique de Thierry Ardisson. Un grand moment de télévision et l’élégance d’une dame jetée alors dans la fosse aux lions. C’était il y a plus de 32 ans. Rien n’a fondamentalement changé depuis.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Excellent article qui nous rassure ( un peu ) sur les artistes qui ont ou avaient du talent . Pour ceux d’aujourd’hui qui bavent sur l’extrème-drouate, on pourrait penser que le talent c’est comme la confiture : plus on l’étale moins y’en a .

  2. Je pense que nombre de personnes se trompent sur la personne de Jean Marie Lepen qui était certes très attaché à la France , à la nation mais n’était pas pour cela un moine trappiste du nationalisme , il aimait la vie parce qu’il en connaissait le prix . Son attitude parfois martiale ,était trompeuse parce qu’il était un peu acteur de son propre personnage.
    Sa fille racontait que la vie n’était pas de tout repos quand elle était enfant avec des parents qui recevaient jusqu’ à pas d’heure toute sorte de gens , avec lesquels ils refaisaient le monde . Il semblerait que c’était presque la bohème !
    Le fait qu’il ait côtoyé des artistes comme Mouloudji ou Beart ne m’étonne à peine , même si on les aurait plutôt vu parmi la cours de Mitterrand .
    Françoise Hardy était quelqu’un, qui, sous une apparente douceur ,savait ce qu’elle voulait et ne voulait pas . Je ne crois pas qu’elle faisait de compromis sinon avec son Dutronc de mari .
    La plupart de ces artistes n’avaient plus rien à prouver et avaient suffisamment de talent pour en pas avoir besoin de se compromettre dans des appartenance politiques ou faire des déclarations partisanes ? C’est le lot des demi soldes qui ont besoin d’un complément de notoriété parce que leur seul talent artistique ne suffit pas .
    Cela tombe bien parce que j’aimais beaucoup Guy Beart dont, petit ,à trois ou quatre ans j’essayais d’interpréter sa chanson « l’eau vive » , ma mère m’aidant au piano droit .
    Mouloudji dont le titre  » mon pote le gitan  » me vient immédiatement à l’esprit et pour François Hardy « message personnel  » de Michel Berger ou « comment te dire adieu  » de Gainsbourg . Mais elle ne s’est pas contentée de vivre sur ses succès , elle a travaillé avec des gens très différents, par exemple des musiciens de « radiohead » à la recherche de nouveaux sons .
    Et elle ne détestait pas jean Marie Lepen ! Donc je ne me suis pas trompé sur le personnage . Je trouve par contre que Renaud s’est fourvoyé en soutenant Mitterrand , cela ne collait pas trop avec sa posture rebelle. .

  3. C’est un plaisir pour moi de découvrir qu’il y en a plus que je ne croyais. Comme tout le monde je pense, je savais qu’il y avait Alain Delon et Brigitte Bardot, mais les autres je ne savais pas, c’est d’autant plus réconfortant que ce sont des pointures et pas les guignols de service d’aujourd’hui, ce sont tous des artistes de talent qui ont laissé leur empreinte dans leur domaine d’activité et dans nos mémoires. Merci pour ce rappel bienvenu !

  4. Aujourd’hui ce n’est pas d’évoquer une proximité avec le parti de Jean-Marie Le Pen qui marginalise les personnalités au sein du show-business, c’est le simple fait de d’affirmer être de droite. Mathilde Seigner par exemple en a fait les frais.

  5. Bravo à toutes ces personnes ci-dessus nommées. Si la plupart ne sont plus, elles ont eu le courage de tenir bon face à la vindicte gauchiste. On ne s’en sortira pas en faisant l’autruche; on ne fera qu’accroître les problèmes que nous affrontons aujourd’hui. Et bravo à Nicolas Gauthier pour ce rappel si parlant aux yeux des patriotes. J’en suis !

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