[DYNASTIES] La politique en héritage : pas que chez les Le Pen…
À l’occasion de la mort du fondateur du Front national, on a beaucoup parlé de la « dynastie Le Pen ». Dans cette expression, on peut déceler le reproche à peine voilé fait à une famille de s’être taillé dans l’espace politique français un véritable fief, pour ne pas dire un petit royaume, et, en même temps, on peut y voir la reconnaissance de la réussite de cette famille à transmettre ses idées politiques, à travers les décennies.
Mais au fait, c'est quoi une dynastie ?
Par similitude avec les dynasties royales, on parle volontiers de « dynasties » pour certaines familles de politiques, d’industriels, d’artistes, de gens du cirque, etc. Mais à partir de combien de générations peut-on commencer à parler de « dynastie » ? Rien n’est écrit, mais, soyons sérieux, à partir de trois générations. Désolé pour Martine Aubry, fille de son père, le regretté Jacques Delors, mais il semble bien que son « œuvre politique » n’ira pas au-delà de sa carrière politique. Disons qu’on commence à parler de dynastie lorsque l’un des chaînons de la lignée familiale peut dire qu’il a à la fois reçu et transmis. Car la notion de dynastie relève essentiellement de la transmission, de la dynamique. Du reste, n’est-il pas significatif que les mots « dynastie » et « dynamisme » proviennent de la même racine grecque ?
Une dynastie, c’est aussi des alliances avec des « pièces rapportées » qui apportent leur contribution à la dynamique familiale. C’est ainsi que nos premiers rois ont souvent agrandi le domaine de la Couronne par mariage : ce fut le cas du futur Philippe le Bel en 1284 lorsqu’il épousa Jeanne de Navarre, comtesse de Champagne. Des alliances qui peuvent apporter aussi leur lot de soucis. On pourrait évoquer ceux du même Philippe le Bel avec ses trois brus, dont Jeanne de Navarre, accusées de parties de jambes en l’air dans la tour de Nesle avec de jeunes chevaliers. Le roi régla le problème de la plus terrible des façons. Les lecteurs des Rois maudits s’en souviennent : le supplice des frères d’Aunay fut atroce et la réclusion des belles-filles du roi des plus sévères. Dieu merci, de nos jours, si nos chefs de dynasties républicaines connaissent parfois des soucis avec leurs gendres ou belles-filles, les choses se règlent de façon moins cruelle. La dynastie Le Pen connut des fâcheries politiques qui eurent un temps des conséquences familiales. C'est ainsi que la scission Mégret en 1998, sorte de guerre des Deux-Roses de nos temps modernes, à laquelle prit part Philippe Olivier, mari de Marie-Caroline Le Pen, entraîna une brouille durable, depuis oubliée, au sein de la famille.
Quoi qu’il en soit, les Le Pen ne constituent pas la seule dynastie politique existant encore en France.
Les Barrot d'Yssingeaux
On pourrait, par exemple, citer celle des Barrot. L’actuel ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, représente la troisième génération de politiques de sa famille. Son père, le centriste Jacques Barrot (1937-2014), fut ministre à de nombreuses reprises sous Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, conseiller général et député de la Haute-Loire durant de nombreuses années. Sa première élection comme député remontait à 1967, sous de Gaulle, dont il avait du reste battu le candidat ; sa dernière, en 2004, sous Chirac. Jacques Barrot était lui-même un « fils de ». Son père, Noël Barrot (1903-1966), pharmacien à Yssingeaux, résistant, sera élu député à la première assemblée constituante de la IVe République, le 21 octobre 1945, sous l’étiquette du Mouvement républicain populaire (MRP), parti démocrate-chrétien, né à l’issue de la guerre et ancêtre lointain du MoDem. Il conservera son siège jusqu’à sa mort en1966. Son petit-fils, Jean-Noël (on notera aussi la transmission du prénom), n’a pas repris le fief familial puisqu’il s’est fait élire dans les Yvelines en 2022 et 2024. Il est vrai qu’entre temps, un autre grand feudataire a pris racine en Haute-Loire : en l’occurrence Laurent Wauquiez (qui débuta sa carrière politique comme suppléant de... Jacques Barrot). À plusieurs reprises, il s'est appliqué à barrer la route au rejeton Barrot qui pensait pouvoir relever le fief familial.
Les Giscard : des pleins pouvoirs à Pétain aux Verts Démocrates...
Bien sûr, on ne peut pas ne pas évoquer la dynastie politique des Giscard. On ne va pas refaire le parcours du plus illustre membre de cette famille. L’héritage politique lui fut transmis par les femmes. Sa mère May Bardoux (1901-2003) n’était autre que la fille de Jacques Bardoux (1874-1959), sénateur puis député du Puy-de-Dôme de 1938 à 1956, qui vota les pleins pouvoir au maréchal Pétain. En 1956, il ne se représenta pas aux élections législatives afin de favoriser l’ascension politique de son petit-fils Giscard d’Estaing, alors âgé de 30 ans. Jacques Bardoux était lui-même le fils d’Agénor Bardoux (1829-1897), brièvement maire de Clermont-Ferrand, ministre à plusieurs reprises au début de la IIIe République, député puis sénateur inamovible. Héritier par les femmes d’une lignée politique, Valéry Giscard d’Estaing transmit à son tour le virus politique. Son fils Louis sera député UMP de 2002 à 2012 et, depuis 2005, il est maire de Chamalières, commune dont son père fut maire de 1967 à 1974. Le fils de Louis, Pierre-Louis, âgé de 24 ans, fut candidat aux élections législatives de 2024 dans la 8e circonscription de Paris sous l’étiquette Verts Démocrates, un parti né d’une fusion entre l’UDI et une sensibilité écologiste centriste. Il obtiendra… 1,57 % des suffrages...
À suivre…
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