[POINT DE VUE] François Rebsamen : il les aime tous « sauf le RN » !

@Clément Bucco-Lechat/ Wikimedia Commons
@Clément Bucco-Lechat/ Wikimedia Commons

Dans la longue débâcle post-dissolution où la France ne cesse de s’embourber, nous avons hérité d’un gouvernement de dinosaures ; des vieux de la vieille pour nous servir du réchauffé, bas morceaux et semelle recuite. Après le sacrifié Barnier, qui avait au moins pour lui le verbe facile et la prestance, nous avons ainsi hérité d’un Bayrou de campagne, Béarnais éleveur de pur-sang. Mais si « presque tous les chevaux qu'il élève sont des gagnants », il en va tout autrement de son écurie ministérielle, plutôt riche en chevaux sur le retour.

Au nombre de ces gloires d’hier, François Rebsamen, baron de la Socialie mitterrandienne. Numéro 2 du PS derrière François Hollande, puis ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social sous les gouvernements Valls I et II, il a quitté le monde douillet du PS pour suivre Macron en 2022. À 73 ans, pas question de prendre sa retraite, la gamelle est encore bonne. Le revoilà donc ministre sous Bayrou Ier, en charge de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation.

Et toujours l’extrême gauche sous le caviar

À ce titre invité, mardi soir, sur BFM TV pour commenter le discours à l’Assemblée du Premier ministre, François Rebsamen annonce fièrement : « Les Insoumis, je les respecte. Je respecte toutes les forces politiques sauf le Rassemblement national. C’est ma position. » Et de développer : « Je ne respecte pas ceux – pas tous, heureusement - qui portent des discours de haine et d’exclusion de l’autre. C’est pas ma tasse de thé. »

Un trou de mémoire, sans doute… car un détour par sa fiche Wikipédia – pas suspecte de critiques à son égard, puisqu’il est du bon côté – rappelle que François Rebsamen est issu de la Ligue communiste révolutionnaire, mouvement où il rencontre Pierre Joxe, mentor dont il deviendra le chef de cabinet jusqu’en 1991. Un Pierre Joxe alors ministre de l’Intérieur de Mitterrand et qui n’hésitera pas, en mentant sciemment et en manipulant honteusement les faits, à coller sur le dos de Jean-Marie Le Pen et le Front national l’ignoble profanation du cimetière de Carpentras (en mai 1990). Tous ces gens, Mitterrand compris, défileront en tête d’une manifestation monstre, de la République à la Bastille, devant l’effigie de Le Pen empalée sur une pique.

Voilà donc ce qu’est « la tasse de thé » de François Rebsamen, prétendument éloignée, comme on le voit, des discours de haine et d’exclusion de l’autre…

Bayrou sommé de réagir

Finement psychologue, Le HuffPost note que la saillie de François Rebsamen avait « de quoi vexer (sic) le parti d’extrême droite ». Bien sûr, la réaction de Jordan Bardella n’a pas tardé. Il s’est aussitôt adressé au Premier ministre (sur X), l’exhortant à « rapidement rappeler à son ministre que le respect dû aux 11 millions de Français électeurs du Rassemblement national est l’une de nos principales exigences ». Il ajoute : « L’insulte à leur égard [est] une ligne rouge qu’il vaut mieux ne pas franchir lorsque l’on fait partie d’un gouvernement minoritaire ». À bon entendeur, salut !

Question : François Bayrou a-t-il encore assez de ce vieil attribut du patriarcat qu’on nomme virilité pour recadrer son ministre ? Certes, Michel Barnier l’avait fait avant lui lorsque Antoine Armand, son éphémère ministre de l’Économie, s’était permis d’exclure le RN de « l’arc républicain ».

Pas sûr, cette fois, que Bayrou proteste car, comme le note Le Figaro, Rebsamen n’a fait que reprendre les propos du Premier ministre quand, le 23 décembre dernier, à peine nommé à Matignon, il avait déclaré que le RN « ne respecte pas certaines valeurs ».

Quelles valeurs ?

Depuis le temps que cela dure, comment faut-il le dire : on en a marre ! Marre que, de Bayrou à Rebsamen en passant par Wauquiez et tant d’autres, ces parangons de vertu républicaine dénoncent à longueur de temps ces fameuses « valeurs » qu’ils ne partagent pas avec le RN sans jamais expliquer de quoi ils parlent au juste. Expliquer aussi, au passage, en quoi ce parti est d’« extrême droite », formule valise aussi inepte que celle qui consiste à ranger les dinosaures du socialisme façon Rebsamen dans le camp des « progressistes ». Formules, surtout, qui dispensent d’argumentaire autant que de réflexion car elles sont avant tout « réflexives », c’est-à-dire pavloviennes.

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Ce monsieur dit à haute voix ce que nombre de cette assemblée hétéroclite de ministres pense tout bas, et à chaque gouvernement on y a vu un membre se détacher de la « meute » , ce fût le cas de cet inconnu du grand public Antoine Armand sous le mandat Barnier qui lui s’est fait remonter les bretelles, mais n’oublions pas Mme Pannier Runachet qui n’a pas voulu se salir les mains en saluant ce jeunot du RN lors de la mise en place des postes des présidents de commissions à l’ Assemblée Nationale , sans parler des vitupérations de Dupont Moretti , le parangon de la vertu , et pourtant représentant le ministère de la Justice , et bien sûr Darmanin qui durant son mandat à l’intérieur a sans cesse renvoyé sur le dos du RN les raisons des débordements et insurrections des banlieues et/ou quartiers difficiles , enfin pour finir ce jeune 1er ministre Attal qui n’a pas non plus mâché ses mots pour dénoncer la « lie » que représente le RN . Alors dans ces cas bien démontrés comment voulez vous que M. Rebsamen , un vieux de la vieille caste socialiste, ne se trouve pas la légitimité de dire n’importe quoi, en égratignant non seulement le parti de Jordan Bardella , mais de ses 11 millions de « sous citoyens » , une HONTE ; il est à souhaiter que Bayrou le remette à sa place et à la limite l’évince de son gouvernement.

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