Ils chanteront à l’investiture de Trump : Village People, un destin français…

Capture d'écran X
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Pour fêter l’investiture du prochain président américain, c’est peu de dire que les vedettes du showbiz ne se bousculent pas. La majeure partie de ces dernières ont fait campagne pour la démocrate Kamala Harris ; avec le résultat qu’on sait. Néanmoins, il y a aura Carrie Underwood, l’une des lauréates d’American Idol, un télé crochet américain, et Lee Greenwood, l’une des stars de la country. Illustres inconnus en nos contrées, ces deux artistes sont là-bas des icônes populaires ; l’équivalent d’une Sheila et d’un Michel Sardou, pour aller court.

 

Mais le groupe, sans doute le plus internationalement réputé, n’est autre que Village People, dont le tube Y.M.C.A est devenu l’un des incontournables moments musicaux des meetings trumpesques. Et son histoire mérite qu’on s’y arrête, ce boys band étant une création… française.

Le duo Morali-Belolo

À leur origine, deux producteurs Jacques Morali (1947-1991) et Jacques Belolo (1936-2019). Le premier, ancien vendeur de disques à l’aéroport d’Orly, devient l’un des compositeurs attitrés du Crazy Horse parisien ; le second est producteur chez Polydor avant de fonder son propre label : les Disques Carabine.

Les deux se rencontrent en 1975 et décident d’adapter la chanson Brazil, interprété par la diva Carmen Miranda, afin d’en faire hymne de boîte de nuit. Pour ce faire, ils s’envolent vers les fameux studios Sound Sigma, aux USA, recrutent trois jolies filles à la peau d’ébène, Cheryl Jadks, Cassandra Wooten et Gwendolyn Oliver. Un trio qui devient vite célèbre, sous le nom de The Ritchie Family.

Prendre le train du disco en marche

L’heure est alors au disco, musique qui envahira bientôt la planète avec John Travolta et sa Fièvre du samedi soir, le film de John Badham, tourné deux ans plus tard.

Fait alors inédit pour ces deux Français débarqués outre-Atlantique, des paillettes plein la tête, ils sont immédiatement signés par le label Casablanca, le plus flamboyant du genre, là où les billets verts et la poudre blanche coulent à flots. Love To Love You Baby, de Donna Summer et ses « gémissements orgasmiques », nous rappelle Florent Mazzoleni, dans son remarquable ouvrage, Disco (Flammarion), est emblématique du style Casablanca : batterie entêtante, cascades de violons et chœurs languissants, surtout lorsque produit par l’Italien Giorgio Moroder. Et oui, le disco est aussi européen, tels qu’en témoignent le succès mondial du Français Marc Cerrone et le hold-up commis par les très Anglais Rolling Stones avec Miss You, en 1978, s’aventurant alors en territoire discoïde, au grand dam de leurs fans historiques.

Jouer sur les « stéréotypes du mâle américain »…

C’est dans ce contexte hédoniste que Henri Belolo a l’idée d’un groupe, masculin celui-là : « J’étais à New York avec Jacques Morali. On se baladait dans le quartier de Greenwich Village et on a vu un Indien jouer des cloches dans la rue. Intrigués, on l’a suivi dans un bar où il était serveur et faisait un numéro de disco toutes les vingt minutes. Parmi les clients, était attablé un type avec un chapeau de cowboy. Ce fut un déclic : créer un groupe avec tous les stéréotypes du mâle américain. »  De son côté, toujours à en croire Florent Mazzoleni, « Jacques Morali réalise alors qu’il n’existe aucune formation gay digne de ce nom, en dépit de quelques professions de foi signées Sylvester ou Valentino, dont le I Was Born This Way est l’un des premiers titres dansants ouvertement homosexuels. »

Les auditions commencent donc en début 1977. Et l’auteur de Disco de se souvenir : « Le marin militaire Alexander Briley, l’Indien Felipe Rose, le cowboy Randy Jones, l’ouvrier en bâtiment David “Scar” Holo, le motard Glenn Hughes et le policier Victor Willis, le chanteur principal incarnent un melting-pot gay parfait. » Bien vu, même si certains de ses membres ne l’étaient pas, à l’instar d’un Victor Willis, plusieurs fois marié.

Une homosexualité “à l’ancienne” ?

Mais c’est d’autant mieux vu que l’un de leurs premiers succès, In The Navy, en 1979, bénéficie de l’aide logistique de la marine américaine, qui y voit là une publicité inattendue. Aux esprits taquins viendra peut-être la phrase que l'on a souvent prêtée à celui qui fut premier lord de l'Amirauté, Winston Churchill, à propos de ses compatriotes, soldats des mer : « Rhum, fouet et sodomie »… De même, Village People aura beaucoup fait pour la promotion d’une autre institution américaine, les fameuses YMCA (Young Men’s Christian Association), sortes d’auberges de jeunesse dont, à en croire la chanson éponyme, les relations nocturnes s’y nouant parfois n’étaient pas toujours très… catholiques. Il est vrai qu’alors, aux États-Unis comme en France, les homosexuels étaient plus de l’espèce joyeuse et festive que pleurnicharde et revendicatrice.

En ce sens, il n’est pas fondamentalement illogique que cette institution éminemment française – 80 millions de disques vendus dans le monde, ce n’est pas rien – soit plus encline à fêter la victoire d’un Donald Trump qu’à pleurer la défaite d’une Kamala Harris.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

Un commentaire

  1. Décidemment ,Monsieur Gauthier , vous êtes une encyclopédie vivante de la musique populaire du vingtième et du vingt et unième siècle qui a subie un sérieux coup d’arrêt avec le Covid .
    Votre éclectisme me convient parfaitement parce que je considère qu’il y a de bonnes musiques dans tous les genres .
    Je ne connaissais pas l’origine de ce groupe des villages people sinon qu’il était issu de la communauté gay , qui, à l’époque , était ,comme vous le dites , plus festive que revendicative.
    C’est une sorte de pied de nez de Trump à la bien pensance démocrate et dirigiste d’en avoir fait son hymne de campagne .
    Le disco est efficace pour accompagner les évènements mondiaux comme ce fut le cas à l’occasion de la coupe du monde de 1998 , avec Gloria Gaynor et son « I will survive  » qui a galvanisé les foules ,
    Vous me replongez à une époque d’insouciance , en citant des noms tels que Giorgio Moroder et son égérie Donna Summer , le français Cerrone dont le père était cordonnier, pas loin de chez nous en banlieue sud d’où était issu aussi le couturier Jean Paul Gauthier .
    Je me rappelle qu’à l’époque c’était sous la forme de vinyles longue durée que cette musique a fait ses premiers pas. Le disquaire du centre commercial faisait profiter tout le monde du rythme binaire propre à cette musique .
    Vous parlez de Sylvester qui avait créé « you make me feel  » qui avait fait un carton en boite, repris plus tard par Jimmy somerville , il y avait « à boire et à manger » dans cette musique disco souvent liée à la communauté gay qui ne l’a pas totalement abandonné plus tard avec le musique new wave des années 80 qui a été une sorte de recyclage du disco mais à la mode gay, ce qui a donné de bonnes choses comme Orchestral Manoeuvre in the Dark , Tear for fears ou dépêche mode , pour le disco des années 70 ce fut la même chose , on ne peut nié que les Bee Gees ont marqué les esprits avec « saturday night fever  » , ou le brésilen ,Emir Deodato qui a créé un disco de haute facture .

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