[UNE PROF EN FRANCE] Éducation nationale : la reculade

borne

Vous connaissez la chanson enfantine : « Trois pas en avant, trois pas en arrière, trois pas sur le côté, trois pas de l’autre côté »… C’est l’histoire d’une fermière qui allait au marché : tout en étant en mouvement, elle recule autant qu’elle avance. Comme Élisabeth Borne à l’Éducation nationale : à peine arrivée, déjà, elle recule. On recule, on abandonne, on détricote. On abandonne l’abjecte éducation sexuelle ? Non, bien sûr ; ça, c’est fondamental. On détricote les programmes d’histoire ineptes ? Nooon…

On défait la seule chose qui aurait pu avoir du sens, et qui pouvait laisser entrevoir l’ombre du retour hypothétique d’un début d’exigence, à savoir la revalorisation du brevet des collèges. Cet examen, sans cesse réformé depuis sa création en 1947, aurait dû, à partir de 2025, devenir un viatique ouvrant la porte du lycée. Eh bien, non. Il faut surtout que rien ne change. Et l’on continue gentiment de descendre vers les abîmes.
Pourtant, les sujets du brevet laissent songeur et ne représentent pas une grosse menace. Exemple du sujet d’histoire de l’an dernier. Il s’agissait d’un texte parlant du SNU (et oui, la propagande d’État sévit évidemment dans les sujets ; c’est moins cher qu’une pub à la télé) : « Pour les jeunes accueillis dans les Pyrénées-Orientales, le programme prévoit – outre des activités sportives, randonnée en montagne, balade en raquette – une initiation aux gestes de premiers secours ou l’éducation musicale ou à l’environnement. C’est aussi l’occasion de former aux valeurs patriotiques avec levée des couleurs chaque matin […] Par exemple, un matin, dans le cadre de l’apprentissage des gestes de sécurité, ils vont apprendre à donner l’alerte en cas d’accident de la route ; et l’après-midi, ils vont faire une randonnée. Avec un accompagnateur de montagne, ils seront sensibilisés à la faune et la flore locales ; le 3e jour, la Banque de France les sensibilise aux risques des arnaques en ligne […] » Question : relevez quatre types d’activités organisées lors de ce stage de SNU… Voilà, voilà… En géographie, on leur donne une carte et on leur demande de nommer et placer trois océans. Voilà, voilà… En français, ils gagnent 10 points sur 50 s’ils arrivent à réécrire la phrase suivante en remplaçant « Marguerite » par « elles » : « Marguerite s’était portée volontaire. Elle était à cette époque aussi belle qu’inutile. Son père était un orfèvre fortuné, et elle ne manquait pas de prétendants, tous réformés ou embusqués. Elle rêvait de s’éprendre d’un homme courageux. » Voilà…

Malgré ces sujets d’une grande simplicité, malgré les consignes délirantes de bienveillance que l’on reçoit, malgré les commissions d’harmonisation qui remontent nos notes, on n’arrive qu’à 41 % de réussite aux épreuves. Alors, comment atteint-on les taux de réussite soviétiques dont les médias se gargarisent ? C’est là qu’intervient un élément que Gabriel Attal avait eu la naïveté de remettre en cause, et qui va profiter du rétropédalage ministériel. Quand on mixe les résultats aux épreuves finales et le contrôle continu, grâce au bon travail que nous faisons toute l’année (je signale mon ironie aux lecteurs inattentifs…), nous montons à 70 ou 80 % de réussite. C’est déjà miraculeux… Mais ce n’est pas assez ! Si le directeur veut avoir sa mutation et si le recteur veut sa prime de fin d’année, il faut gagner la course à l’échalote des taux de réussite. Donc, on utilise le « correctif académique », une remontée finale des taux totalement artificielle, sous autorité pure du recteur. Gabriel Attal avait annoncé son interdiction. Fi ! Quelle idée ! En 2024, le recteur de Créteil avait remonté ses taux de 6 points, passant de 82 % à 88 %, celui de Versailles les a augmentés de 5 points, et comme l’éloignement excuse bien des choses, le recteur de Wallis-et-Futuna les a gonflés de 16 points, passant de 75 % à 91 %.

Grâce au repositionnement du gouvernement, on va pouvoir continuer comme avant et nous pouvons attendre, en 2025, des taux défiant toute concurrence, presque alignés sur les taux réels de l’inflation ! Dormez bien, braves gens, faites confiance aux chiffres, là est la vérité.

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Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Ça sert à quoi de noter les épreuves si c’est pour trafiquoter les résultats ? Le BEPC, que j’ai passé en 1965, se déroulait sur trois jours, avec de vraies épreuves et de vraies notes, un vrai exam, quoi ! – NB – à l’époque, trois possibilités après la 7ème (CM2). 1/difficultés d’apprentissage : direction classe du Certificat d’études. 2/élève moyen : examen d’entrée en 6ème (si reçu, direction le lycée, sinon CES ou CET). 3/bon élève : directement le lycée. Et tout ça fichu en l’air… pourquoi ? je me (vous) le demande !

  2. Je me souviens encore de la dictée de mon BEPC passé en 1974 qui comportait le mot « dégingandé » et que j’avoue avoir découvert pour la première ce jour là. Il y eut comme un vent de panique quand un professeur est passé dans la salle pour nous mettre en garde contre ce « piège » qui n’en était pas un.
    Le BEPC était pour la plupart d’entre nous le premier diplôme, on pouvait encore passer son CEP en 4ème.
    Il était nécessaire pour entrer en seconde, même technique, et tout le monde ne l’obtenait pas.
    L’examen, hors contrôle continu, reste encore la sélection la plus équitable et il est bien dommage qu’on feigne de l’ignorer pour complaire aux pédagogues gauchistes.

  3. J’adhère à 1000 % au contenu de votre article … SAUF que l’une de vos dernières phrases me fait me désolidariser du coup de votre « état des lieux » qui est symptomatique de ce qui gangrène l’Education Nationale ! …
    La phrase : « et comme l’éloignement excuse bien des choses, le recteur de Wallis-et-Futuna les a gonflés de 16 points, passant de 75 % à 91 % » … est « déplacée » car ce n’est certainement pas à WALLIS ET FUTUNA que la putréfaction de l’EN est la plus terrible ! …
    Prenez donc votre courage et dites la vérité sur la réalité de la population très hétéroclite des classes de 25 à 30 élèves où cela ressemble plus à des clans qu’à une classe où les enfants sont là pour s’instruire ! …

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