[CINÉMA] Le Quatrième Mur : quand l’idéalisme n’a qu’un temps…

Capture d'écran bande-annonce
Capture d'écran bande-annonce

Le Liban, à l’aube des années 80, peu de temps avant le massacre de Sabra et Chatila. Georges, comédien français au passé militant d’extrême gauche, est envoyé sur place par son ami et metteur en scène Samuel Akounis, qui caresse l’espoir quasi utopique de réunir une équipe de comédiens locaux, tous issus de communautés différentes, afin de leur faire jouer Antigone d’Anouilh. Un projet œcuménique dans lequel l’héroïne sera incarnée par une Palestinienne de confession sunnite, quand Hémon sera joué par un Druze, Créon par un maronite et les autres personnages par des chiites et des catholiques arméniens. L’idée étant de réunir toutes les composantes de la société libanaise et de promouvoir le vivre ensemble…

Les limites de l'œcuménisme

Adapté du roman éponyme écrit par le reporter de guerre Sorj Chalandon, publié en 2013 chez Grasset, Le Quatrième Mur se veut un film non partisan dans lequel aucune communauté n’est laissée de côté ni criminalisée davantage que les autres. La contrepartie, on s’en doute, est que le réalisateur David Oelhoffen ne peut que rester en surface des conflits. Dans l’incapacité d’aborder les raisons profondes des tensions et les griefs de chaque camp, le cinéaste, à l’image du personnage principal, en vient alors à jouer la posture confortable du nivellement et du relativisme. Si bien que sa contextualisation des événements s’avère plus que sommaire.

Partant, il eût été logique et cohérent, pour lui, de concentrer son récit sur les répétitions d’Antigone, sur la troupe de théâtre et sa dynamique de groupe. Étrangement, David Oelhoffen effleure à peine cet aspect des choses et choisit finalement de s’engouffrer dans le mélodrame, pour le plus grand malheur des critiques de gauche qui souhaitaient ardemment la victoire du vivre ensemble (!).

Il faut dire, aussi, que le projet de Georges, depuis le début, s’est heurté à toutes les difficultés : les chiites ne comprennent rien à la pièce, rechignent à figurer le suicide d’Eurydice sous prétexte que c’est contraire à l’islam, et le théâtre se situe pile dans une zone de démarcation où pleuvent les bombes…

Intenable neutralité

Metteur en scène idéaliste, drapé de son humanisme d’intellectuel parisien, Georges voit peu à peu dégénérer la situation politique du pays, devient à son tour acteur des conflits lorsqu’il apprend que ceux qu’il a aimés ont été tués, et abat le « quatrième mur » qui, jusque-là, séparait la scène de théâtre du réel. Incarné par le très bon Laurent Lafitte, pensionnaire de la Comédie-Française, le personnage finira désenchanté, incapable de se tenir à son idéal de neutralité. Vient un moment, nous dit le cinéaste, où l’individu directement concerné ne peut que prendre parti et choisir son camp.

3 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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