[STRICTEMENT PERSONNEL] Drôle de dame ?

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« Première dame », qu’est-ce à dire ? S’agit-il d’un titre officiel qui répondrait à des fonctions déterminées ? En aucune façon. La Constitution et la loi sont muettes à ce sujet, ce qui signifie, au choix, qu’elles ne prévoient et ne stipulent rien, mais aussi bien quelles n’excluent ni n’interdisent rien non plus. Il en serait d’ailleurs de même dans l’hypothèse où, une femme devenant chef de l’État, elle emménagerait à l’Élysée en compagnie d’un « Premier homme » ou d’un « Premier monsieur ». Le cas, jusqu’ici, ne s’est pas présenté.

Peut-on considérer que « Première dame » est un métier ?

Pourquoi pas, mais un métier bien particulier, à plein temps mais à durée limitée, et non susceptible de déboucher sur un CDI, exposé à la curiosité publique, mais avec une titulaire tenue au secret professionnel et fermement invitée à ne pas s’immiscer dans le domaine proprement politique où son conjoint doit rester la seule vedette.
En définitive, la « Première dame », pour reprendre cette terminologie empruntée aux États-Unis et entérinée chez nous par l’usage, joue un rôle bien particulier dans l’organigramme de la République, un rôle flatteur mais ingrat, sous le feu des projecteurs mais dans l’ombre protectrice et envahissante du partenaire qui était le sien avant que celui-ci ne passe, pour cinq ans, un contrat de mariage renouvelable avec la France.
Que demande-t-on, à cette première dame ? D’être s’il se peut représentative de l’élégance, de la culture, de la civilisation françaises et, donc, de tenir son rang. Mais également, et contradictoirement, de rester à sa place, c’est-à-dire de se plier au protocole des photos, des dîners officiels, des visites d’hôpitaux, de crèches, de musées et autres corvées du même genre, inscrites au programme de ses homologues étrangers ou étrangères.

De ce point de vue, aussi bien Anne-Aymone Giscard d’Estaing que Carla Bruni-Sarkozy se sont docilement coulées dans le moule de leur personnage, la première du fait de son éducation soignée et de son caractère réservé, la seconde à la suite du parti qu’elle avait adopté de jouer le jeu et de rompre, irréprochable épouse du chef de l’État, avec les errements d’une jeunesse tumultueuse.
La regrettée « Tante Yvonne », Danielle Mitterrand et bien entendu Bernadette Chirac, chacune à sa manière, dans son style et dans le cadre de ses préférences personnelles, de ses préjugés et de ses choix idéologiques, sans oublier l’état de leur couple, ont exercé en coulisses une influence certaine tout en sauvegardant publiquement les apparences liées à leur statut.
On mentionnera pour mémoire l’épisode Trierweiler-Hollande qui reposait sur un malentendu comme pour compenser son illégitimité sociale, la compagne du Président entendait traiter avec celui-ci d’égal à égal. Ce qui avait été compatible dans leur vie antérieure ne l’était plus là où le dirigeant socialiste était monté. Querelles bruyantes, vaisselle cassée, bref, entré en fonction pratiquement pacsé, Hollande était redevenu officiellement célibataire à la fin de son mandat. Passons...
Claude Pompidou, quant à elle, éprise d’art et de liberté, dut se soumettre à contrecœur aux obligations liées à l’élection de Georges Pompidou et tenta de préserver le jardin secret de leur vie privée. Elle devait constater à ses dépens que le mariage n’est pas seulement une association pour le meilleur mais aussi pour le pire, lorsqu’une officine post-gaulliste confondant haute politique et basse police fabriqua et diffusa des montages photographiques grossiers qui prétendait la représenter, dans le climat trouble de l’affaire Markovic, en pleine partouze. La manœuvre sordide échoua, mais le couple Pompidou en avait été profondément blessé.

Brigitte Macron a découvert elle aussi, tardivement la cruauté de la politique

Intelligente, cultivée, élégante et, ce qui ne gâte rien, plus jeune d’allure que ne l’affirmait sans égard sa carte d’identité, Brigitte Macron a découvert elle aussi, tardivement la cruauté de la politique et paye cher, après l’irrésistible ascension de son Emmanuel, les erreurs, les fautes et l’exceptionnelle impopularité du Président Macron. Il se trouva qu’en même temps qu’elle devenait la Première dame, son passé la rendait vulnérable.

Il est parfaitement exact, et d’autant moins contestable que reconnu et même assumé par les deux intéressés, que, professeur de français, Brigitte avait interprété de façon extensive les contraintes liées à sa profession et donné à son élève favori des leçons qui allaient bien au-delà de ses propres devoirs. Bref, comme chacun sait, l’enseignante, telle l’héroïne du célèbre roman de Colette, Chérie, avait récolté son blé en herbe. Détournement de mineur, différence d’âge dans un sens inhabituel ou belle histoire d’amour, à chacun d’interpréter cet épisode en fonction de son prisme personnel. Les mêmes ingrédients firent l’affaire Russier et sa conclusion tragique. Mourir d’aimer. Quoi qu’il en soit, et même si la chose était de nature à intéresser la Justice, il y a trente ans, les faits sont prescrits. Emmanuel Macron a survécu, indemne à la terrible épreuve de son initiation précoce. Il est aujourd’hui lui-même largement majeur (bien qu’on puisse parfois en douter) et, semble-t-il, régulièrement vacciné. L’exploitation politique de cette histoire insolite a fait long feu. Elle ne relève plus que de la vie privée, elle appartiendra plus tard à la petite Histoire.

Délices et les délires des « réseaux sociaux »

Mais que dire, quelle attitude adopter face aux déferlements quotidiens d’élucubrations qui seraient seulement grotesques si elles n’étaient également, si elles n’étaient surtout, ignobles. Le feuilleton abracadabrant qui fait les choux gras, les délices et les délires des « réseaux sociaux » est révélateur des sommets ou plutôt des abîmes que peut atteindre la crédulité lorsqu’elle est nourrie par la passion et par la haine. Oui, le Président Macron – je le rappelais ici même, la semaine dernière – restera sans doute dans la mémoire collective le Président le plus néfaste, le plus désastreux que nous ayons subi depuis 1958. Et j’ajouterai, précision nécessaire devant le tribunal de l’opinion, que je ne suis ni parent ni ami du couple présidentiel.
De là à admettre, comme le font certains, ou à envisager seulement que les parents de Brigitte Trogneux, que son premier mari, que les trois enfants qu’elle a mis au monde, que les médecins et les soignants qui l’ont accouchée, que ses amis, ses collègues, ses élèves, tous auteurs et complices, coupables et capables depuis 70 ans de faire passer pour une femme un homme avec lequel – suivez mon regard - vivrait le chef de l’État...

Les ignominies que charrient nos « réseaux sociaux » ne salissent et ne déshonorent que les malades mentaux, les cinglés, les pervers ou les tireurs de ficelle qui remplissent et déversent matin et soir leur tombereau d’immondices sur le perron de l’Élysée.
Au fait, ce n’est pas drôle, d’être la Première dame.

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Vous avez raison, les réseaux sociaux charrient en ce moment des torrents de boue concernant la personne de Brigitte Macron . Des choses tellement ubuesques et outrées que c’en est parfaitement Toutefois, Mme Macron gagnerait en popularité ( face à l’impopularité de son mari), à rester dans l’ombre et à ne pas vouloir à tout prix le défendre comme s’il était un gosse harcelé . Elle gagnerait aussi à ne pas laisser filtrer des propos selon lesquels le peuple français ne le mérite pas Même s’il est vrai que nous ne méritons pas une engeance pareille . Et pour finir , quand vous dites qu’Emmanuel Macron est sorti «  indemne »  de son idylle précoce avec son prof … laissez moi en douter .

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