Pour D. Trump, notre langue est « la plus élégante et la plus belle »

Capture d'écran YT France 24
Capture d'écran YT France 24

Lors de la rencontre à Washington entre Donald Trump et Emmanuel Macron, une phrase prononcée par le nouveau président des États-Unis n'a pas suffisamment été relevée par les médias. C'est quand le premier, interrompant le second, qui répondait en français à la question d'un journaliste, s'est exclamé : « C’est la plus belle langue. Je n’ai aucune idée de ce qu’il a dit, mais c’est la langue la plus élégante et la plus belle. »

Faut-il y voir un éloge de la langue de Molière, qui l'emporte sur beaucoup d'autres par sa mélodie, sa justesse et sa subtilité ? Sans doute - et ce n'est pas un ancien professeur de lettres qui vous dira le contraire. Ce président, souvent présenté comme grossier, est peut-être plus raffiné et cultivé qu'on ne le pense. Mais, en la circonstance, dans le contexte d'une rencontre principalement consacrée à l'avenir de l'Ukraine et non à la littérature, j'y verrais plutôt une version édulcorée de l'expression ironique et familière « Cause toujours, tu m'intéresses ». Autrement dit, Macron peut dire tout ce qu'il veut, Trump ne l'écoute guère.

On était déjà habitué, depuis leur première rencontre en 2017, aux blagues de potaches, avec d'énergiques poignées de main, tapotages dans le dos ou sur les genoux, embrassades à qui mieux mieux. Mais, cette fois, alors qu'ils évoquaient des sujets sérieux, cette familiarité surjouée entre les deux hommes ressemblait beaucoup au jeu du chat et de la souris. Pas besoin de vous dire qui, dans cette histoire, est le chat et qui est la souris. Il fallait voir Macron essayant de faire bonne contenance, riant jaune et singeant le chat pour faire croire qu'il était son égal.

Donald Trump connaît bien son homme. Il sait comment Macron est capable de dire une chose et son contraire, selon ses interlocuteurs. Hier, le Président français n'excluait pas l'envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien pour apporter une contribution à la guerre. Aujourd'hui, il annonce que l'Europe pourrait y envoyer des militaires pour garantir la paix. Les sourires forcés de Macron soulignaient autant son malaise que les regards de Trump, quand il tentait de le contredire, soulignaient son agacement.

Un Président qu'on prendra au sérieux et avec lequel Trump n'aura pas envie de badiner

Le chat s'amuse avec la souris. Il sait qu'il est le plus fort. Comme il le faisait quand il était animateur de télé-réalité, il suscite le rire de son public. Il raconte ainsi comment, à la fin d'un dîner à la tour Eiffel, avec leurs épouses respectives, Macron s'était adressé aux journalistes en français : « Il n’y avait pas d’interprète, et il parlait, il parlait, et moi je hochais seulement la tête. Le lendemain, j’ai lu les journaux et j’ai réalisé : "Ce n’est pas ce que nous avons dit" ». Et d'ajouter : « C'est un futé, je vous le dis ! » Manière de le complimenter ou de faire comprendre qu'il n'est pas fiable et que, sur la scène internationale, il compte pour du beurre ?

Tout cela serait amusant si Macron n'était pas président de la France et si cette humiliation ne rejaillissait pas sur les Français. Imaginez-vous un tel entretien entre de Gaulle et Kennedy ou Johnson, ou entre Pompidou et Nixon ? Les temps ont changé, direz-vous, mais pas pour le meilleur. Trump aime bien Macron, non parce qu'il est le Président influent d'une puissance qui compte dans le monde, mais parce que c'est un petit garnement qui a oublié de grandir, un pantin vaniteux avec qui il peut jouer.

Plus que jamais, il est temps, pour les Français, d'avoir un vrai Président - ou une Présidente - dont la voix comptera en Europe et dans le monde. Un Président qui ne se laissera pas marcher sur les pieds par un dictateur algérien, un Président qui sera fier de son pays et défendra ses intérêts, un Président qui ne fera pas le matamore sur TikTok, un Président qu'on prendra au sérieux et avec lequel un Trump n'aura pas envie de badiner.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Il nous reste notre langue et
    notre patrimoine , en particulier nos cathedrales, reflet du génie français
    Nous avons perdu notre savoir vivre,notre élégance, la courtoisie, notre insolence qui nous a permis de conquérir les mers, l’esprit français.
    Nous devrions nous soumettre a l’esprit du monde , il m’est impossible de me soumettre au formatage (a la globalisation)

  2. Je ne voudrais pas contredire mon Président, mais j’ai l’impression qu’il s’est montré plus diplomate que véridique en l’occurrence ; parce-que le margouillis qu’on entend de nos jours en guise de Français parlé, et la version désormais phonétique du Français écrit n’ont plus qu’un lointain rapport avec la langue française telle qu’elle était pratiquée et enseignée il y a encore une cinquantaine d’années.

  3. Voici ce que disait Jean Cau dans “croquis de mémoire” au sujet de la langue française (p136, Julliard) : “Ma langue, allons et que j’en crie l’aveu et en délivre le secret, c’est ma femme. Ma belle, ma garce, ma douce, ma cruelle, ma perverse, ma folle et ma très-sage. On s’aime. On se noue et se dénoue, on se roule dans le lit des pages blanches que nos étreintes souillent d’encre ». Le Président Trump semble mieux comprendre l’essence riche, sensuelle, et pleine de nuances démultipliées de cette langue que notre Résident de la ripoublique, qui, dans son amour pour l’anglais décadent dit « globish », n’en a toujours pas compris les arcanes sensibles. Enfin, pour une fois, à l’étranger, peut-être grâce à l’influence du président américain, et du poids de l’actualité, fut-il contraint de s’exprimer en français. Ça a du lui écorcher la bouche ? mais sont-ce bien ses mots ? J’en doute !

  4. « Trump aime bien Macron, non parce qu’il est le Président influent d’une puissance qui compte dans le monde, mais parce que c’est un petit garnement qui a oublié de grandir, un pantin vaniteux avec qui il peut jouer. » très juste ! excellent !

    • ‘Aimer’ Macron’? Oh que non! On ne peut pas aimer ce qu’on dédaigne, surtout en matière de politique. Il prendrait plutôt en pitié le peuple français soumis à ce pitoyable politicien – mais comme tous les chefs d’Etat, il est forcé d’accueillir aimablement les leaders du moment, même s’il ne leur aurait jamais serré la main en tant que particulier – quitte les renvoyer bredouilles.

  5. Notre langue mériterait d’être sur la plus haute marche du podium pour sa précision, sa beauté et sa grandeur. Elle fut jadis la langue diplomatique par excellence. Est-ce faux de dire qu’elle est difficile à maîtriser et que le petit président à l’Elysée ne la favorise pas quand il préfère faire ses discours en anglais devant la Commission Européenne. Pourquoi ? Parce qu’il ne comprend la France et que son histoire lui est étrangère. Ça les Français l’on bien compris. Et merci à Monsieur Kerlouan pour cette fine analyse.

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