OQTF : le recteur de la grande mosquée de Paris joue la victimisation

« Accuser… l’oubli et l’ingratitude » : tel est le titre du dernier billet de Chems-Eddine Hafiz, recteur de la grande mosquée de Paris, qui s’insurge, dans une sorte de énième « J’accuse » revisité, contre « ces flots de fiel déversés sur ce que l’on nomme, avec une commode désinvolture, l’immigration algérienne ».
« Le spectre de l’immigration algérienne sur le bûcher médiatique »
Pourtant, contrairement, à ce qu’affirme le recteur de façon grandiloquente (« Le spectre de l’immigration algérienne est de retour sur le bûcher médiatique »), on n’a pas entendu de la part des responsables politiques, qu’ils soient au pouvoir (Retailleau, bien sûr) ou dans l’opposition (Le Pen, évidemment), le moindre discours qui réduirait l’immigration algérienne à une horde de criminels et de délinquants. D’ailleurs, une question : en quoi, serait-ce une « commode désinvolture » que de nommer un phénomène qui est une réalité historique, économique, sociologique, démographique ? Passons. Et donc, Chems-Eddine Hafiz affirme que depuis « des semaines », il voit « se dresser l’accusation, non pas sur un fait, non pas sur une étude sérieuse, mais sur le prisme étroit et tordu d’un échantillon choisi : celui des OQTF, des expulsés, des visages que l’on exhibe comme des trophées de l’échec et du désordre », jetant un voile pudique sur un fait bien réel, le dernier en date : l’attentat de Mulhouse commis par un ressortissant algérien sous OQTF, attentat qu’il avait pourtant condamné.
Les faits sont là
« Prisme étroit » peut-être, mais qui pointe, non pas « un fait » mais, en fait, une multitude de faits. Pas plus tard que ce lundi 3 mars, Bruno Retailleau ne déclarait-il pas qu’il allait présenter à l’Algérie une liste de plusieurs centaines de ressortissants algériens aux profils dangereux. Et, pratiquement au moment même où le recteur publiait son billet, un autre Algérien, sous OQTF, connu pour de nombreux faits de violences, était renvoyé par l’Algérie en France après que cette dernière l’avait expulsé. D’autres faits ? Les chiffres du ministère de l’Intérieur, d’ailleurs relayés par le journal algérien en ligne TSA, en février dernier, dans un article titré « OQTF : les Algériens en tête des étrangers expulsés de France ». Il est vrai, comme le souligne TSA, que selon le « dernier rapport sur l’immigration publié par le ministère de l’Intérieur en France… ce sont les Algériens qui détiennent le plus de titres de séjour ». Des faits, rien que des faits, toujours des faits : en 2022, le taux global d’exécution des OQTF n’était que de 6,4 % et tombait à… 0,9 % pour celles visant des Algériens. Donc, si pointer du doigt les problèmes, appuyer là où ça fait mal, c’est non pas amalgamer mais stigmatiser, alors, effectivement, il y a de quoi !
« Pourquoi la loupe ne zoome-t-elle que sur l'ombre ? »
Stigmatiser ou, tout du moins, pointer du doigt, le recteur de la grande mosquée de Paris n’hésite pas à le faire en dénonçant « ces politiciens en quête de suffrages, ces tribuns démagogues qui ont trouvé dans l’immigration leur unique fonds de commerce », ajoutant : « J’accuse ces journalistes, mercenaires du sensationnalisme »… Il ne nomme personne, mais on a bien compris l’idée, lorsqu’on connaît l’inquiétude de M. Hafiz face à « la montée de l’extrême droite ».
Alors, le recteur de la grande mosquée pose une question : « Pourquoi, quand il s’agit d’immigration algérienne, la loupe ne zoome que sur l’ombre ? », évoquant à juste titre les parcours remarquables de plusieurs Français d’origine algérienne, comme Mehdi Chouiten et Ryad Boulanouar, qui « révolutionnent la finance et les nouvelles technologies » ? Tout simplement parce que, derrière cette « ombre », il y a souvent des crimes abjects, et que la fonction première d’un État digne de ce nom est justement de « zoomer » sur ce qui ne va pas afin que de tels crimes ne puissent plus être commis.
En fait, sous couvert de victimisation de la population d’origine algérienne, on aura compris, volontairement ou involontairement, que Chems-Eddine Hafiz vient au secours d’Alger dans son bras de fer avec la France. Un régime qu’il se garde bien, du reste, de critiquer. D'ailleurs, un « J'accuse le régime du FLN de détenir dans ses geôles Boualem Sansal » eût été magnifique. Mais on écoutera ou réécoutera avec intérêt sa position sur ce sujet, le 25 janvier dernier, à l'antenne de BFM TV.
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Un commentaire
Est-il français ou est-il l’ambassadeur de l’algérie ? Sans doute l’ambassadeur, puisque le titulaire reste au chaud chez lui, il fait trop froid en France !