Trente ans de prison pour avoir tenté d’égorger un homme devant un commissariat

La Justice a prononcé une peine ferme mais a refusé de reconnaître à Anthony le statut de victime du terrorisme.
© Google Maps
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« Une page s'est tournée. » La cour d’assises du Val-d’Oise a tranché : il n’y aura pas de requalification des faits. Ce vendredi 7 mars, le verdict est tombé : Ullah S., un Pakistanais de 29 ans qui avait tenté d’égorger Anthony C. devant le commissariat de Sarcelles (Val-d'Oise) en 2020, est condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour tentative d’assassinat, dont 20 ans incompressible, et à une interdiction de territoire. Il dispose de dix jours pour faire appel. La partie civile, qui plaidait pour une reconnaissance du caractère terroriste de l’agression, a été déboutée. Mais Anthony, contacté par BV, salue tout de même une « très belle peine, la plus grosse après la perpétuité ». « Je ne vous cache pas que l'avocate générale avait demandé la perpétuité et que j'aurais aimé qu'il l'ait », nous dit-il, tout en se disant soulagé.

Agressé à la feuille de boucher

Ce procès, Anthony l’attendait avec l’espoir de se voir reconnaître comme une victime du terrorisme islamiste. « Tous les éléments sont là, tout le monde est au fond d’accord pour dire qu’il s’agit d’une attaque terroriste », nous explique-t-il, la veille du verdict, sans grand espoir de voir la requalification des faits acceptée par la cour. Cette reconnaissance, que la Justice lui a finalement refusée, n’était pas seulement importante pour lui mais également « pour toutes les victimes, et futures victimes, du terrorisme en France ». Pour comprendre les motivations de cette revendication, il faut remonter au 25 septembre 2020.

Ce jour-là, la France apprend avec un effroi qu’un individu, ressortissant pakistanais, a tenté de tuer au hachoir deux personnes présentes devant les locaux de Charlie Hebdo pour « venger le prophète ». Une attaque qui intervient alors que le Pakistan mène une sérieuse campagne contre la France après la republication des caricatures dans le journal satirique. Le soir même, Anthony se rend au commissariat de Sarcelles pour déposer plainte contre un client qui pose problème dans l’un de ses restaurants. Alors qu’il patiente devant les grilles du commissariat, un homme s’approche de lui et brandit une feuille de boucher, longue de 17,5 centimètres. « Il a crié "Allah akbar" et m’a frappé au niveau de l’oreille gauche et de la carotide », raconte Anthony, qui se souvient précisément des faits. Grâce à un geste réflexe, il parvient à désarmer son assaillant avant de s’effondrer. Rapidement pris en charge et opéré, le jeune homme s’en sort miraculeusement. Son agresseur, quant à lui, s’est volatilisé dans la nature, laissant derrière lui son arme, son poncho et une bouteille. Un an plus tard, au hasard d’une interpellation pour une rixe à la Courneuve, l’assaillant est retrouvé par les forces d’ordre - à nouveau, il crie « Allah akbar » et brandit un cutter - et confondu par son ADN.

« Il a changé ma vie à tout jamais »

Depuis, le Pakistanais plaide l’amnésie. Sur l’islam, il se dit croyant mais peu pratiquant. À la question « Était-il au courant de l’attaque menée devant les locaux de Charlie Hebdo ? », il répond par l’affirmative et déclare : « Je sais ce que sont les caricatures et ils ont eu tort de faire ça. » Et à l’enquêteur qui lui demande « Peut-on tuer pour ces caricatures ? », il rétorque : « Je ne sais pas ce que Dieu ou le prophète a pu ordonner. » Après avoir répété, lors de l’enquête, qu’il ne se souvenait de rien, il a pendant le procès choisi de garder le silence. « J’aurais aimé qu’il assume, qu’il donne des réponses. Mais il a un comportement de lâche. Le premier jour, il nous a regardés dans les yeux mais après, il fixait le sol et ne répondait pas aux questions », se désole Anthony.

Face à lui, Anthony, désormais marqué dans sa chair par cette attaque, veut lui montrer qu’il n’a « pas gâché [s]a vie ». « Mais il a changé ma vie à tout jamais, souffle le jeune homme, désormais atteint d’une paralysie faciale. Je ne peux plus tourner ma tête comme je le veux, j’ai une hypersensibilité sur mes cicatrices… » À cela s’ajoutent une peur et une hypervigilance qui ne le quittent plus. « Par exemple, quand j’ai appris pour l’attentat de Mulhouse, ça m'a replongé dans mes idées noires. Je m’identifie forcément… »

Mais malgré le contexte de republication des caricatures, malgré l’attaque terroriste menée le même jour à Paris, malgré le mode opératoire, malgré le profil de l’assaillant et malgré le cri « Allah akbar », le parquet national antiterroriste a décliné sa compétence sur ce dossier, affirmant que les actes d’Ullah S. « ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». La défense abonde auprès du Figaro : « Son geste n’a aucune imprégnation terroriste. Il s’agit d’un instant de folie à l’ampleur non maîtrisée. » Pour Anthony, cette absence de reconnaissance est avant tout « politique ». « Les autorités ne voulaient pas d'un deuxième attentat le même jour », explique-t-il. Et il ajoute : « Il m’a sûrement pris pour un policier devant un commissariat. Si un policier avait été agressé, l’affaire aurait été traitée différemment et aurait été immédiatement qualifiée de terrorisme. » « Même si tout le monde était d'accord, le président de la cour nous a expliqué que c'était impossible, puisque la composition de la cour [cour d'assises et non cour spéciale, NDLR] ne le permet pas », rapporte Anthony. Le jeune homme n’entend tout de même pas baisser les bras : « Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de requalification que je vais me taire… » À noter que l'assaillant de l'attaque au hachoir devant les locaux de Charlie Hebdo a également été condamné à 30 ans de prison par la cour d’assises spéciale des mineurs de Paris en janvier.

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Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Que vaut une interdiction de territoire dans un pays ouvert aux quatre vents. Courage à ce jeune homme qui reste marqué à jamais par l’impéritie de nos gouvernants élus par des français qui refusent de voir le danger lié au laxisme de ces derniers.

  2. Puisque l’assaillant a été condamné, cela veut dire que pendant les vingt ans de prison incompressibles, il va être financièrement à la charge de la collectivité. Alors, forcément, pour ne pas alourdir la dette publique, on n’allait pas reconnu à l’autre partie le statut de victime du terrorisme : sinon, il aurait fallu l’indemniser.

  3. Dans peu de temps on nous dira que ce pakistanais est fou et irresponsable de ses actes, qu’il entend des voix et qui ne voulait que tout simplement venger le prophète.

  4. Ben voyons, ce criminel barbare est un pakistanais, pas un Français ! L’Etat devrait être reconnu coupable de meurtre dans chaque crime effectué par une personne sous OQT et même par un clandestin. Comme l’Etat n’aura pas fait son boulot, il est normal qu’il soit poursuivi pour meurtre car il est bien plus évident que c’est l’Etat qui est coupable de meurtre pour n’avoir accompli les missions dont il est responsable. Comment peut-on mettre en examen pour meurtre un policier devait réagir dans la seconde face à un refus d’obtempérer, face à un délinquant ayant déjà comparu plus d’une dizaine de fois devant la justice alors qu’il est encore mineur et ne pas mettre en examen pour meurtre un Etat qui laisse des délinquants barbares, connus de la justice, qui n’ont plus rien à faire sur le territoire français, ces barbares qui n’hésitent pas à violer, tuer, égorger, etc., des victimes innocentes ?

  5. Il y a une trentaine d’années un reportage TV montrait « l’éducation » des enfants pakistanais d’environ 6 ou 7 ans dans une madrasa, c’est à dire une école coranique. L’apprentissage, si tant est que l’on puisse utiliser ce terme, consistait à répéter pendant des heures les mêmes versets du coran en secouant rapidement la tête d’avant en arrière et vice versa. Mal de mer assuré, mais surtout bourrage de crâne garanti. Le reportage n’indiquait pas quels étaient les versets qui avaient été choisis. Mais il est vrai que les appels au meurtre, à la mise en esclavage et autres joyeusetés abondent dans ce fichu bouquin. J’imagine que ces enfants sont aujourd’hui ceux que l’on retrouve aujourd’hui dans nos rues, qui commettent des attentats, avant de finir leur triste existence dans nos prisons. Si tant est que nos juges fassent leur boulot ce dont je doute.

  6. Manifestement pour les juges, crier « Allah ouakba »et affirmer « venger le prophète » », ne suffit pas.
    Peut-être finalement que l’individu suspect voulait simplement faire une coupe de cheveux à Anthony. Comment son avocat n’a-t-il pas pensé à ce système de défense ! avec une bonne plaidoirie et un juge compréhensif l’assaillant s’en tirait sans une seule égratignure (façon de parler…)

  7. Terrorisme ou pas , une peine qui me semble normale .
    Au Pakistan la justice aurait appliquée la charia .
    La peine de mort l’attendait .
    Pour avoir vécu aux émirats arabes unis.
    Effectivement, je me sens plus en sécurité a Dubaï qu’a Paris

  8. Vaut-il mieux pour Anthony qu’il soit vivant et que son agresseur soit condamné à 30 ans pour tentative de meurtre, ou mort et que son agresseur soit qualifié de terroriste. Soyons plutôt aux côtés de Anthony et aidons le à mener une vie normale malgré le traumatisme qu’il a vécu.

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