[UNE PROF EN FRANCE] Entre société du mensonge et école de la propagande

Avez-vous suivi l'affaire de ce professeur d'histoire accusé par une députée LR de faire de la propagande en cours ? C'était à Mennecy. La députée, comme les médias, ont livré en pâture le nom du professeur, mais aussi le nom du lycée et celui de la famille qui avait écrit au rectorat.

Quand une élève réagit à la propagande d'un prof

Rappel de l'affaire. Un jeune professeur, tout juste titulaire et faisant un remplacement dans un lycée de l'Essonne, veut faire réfléchir ses élèves de seconde, en cours d'enseignement moral et civique (EMC), à la notion d'État de droit. Elle diffuse une vidéo d'un streamer (je ne sais pas exactement comment l'on désigne ces gens, en bon français), Clément Viktorovitch, qui déclare dans son « décryptage » que Bruno Retailleau est « le ministre le plus dangereux de la V^e République » et « un fasciste ». On ne sait pas, évidemment, ce que le professeur a dit en classe lors de la diffusion de cette vidéo. Mais une élève a réagi à la fin du cours en disant au professeur qu'elle était gênée par le fait que cette dernière exprime selon elle ses opinions politiques, et ses parents ont ensuite écrit à ce sujet au rectorat. Les professeurs ont immédiatement débrayé au nom de la liberté pédagogique et soutenu leur collègue.

Soutien d'un élu LFI au prof

Le soutien massif reçu par cette jeune femme, tant par les parents d'élèves de la FCPE que par l'adjoint au maire LFI de la commune, nous indique de façon suffisamment claire l'orientation probable des propos tenus. Si ce professeur avait marqué son soutien à Bruno Retailleau et à la politique qu'il tente de mettre en place, ce soutien aurait-il été aussi marqué ? Il est remarquable, en revanche, que pour une fois, des parents aient eu le courage de réagir face à la propagande réelle que subissent, à longueur d'année, les élèves lors des cours d'histoire et d'EMC, mais aussi de français et de langues. Cela prouve que les lignes bougent.

Vindicte publique

On peut être surpris que le personnel politique se soit saisi de l'affaire avec aussi peu de discrétion, de respect et de retenue. Livrer ainsi en pâture, offrir à la vindicte publique qui se déchaîne si facilement sur les réseaux sociaux, le nom de cette courageuse famille et celui du professeur mis en cause – immédiatement blanchi par l'institution – est totalement irresponsable, à l'heure actuelle. Mais ils doivent savoir que ceux qui pourraient être indisposés par le positionnement de ce professeur ne sont pas de ceux qui décapitent, poignardent ou défigurent à l'acide. Le professeur n'a pas grand-chose à craindre. Mais l'élève et sa famille ? Leur nom n'a pas été « bipé » et ce sont eux qui, selon moi, sont livrés aux lions, punis pour leur vigilance républicaine et leur souci de voir leur enfant prémunie contre le formatage idéologique pratiqué à longueur de temps par l'institution scolaire, ses professeurs et ses manuels.

Le choix de la vidéo diffusée aux élèves est parlant

Je vous laisse découvrir le travail de Clément Viktorovitch, expert médiatico-proclamé en rhétorique politique. Sa carrière a été particulièrement rapide et brillante, étant donné que, tout jeune diplômé de l'université – sans classe préparatoire et sans grande école –, il est tout de suite promu chargé de cours à l'ESSEC, l'année même de sa thèse, puis à l'ENA, puis à Sciences Po. Chroniqueur sur de nombreux plateaux de télévision, de L'Heure des pros à Quotidien, il est l'un de ces intellectuels médiatiques qui ne peuvent pas nous manipuler car ils disent le Vrai avec un regard neutre d'expert, qui sont là pour nous « éclairer » de leur savoir, pour nous « éveiller », pour accroître notre « lucidité », pour reprendre les termes dont sont farcis les commentaires de ses vidéos Twitch ou YouTube, qui cumulent des centaines de milliers de vues. Les titres de ces vidéos ? « Comment CNews manipule l'opinion », « Musk : des années à cajoler les fascistes », « Tuto : reconnaître les fascistes », « L'Internationale fasciste » (avec, en illustration, les visages d'Alice Cordier et de Bruno Retailleau)...

Société du mensonge, école de la propagande, média de la délation : le jugement de l'Histoire sur notre époque sera sûrement terrible.

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