Morts indignes pendant le confinement : les familles ne décolèrent pas !

C’était il y a cinq ans, mais ils ne s'en remettent pas.
@Ömer Faruk Yıldız-Unsplash
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C’était il y a cinq ans. À chacun son confinement. Pour certains, ce fut une parenthèse enchantée familiale, à la campagne, à une époque de l’année où l’on n’y est jamais, une sorte de Lundi au soleil qui a duré plusieurs mois. D’autres rient encore de l’usine à gaz administrative, fille monstrueuse de Kafka et de Courteline qui aurait eu, en sus, Raymond Devos pour baby-sitter, pondue pour l’occasion : de l’auto-attestation au café debout en passant par la plage dynamique. Pour d’autres, les conséquences furent sévères, notamment, les Français plus âgés, qu’ils aient été quasi séquestrés en EHPAD ou que la solitude et l’interdiction de sortie prolongées les aient lentement fait glisser. Il en est, enfin, qui ne s’en remettent pas, bien qu’ils ne soient pas des vieillards : ceux qui ont perdu un proche et ont eu l’impression - c’est le mot qui revient dans leur bouche - de l’avoir « enterré comme un chien ».

Culpabilité

Des milliers de personnes sont concernées et les témoignages sont nombreux. Je peux en citer quelques-uns, que j’ai pu interroger : Karine et Sylvie ont perdu leur père. Pour tout au revoir, un petit signe dans l’ambulance. Elles ne l’ont jamais revu, il n’a même pas été habillé avec les vêtements qu’elles avaient apportés ; même le temps, au cimetière, en comité réduit, était compté : un quart d’heure. C’est le maximum que les pompes funèbres pouvaient accorder.

Inès a perdu sa fille de 16 ans, atteinte d’un cancer du cerveau. On ne voulait pas les laisser au chevet de leur fille pour ses dernières heures. À force de tempêter, ils ont obtenu que l’un d’entre eux reste. Puis, comme l’autre refusait de partir, ils sont demeurés tous les deux, confinés jusqu’au décès de leur fille dans la chambre de celle-ci, avec interdiction de profiter des chambres d’accompagnants et de leurs douches ou de plateaux-repas. Mais ils s’estiment quand même chanceux, car sur le trottoir, en bas du service de soins palliatifs, des familles pleuraient, que l’on empêchait de monter tenir la main au mourant. La vraie mort dans l’indignité, elle est là. En revanche, leurs enfants n’ont pas eu le droit de venir dire au revoir à leur grande sœur. Et cinq ans après, les conséquences psychologiques sont lourdes.

Le plus terrible est le sentiment de culpabilité : tous disent qu’ils regrettent d'avoir été si bien élevés, si dociles. Mais il ne faut pas tout inverser. Les coupables sont bien les responsables, n’en déplaise à certains ministres de jadis et à leurs décisions inhumaines.

En décembre, 2023, un homme a réussi à faire condamner l’État pour faute lourde : en 2020, alors qu’il avait toutes les attestations et autorisations possibles, il avait été verbalisé à l’entrée du viaduc de l’île de Ré et empêché d’aller rejoindre à l’hôpital son père, qui était mort trois jours plus tard sans l’avoir revu : « Ils m’ont volé mon père et je n’y suis pour rien ! Avec ce jugement, le sentiment de culpabilité s’en va. Je ne suis pas responsable. […] De là-haut, j’espère qu’il est content. »

Responsables et coupables

Nos gouvernants si prompts à battre leur coulpe sur la poitrine de leurs aïeuls, à faire repentance pour les siècles passés, n’ont fait aucun mea culpa. Pas d’inventaire des décisions ni de la gestion. Emmanuel Macron disait que c’était la guerre, et le quoi qu’il en coûte n’était, dans sa tête, pas qu’économique : il fallait TOUT sacrifier, y compris les rites funéraires les plus sacrés. Bien sûr, qu’ils avaient le choix, et que cette surenchère sanitaire hystérique n’était pas une fatalité ! Cette brutalité était le fruit d’une subjectivité. La preuve ? Quand il s’est agi, en juin 2020, des manifs contre les violences policières et le racisme, pour George Floyd et Adama Traoré, Christophe Castaner a jugé, en l’espèce, que « l’émotion [dépassait] les règles juridiques » et qu’il fallait donc fermer miséricordieusement les yeux.

« Ils ne l’emporteront pas au paradis », aurait dit ma grand-mère, qui a eu la chance de mourir bien avant la crise du Covid-19. Et on peut rajouter que l’Histoire les jugera. En attendant, Karine est vent debout contre ce projet d’une cérémonie collective pour « rattraper le coup ». Hors de question, pour elle, de donner une occasion de parader à ceux qui ont tout provoqué.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Comment avons-nous pu nous laisser embobiner ainsi ? la peur sans doute ; et aussi, la confiance en l’état qui disait compenser les pertes financières de tout le monde, donc on reste chez soi et on est payé quand même. Les pays voisins n’ont pas fait comme cela et s’en sont mieux sortis. J’ai eu la chance de ne perdre personne durant ce conflit, mais les témoignages vus hier sur Cnews sont poignants. Bravo à ceux qui ont eu le courage de « ne pas subir » ce que l’administration a imposé aux famille lors des décès. Je pense qu’on ne nous y reprendra pas une seconde fois. En tous cas, cela en dit long sur la nature humaine.

  2. Période incroyable ! de l’hystérie gouvernementale où la bêtise s’est illustrée à un niveau jusque là inconnu. Cette période restera marquée par la méchanceté crasse de ministres, médecins qui ont hanté les plateaux télé. Celà a commencé par des mensonges, et aujourd’hui sur d’autres sujets ça recommence. Décidément qu’on en finisse vite avec la macronie!

  3. la peur a permis à macron d’exister d’avoir la main mise sur les français, de voir qu’il pourrait toujours gouverner par la peur, et c’est ce qu’il fait actuellement avec la guerre. Avant la covid la France pensait avoir le meilleur système de santé du monde, comme elle était convaincue d’avoir la meilleure armée du monde en 1940. Et puis, sous nos yeux, tout s’est effondré à une vitesse inimaginable. macron a très vite comparé cette épidémie à une guerre. Cela pouvait sembler habile, afin de mobiliser la nation entière contre le terrible ennemi et bis répétita il nous refait le même coup avec l’ukraine J’espère que cette fois ci il n’en tirera pas parti et ça se retournera contre lui Espérons que l’heure des comptes, ensuite, sera de mise. Elle sera radicale et sans concessions.

    Parce qu’il faudra juger jusqu’au dernier tous ceux qui auront été responsables du fait qu’en 2020, en France, on ne puisse plus même enterrer dignement ses morts

  4. En effet, nous n’oublions pas l’excès de zèle, et l’inhumanité de certaines forces de l’ordre et du monde médical, je suis outrée qu’aucun ministre de l’époque, notamment Veran, n’ait pas été poursuivi par un tribunal ni devant la CEDH, qui aurait été pour une fois bien utile

  5. J’avais presque oublié cette période tragique pour beaucoup. Nous sommes à la campagne, donc n’avons pas vécu un confinement difficile, mais j’ai surtout eu la chance de perdre mes parents il y a peu, dans des circonstances plus normales. Je n’ose imaginer ma révolte si j’avais été confrontée à une telle situation. J’ai cessé depuis longtemps d’être victime de ma bonne éducation, maintenant je la ramène et je n’obéis plus sans une bonne explication … et encore !

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