
À la veille du Forum VIVA, qui se tiendra à Paris les 22 et 23 mars, initiative portée par 17 associations afin de réfléchir et proposer des initiatives positives sur les thèmes des fragilités, de la vie, et de la famille, Pascale Morinière s’insurge contre la vision woke des nouveaux rapports sociaux qui s’oppose à cette cellule de base de la société. Médecin et présidente de la Confédération nationale des associations familiales catholiques, elle publie La Famille au cœur (Cerf) et appelle à une meilleure reconnaissance de ce qui reste une valeur refuge. En témoigne ce sondage IFOP pour le Forum VIVA, qui sera commenté par Jérôme Fourquet en ouverture de ces journées et qui montre très clairement que, même à l’heure du « No Kid », la famille « demeure la brique élémentaire des solidarités ».
Iris Bridier. La famille est la grande absente de nos politiques économiques. Et pourtant, elle joue un rôle majeur dans le bien-être de la société. Comment l’expliquez-vous ?
Pascale Morinière. La famille est en effet le premier amortisseur social. Les Français, sondage après sondage, affirment se tourner majoritairement vers leur famille en cas de coup dur, bien avant leurs amis. Et les tentatives pour contourner la famille, qu’il s’agisse des expériences collectivistes ou sectaires, ont toutes été des échecs. De fait, il n’y a pas mieux que la famille, malgré ses imperfections, pour prendre soin de chacun. Notre système social fondé, lui, sur la solidarité entre les générations a besoin d’une natalité dynamique, qu’il s’agisse des retraites, de l’assurance maladie ou du financement de la dépendance. On a cru ce système indéfiniment pérenne. Malheureusement, ce n’est plus le cas puisque nous sommes en-dessous du seuil de renouvellement des générations depuis cinquante ans. La politique familiale généreuse, mise en place à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, est désormais perçue comme une charge pour les finances publiques sans que les politiques ne parviennent à comprendre qu’il s’agit bien plutôt d’un investissement pour l’avenir de notre pays. La famille semble être un choix privé qui ne concernerait pas la société. L’effondrement de la natalité joue le rôle d’accélérateur dans la prise de conscience du lien intime entre solidité et dynamisme familial et bonne santé de la société. Je constate, néanmoins, que le ministère de Catherine Vautrin commence à se préoccuper de la natalité et cherche à mettre en place des mesures de politique familiale pour y remédier.
I. B. La famille n’est pas seulement négligée, elle est attaquée, on lui reproche ses « déterminismes aliénants ». Et pourtant, on se souvient d’elle quand elle dysfonctionne…
P. M. En mai dernier, une journaliste de France Inter opposait à Marion Maréchal que « la famille, cellule de base de la société », était une vision pétainiste ! Elle est encore plus ignorée qu’attaquée : sur l’ensemble des déclarations politiques de tous les groupes parlementaires de l’Assemblée, en juillet dernier, un seul citait le mot famille ; il s’agissait, malheureusement, d’évoquer la « famille politique » !
L’idéal envahissant de « l’autonomie » qui pousse chacun à être son propre inventeur dans une vision woke des rapports sociaux s’oppose directement à ce qu’est la famille. La succession des générations rappelle ce que l’on doit aux plus âgés qui nous ont mis au monde, élevés, et nous ont transmis un héritage culturel et matériel. La famille est un lacis de liens d’interdépendance où chacun est confié aux autres et prend soin de ses proches. Nul n’y est son propre inventeur ! Fustiger la famille comme une vision aliénante et dépassée du monde cherche à contribuer à une société d’individus autonomes. C’est surtout une société de la déliaison et de la solitude.
I. B. La fragilité des liens conjugaux est la première cause d’appauvrissement des foyers. On oublie souvent le coût du divorce pour la société. Une politique palliative suffit-elle ?
P. M. Cinquante ans après la loi sur le divorce par consentement mutuel, il y a, chaque année, pour deux couples qui se marient, un couple qui divorce. Désormais, 25 % des enfants mineurs vivent dans des foyers monoparentaux, attestant de la labilité croissante des liens conjugaux. L’absolu de la liberté individuelle à se prendre et se déprendre entraîne des souffrances psychiques, sociales, éducatives et économiques sans frein. L’État devrait reconnaître la valeur des foyers stables pour la société tout entière en différenciant plus nettement les différents régimes conjugaux : mariage, PACS et concubinage. Il devrait aussi développer une politique préventive avec une préparation à la conjugalité incluant une information sur les droits et les devoirs de chaque régime et une initiation à la résolution non violente des conflits. Enfin, les AFC proposent que les séances de conseil conjugal soient remboursées par les CAF pour faciliter le recours à une relation d’aide en cas de difficulté relationnelle.
I. B. Vous expliquez, dans votre livre, qu’il serait moins onéreux de financer des congés parentaux que de payer des places en crèche. Ne craignez-vous pas de vous attirer les foudres des féministes, qui y verraient une aliénation de la femme par sa maternité ?
P. M. Il faut écouter les demandes des familles et non celles de groupes minoritaires idéologisés ! Lorsqu’on interroge les Français - ce que nous avons fait avec l’IFOP, en juillet 2023 -, la moitié des foyers qui ont renoncé à avoir un enfant ou un enfant de plus auraient fait un choix différent si la mère (ou le père) avait pu prendre un congé parental. Le prix de revient d’une place de crèche est d’environ 16.000 euros par an pour la collectivité. Ce montant est à rapprocher de celui de la PreParE [prestation partagée de l'éducation de l'enfant, NDLR], qui indemnise les mères (à 99 %) qui prennent un congé parental et qui est de 448,43 euros, soit près de 5.400 euros par an. La faiblesse de ce montant ne permet pas aux foyers de la classe moyenne de prendre des congés parentaux. Même en indemnisant correctement ces congés à un peu plus de 1.000 euros par mois pour que les couples puissent effectivement les prendre, le coût pour la société serait toujours bien moindre que celui d’une place de crèche. Cela répondrait aux aspirations des parents et resterait le meilleur mode de garde pour le développement des tout-petits, ainsi que le rapport sur les 1.000 premiers jours l’avait souligné.
I. B. De nombreuses personnalités politiques et économiques présentent l'immigration comme la solution à une démographie en berne. Quel est votre avis ?
P. M. Si notre démographie continue d’augmenter depuis 1974 alors que nous n’avons plus jamais atteint le seuil de renouvellement des générations de 2,1 enfants par femme depuis cette date, c’est en raison de l’immigration. À noter qu’en 2024, pour la première fois depuis la guerre, la population française a diminué, en métropole. Néanmoins, le seuil d’acceptabilité et d’intégration de l’immigration semble atteint, en France, dans de nombreux territoires. On sait, aussi, que la fécondité des populations immigrées tend à s’aligner, au bout d’une génération, avec la population d’origine. Ce n’est donc une solution ni souhaitable ni de long terme.
I. B. Quelle serait, selon vous, une politique familiale vertueuse ?
P. M. Il s’agirait, tout d’abord, de faire un diagnostic précis des besoins actuels des familles pour leur permettre de se constituer, d’accueillir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent et de durer. Il ne suffit pas de promouvoir des mesures, encore faut-il qu’elles soient adéquates. Chaque pays, de par son histoire et sa culture, a des besoins différents en matière de politique familiale.
La meilleure des politiques familiales est de pouvoir faire vivre sa famille grâce aux fruits de son travail. Une politique qui vise le plein emploi et des salaires décents est donc indispensable. Une politique du logement est également essentielle afin que les familles puissent se loger correctement. Un enfant n’est pas un choix privé, il est une richesse pour la société tout entière. Les familles devraient être aidées pour que le choix d’accueillir un enfant soit compensé par des mesures fiscales (quotient familial) qui en tiennent compte et des mesures d’aide (allocations) suffisantes. Enfin, les congés parentaux doivent pouvoir être répartis librement entre le père et la mère sans que l’État n'interfère.
Le couple est la pierre angulaire de la famille. Nous souhaiterions donc que la prévention des ruptures conjugales devienne partie intégrante de la politique familiale.

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12 commentaires
Le couple est la pierre angulaire de la famille , la famille est la pierre angulaire de la société , les mondialistes veulent la mort de notre nation , ils ont donc décidé de détruire le noyau familial . CQFD
No kids; bien sûr, en 2 générations 0, ya plus d’humains sur terre. Heureusement, l’instinct des femmes les appellent à la maternité tôt ou tard. Et l’instinct des mâles est de les combler. Je crois que ça dure depuis loooooongtemps comme ça.
Très bien.bravo
Ne faudrait-il pas plutôt dire :
« Un enfant n’est pas « qu’un » choix privé, mais une richesse pour toute la société » ?
Car, il me semble que, d’avoir un enfant pour un couple c’est d’abord et avant tout « un désir de construire une famille, c’est un « choix » d’une autre vie à trois ou plus, « une richesse pour « la » famille » d’abord !
Quand à « une richesse pour toute la société », ça devrait être évident, mais alors c’est dans un monde moins égoïste, moins woke.
Je suis presque choqué par le raccourci « enfant lié à la société », ça a une résonance de « la patrie a besoin de vos enfants pour… »
Il faudrait relancer la natalité, il le faudrait mais qui veut mettre au monde des enfants dans ce pays de fous. Condamner des enfants à vivre dans un pays de drogués, un pays woke, un pays ou des dirigeants expliquent qu’il faut donner les clés du pays aux Africains, un pays ou le l’apprentissage du néant tient lieu d’instruction, un pays dominé par l’idéologie de gauche.
Comment un tel ouvrage n’est-il pas censuré par nos « chers intellectuels gauchos » ?
Les animaux ont l’instinct de se reproduire. Un instinct et une nécessité. L’Homme a perdu cet instinct pas seulement en France. Aucune mesure financière ne lui rendra cette nécessité de se reproduire. C’est un phénomène que vous devriez analyser pour le comprendre. Cela va bien au-delà du divorce et autres mesures societales qui ont répondu aux demandes et évolution de la société humaine. L’Humanité met la clé sous la porte : les civilisations sont mortelles disait Paul Valéry. Ça commence par la non reproduction de l’espèce.
La famille, vision pétainiste (sic) eh, bien oui, je suis pour la famille, je défends même le travail et ma patrie la France, je suis donc une « pétainiste » n’en déplaise à certains, j’assume mes valeurs !
L’état du monde actuel et l’impossibilité de se projeter dans un avenir heureux sont des freins au choix de faire des enfants
Toutes les espérés vivantes ne se reproduisent volontiers que lorsque les conditions de vie le permettent , c’est à cela autrefois qu’on mesurait la richesse d’un pays, le nombre des habitants était un gage de réussIte. Ce qui se passe actuellement est signifIcatIf. Pus de protection des biens et des personnes, aucune stabilité dans les familles et jusqu’au climat l’incertitude l’inquiétude et la solitude ne poussent pas à faire subir à nos enfants un mode de vie de plus en plus incertain. Mettre un enfant au monde dans un pays où on ne se sent pas bien dans une famille qui peut éclater à chaque instant avec des moyens financiers toujours menacés pour avoir une vie devenue de plus en plus difficile ….est irresponsable.
Comme beaucoup,je deplore le déficit de natalité dans notre pays..attribuer ce phénomène aux manque d’aides ou de » politique de natalite » n’est pas satisfaisant ..beaucoup de jeunes qui s’aiment et capables de réflexion,doutent de l’environnement qui s’offrira à leur éventuelle progeniture et préfèrent s’abstenir..
« …que le choix d’accueillir un enfant soit compensé par des mesures fiscales (Quotient familial) … »
Merci Madame Martine AUBRY, à qui l’on doit le plafonnement du quotient familial, l’abandon de l’Allocation de garde d’enfants à domicile, et le licenciement inévitable de Prudence, notre gentille nounou (1); l’argent publique n’avait semble-t-il pas vocation à « aider les rupins à se payer des bonniches »…sic un cacique du PS de l’époque)
Et l’on s’étonne encore du « no kid » syndrome…
J’ai moi même eu 4 enfants de deux lits (approchant ce faisant le fatidique ratio de 2.6 enfants par couple), et je n’ai que trois petites enfants, le ratio familial tombant en une génération à 1.4…cherchez l’erreur!
(1) Que nos enfants adorait, et qui a finalement gagné plus en pointant au chômage, et coûté ce faisant plus cher à la collectivité en