667 millions de dollars : l’amende qui pourrait couler Greenpeace

Trump et Poutine n’y sont pour rien, même si, sans doute, cette décision d’un tribunal du Dakota du Nord n’est pas pour leur déplaire. À la veille du printemps, après trois semaines d’audience et deux jours de délibéré, le jury de cet État du Midwest américain (capitale Bismarck) a rendu son verdict : la condamnation de Greenpeace à une amende de 667 millions de dollars au profit de l’entreprise pétrolière Energy Transfer LP.
Au cœur du litige, l’oléoduc Dakota Express, construit et exploité par le géant texan du pétrole.
Soutien concret aux activistes
Le Point, qui consacre un long article à ce dossier, rappelle que le litige dure depuis le début du projet, en 2014. Long de 1.886 km, « le serpent noir » achemine l’or noir depuis les champs pétrolifères du Dakota du Nord (à la frontière canadienne du Saskatchewan et du Manitoba) jusqu’en Illinois, aux portes de Chicago. Chemin faisant, il traverse la réserve Sioux de Standing Rock, et ces natives ont été les premiers à s’inquiéter de possibles atteintes à la qualité de l’eau et à l’intégrité de leurs sites sacrés.
En 2016, ils ont été rejoints par des activistes forcenés qui ne sont pas sans rappeler ceux de Sainte-Soline, soit « des milliers de water protectors qui camperont pendant des mois près du chantier, multipliant les actes de vandalisme et les manifestations monstres », écrit Le Point. Des faits que ne nie pas le site Reporterre, reconnaissant « des affrontements violents avec des forces de sécurité publiques et privées » entraînant l'arrestation de plusieurs centaines de personnes. Trois ans de ZAD plus tard, « après le rejet d'une première action en justice, Energy Transfer dépose plainte contre Greenpeace, accusée d'avoir orchestré une campagne illégale de désinformation et d'avoir encouragé des actes de vandalisme, d'intrusion sur propriété privée et de violence, causant des pertes financières estimées entre 265 et 340 millions de dollars à la compagnie », écrit Le Point.
Du côté de Reporterre, on dénonce une atteinte aux libertés de manifester : « Cela va avoir des conséquences importantes pour l’avenir des manifestations pacifiques, que ce soit pour l’environnement et le climat ou d’autres questions liées à la démocratie », dit Sushma Raman, la directrice par intérim de Greenpeace USA. Encore faut-il s'entendre sur la définition du pacifisme...
La liste est longue, des chefs d’accusation retenus contre les différentes antennes de Greenpeace : violation de propriété, diffamation, atteintes aux biens, ingérence délictuelle dans les relations d’affaires et conspiration pour Greenpeace USA ; diffamation et ingérence dans les affaires pour Greenpeace Fund et Greenpeace International, également condamné pour conspiration. L’ONG avait ainsi publié une lettre ouverte, cosignée par plus de 500 organisations, pour exhorter les banques à ne plus financer le projet.
Quant à la liste des mensonges et accusations diverses, c'est un véritable inventaire à la Prévert… On veut donc bien croire, étant donné le montant de l’amende et les répercussions sur la réputation de Greenpeace, que l’organisation soit menacée dans son existence même.
Entre « procédures-baîllons »...
On nous dit que la riposte s’organise. Greenpeace a décidé de faire appel et, prenant en quelque sorte les devants, « a déposé une contre-attaque en février 2025 devant un tribunal néerlandais, invoquant la directive anti-SLAPP de l'Union européenne pour dénoncer les "poursuites abusives" d'Energy Transfer », rappelle Le Point. En effet, si 35 États américains ont des lois contre les procédures-baîllons, ce n'est pas le cas du Dakota du Nord, et Sushma Raman dénonce auprès de Reporterre les procédures dites de strategic lawsuit against public participation (plaintes en justice stratégiques contre la participation du public) destinées à faire taire la critique.
Il y a un an, tout juste, en mars 2024, un communiqué de presse de l’UE nous avisait que le Conseil venait d’adopter « une législation visant à protéger les personnes qui s’expriment sur des questions d’intérêt public contre les poursuites abusives visant à les réduire au silence ». Il s’agit de protéger « les personnes visées par des "poursuites stratégiques altérant le débat public" (procédures-bâillons), généralement les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme », lesquels bénéficieront désormais « d’un certain nombre de mesures et garanties procédurales ».
Si Greenpeace tente de rapatrier l’affaire, c’est parce qu’il est mentionné que « ces mesures et garanties s’appliqueront aux demandes en justice manifestement infondées ou aux procédures judiciaires abusives dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière », écrit l'UE, dans son communiqué de presse. Enfin, il est précisé que « les États membres doivent mettre en place des règles permettant aux associations, organisations et syndicats de soutenir le défendeur ou de fournir des informations dans le cadre de la procédure ».
... et recours abusifs
L’affaire Greenpeace, au retentissement international, apporte un éclairage sur un mouvement qui se dessine, visant à en finir avec les recours abusifs contre les permis de construire. Le 14 novembre dernier, le tribunal administratif de Montreuil, appliquant l’article L. 600-7 du Code de l'urbanisme, a ainsi condamné des voisins pour un recours abusif contre un permis de construire. Une décision qui pourrait faire jurisprudence… On apprend qu’à Lyon, une copropriété qui s’élevait contre le rachat, par un promoteur, d’une maison ancienne et de son parc pour y construire un bâtiment d’habitation en vis-à-vis de leur immeuble vient non seulement d’être déboutée de sa demande, mais est maintenant poursuivie par le promoteur qui réclame des dommages et intérêts ainsi que le paiement du surcoût foncier, le prix du mètre carré constructible ayant considérablement augmenté dans ce quartier, le temps qu’a duré la procédure.
Il va falloir maintenant y réfléchir à deux fois avant d’entamer recours et procédures…

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5 commentaires
J’ai quand même du mal à comprendre comment un tribunal européen pourrait accepter de juger une affaire américano-américaine…
Au pire, les USA vont s’asseoir sur le jugement européen. Et les compte de Greenpeace seront fermés !
Le gouverneur républicain du Dakota du Nord a interdit l’avortement dans son état en 2023 avant qu’un juge, probablement un politisé du même acabit que les nôtres, n’annule cette interdiction un an plus tard. Bon… En tous cas, cet état m’a l’air bien sympathique.
Bref ! Encore une histoire de gros Sioux ! :)
Et Comanche !
Si seulement green peace pouvait être condamné on en serait enfin débarrasser . Partout ou ils passent ils laissent des quantités de déchets sans aucun scrupule , ils sont parfois violents et leurs actions ne sont pas toujours justes , ces écolos sont une plaie .