Guilia Sarkozy : une fillette de 13 ans se fait lyncher sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux devraient être interdits, par les parents et par la loi, aux enfants de cet âge. 
PHILIPPE WOJAZER POOL AFP
PHILIPPE WOJAZER POOL AFP

Dans notre pays supposé civilisé, censé avoir fait du harcèlement des écoliers une cause prioritaire, une fillette (célèbre) se fait lyncher dans l'indifférence générale. Il faut cesser de relayer la vidéo de Giulia Sarkozy. Répondant à un internaute qui lui demande, sur TikTok, « Toujours en prison, ton père ? », elle prend, enflammée et maladroite, la défense de son papa comme le ferait toute petite fille de 13 ans. Elle s'attire aussitôt un tombereau d’injures, de quolibets, de propos orduriers. Aucun enfant de cet âge, même apparemment « culotté » et plein d'aplomb, n’est évidemment en mesure d’encaisser psychologiquement un choc si violent.

L'anti-Mazarine Pingeot

Comment ne pas s’interroger sur ces adultes anonymes qui lui tombent dessus, bien planqués derrière leurs pseudos, ces médias qui relaient complaisamment la vidéo et ces parents qui laissent à leur fille la bride sur le cou ?

Carla Bruni confiait, le 26 février dernier, dans Paris Match, ne pas du tout être « inquiète pour ses enfants » (elle a aussi un fils de 23 ans, Aurélien, de Raphaël Enthoven).

Elle explique : « Je les protège, je les adore et c’est tout. » Elle « leur enseigne peu de choses. » En effet, ses « enfants [lui] apprennent beaucoup, eux, car ils sont infiniment plus cultivés [qu’elle] ». Et de conclure par cette réflexion baroque : « Ils ont un accès infini à l’encyclopédie grâce à Internet qui leur permet de se renseigner sur tout. » Si un accès Internet suffisait à rendre universitaire, cela se saurait. Internet, dans la prime adolescence, est au contraire un outil de déculturation massif - notamment TikTok, dont sa fille semble si friande depuis quelques mois -, tant par le temps qu’il fait perdre que par les contenus ineptes que proposent, ou qu’imposent, ses algorithmes. Une autre fille d’ancien Président, Mazarine Pingeot, est normalienne et docteur en philosophie. Son enfance à elle a été soigneusement préservée, gardée dans le secret, à l’abri des paparazzis, en un temps où les réseaux sociaux étaient, en sus, inexistants. Ceci explique sans doute cela.

Pauvre petite fille riche

Pauvre petite fille riche, comme dit la chanson. Bourdieu a réussi son coup. Les héritiers d’hier sont devenus les déshérités d’aujourd’hui. Plus exposés parce qu’enfants de célébrités, ils ne sont pas pour autant protégés. L’interdit d’interdire a colonisé tous les cerveaux parentaux, de haut en bas de la société. Tenir son enfant de 13 ans à l’écart de la fange de la Toile, ne pas lui donner de téléphone connecté, point d’entrée du harcèlement, de la pornographie, etc., semble insurmontable.

Nous autres Français jugeons impossible de brider nos enfants dans ce domaine. Nous avons conscience que les réseaux sociaux peuvent leur nuire de mille façons mais pensons devoir nous y résigner. Donner un téléphone sans connexion Internet - qui rend au téléphone sa vocation première, celle de téléphoner - plutôt qu’un smartphone à nos collégiens ? Et pourquoi pas, non plus, les habiller en culotte courte ou en jupe plissée avec des socquettes ? Vous ne voudriez pas les faire vivre comme dans les années 50 ? Seuls les Australiens, qui empêchent d’ouvrir un compte sur les réseaux sociaux avant l’âge de 16 ans, et les Chinois semblent avoir compris que la maîtrise du progrès s’apparente à celle d’un animal fougueux, lancé à pleine vitesse : pour le mettre à son service, il faut savoir le freiner et l’encadrer. Dire que la Chine, qui a inventé TikTok, en restreint l’usage à ses enfants quand nous autres sommes assez toc toc pour laisser nos enfants l’adopter sans restriction ! En 2019, un sondage commandé par l’entreprise Lego à Harris Poll a révélé que plus de la moitié des enfants chinois voulaient devenir astronautes, quand un tiers des jeunes Occidentaux se voyaient… youtubeur. Pas certain que les résultats s’inversent, dans un proche avenir.

Oui, dans notre pays civilisé, nous devrions convenir de laisser les enfants, quels qu’ils soient, vivre comme des enfants. Cela devrait entrer dans la déontologie de la presse, dans le cerveau des internautes et celui des parents.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

56 commentaires

  1. Quand la “justice” veut retrouver des harceleurs anonymes, elle peut le faire, et en condamner quelques uns pour l’exemple. Elle a retrouvé des auteurs de commentaires ou des relayeurs sur des affaires moins graves, et leur a collé des amendes fortes …

  2. Quand la « justice » veut retrouver des harceleurs anomymes, elle peut le faire, et en condamner quelques uns pour l’exemple. Elle a retrouvé des auteurs de commentaires ou des relayeurs sur des affaires moins graves, et leur a collé des amendes fortes …

  3. Je penserais plutôt que les insultes étaient orientées vers le père et ne pouvant accéder à sa seigneurie, se sont tournés vers sa progéniture d’où l’intérêt de mettre un contrôle parental sur l’ordinateur et ne pas donner de smartphone à des écervelé(e)s.

  4. A treize ans, elle n’est plus tout à fait une enfant. Il n’empêche, l’injure n’est pas un argument et treize ans n’est pas non plus tout à fait l’âge adulte…reste la révolte, puissant moteur de construction, même si « maman » Carla n’en use que de façon convenue et, somme toute désincarnée…Nous nous sommes, « boomers », parfois construits selon le fallacieux principe du soi-disant « conflit de génération » : l’âge venant, nous avons pris du grade et…de la maturité, notamment contre certains « insoumis » qui en sont sacrément dépourvus, comme ils le sont d’ailleurs souvent de…réel argument…leur préférant souvent l’étiquette facile et sans danger pour eux-mêmes. Courage à Giulia !

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