Aphatie : idiot utile de Tebboune ?

En France, Jean-Michel Aphatie ne risque pas dix ans de prison, comme Boualem Sansal en Algérie.
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« Ton conciliant », « signe d’apaisement », « volonté de calmer le jeu » : que n’a-t-on pas lu, au sujet de l’interview du très patelin président Tebboune ? Mais, comme l’écrivait, hier Julien Tellier, « cette rhétorique apaisante cache mal une réalité : tant que des figures comme Sansal croupissent en prison, la normalisation franco-algérienne restera un vœu pieux… » Effectivement, Tebboune, sous son air bonhomme, a l’art et la manière d’enrober de miel ses flèches empoisonnées à l’endroit de la France et, qui plus est, de s’immiscer, l’air de ne pas y toucher, dans nos débats nationaux, avec un mépris qui mériterait que l’ambassadeur d’Algérie soit convoqué par notre ministre des Affaires étrangères : « Pour ne pas tomber dans le brouhaha ni le capharnaüm politique là-bas [en France], je dirais seulement trois mots : nous, on garde comme unique point de repère le Président Macron », a osé déclarer le chef de l’État algérien. Mais, ici [le « là-bas » de Tebboune, c’est-à-dire chez nous !], ça passe crème, comme les cornes de gazelle après un bon couscous.

Sous les douceurs orientales, le fiel

Autre flèche empoisonnée lancée à notre pays, l’éloge de Jean-Michel Aphatie fait par le même Tebboune. Aphatie ? « Grand journaliste, Jean-Michel Aphatie est un très grand journaliste », lance Tebboune. N'en jetez plus, la coupe est pleine ! Le sujet n’est pas de savoir si Aphatie est ou pas un très grand journaliste (tout se discute, mais, qu’on aime ou qu’on n'aime pas ce polémiste, son talent est indiscutable), le sujet est que cette distribution de douceurs orientales n’est faite que pour critiquer la France, de la manière la plus fielleuse qui soit. La France, un pays qui pratiquerait la « censure » au sujet de la guerre d’Algérie. C’est dit clairement par la journaliste qui interroge le président algérien. « Le documentaire intitulé Algérie section armes spéciales, qui revient sur un pan encore méconnu de notre guerre de libération nationale, a été déprogrammé par France Télévisions. Une nouvelle censure qui concerne cette guerre, M. le Président. Pourquoi la France perpétue son déni de la réalité historique ? » On imagine que cette question si bien tournée n’était ni télécommandée, ni téléguidée, on est bien d’accord.

« Aphatie, un très grand journaliste »

De quoi s’agit-il ? D'un documentaire sur l’emploi d’armes chimiques par la France durant la guerre d’Algérie, programmé initialement le 16 mars, mais déprogrammé, a expliqué France 5, pour coller à l’actualité internationale du moment (relations russo-américaines) avec la diffusion du film Opération Trump : Les espions russes à la conquête de l’Amérique. Le documentaire sur l’Algérie, a précisé France 5, sera diffusé ultérieurement. On peut faire confiance à France 5, le sujet ne devant pas faire l’apologie de la colonisation française ! Mais cette déprogrammation, quelles qu'en soient les raisons, devient immédiatement de la « censure », du côté algérien. Les mots ont un sens : la censure, cela implique une intervention étatique. On imagine que cela se saurait déjà : là aussi, on peut faire confiance à France 5.

Mais le président Tebboune rebondit sur cette « censure ». Pourquoi, ce « déni », demande la journaliste ? Au fait - ouvrons une parenthèse -, y aura-t-il, un jour, un journaliste algérien courageux - ou suicidaire - pour évoquer le « déni » du pouvoir FLN au sujet des atrocités commises par le FLN en Algérie ? Fermons la parenthèse. Donc, pourquoi, donc ? M. Tebboune répond : « La question de la mémoire : on ne refait pas l’Histoire. » Et plus loin : « Ça renvoie à la liberté d’expression… Quand on interdit un film, lorsqu’un journaliste, grand journaliste – Jean-Michel Aphatie est un très grand journaliste – dit la vérité, c’est comme la chanson "Il a dit la vérité, il faut qu’il soit fusillé. Les dreyfusards sont encore là-bas"… » Allusion, évidemment, à la suspension d'antenne du journaliste après ses propos, comparant la conquête de l'Algérie aux exactions des nazis en France durant la Seconde Guerre mondiale.

On est bien d’accord : ces propos, qui érigent Aphatie en une sorte de nouvel Émile Zola – pourquoi pas ! -, sont tenus par le chef d’un État qui détient dans ses geôles un écrivain qui a eu le malheur d’écrire ce qu’il pensait, de dire, sinon la vérité, sa vérité. « Là-bas » (en Algérie), Boualem Sansal risque dix ans de prison. Ici (en France), que l'on sache, pas Aphatie. À ce niveau de cynisme, on est désarmé. Alors, Jean-Michel Aphatie, idiot utile d’Abdelmadjid Tebboune ?

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

49 commentaires

  1. De coup d’Etat, en coup d’ Etat, ils s’assassinent entre eux, ou se jettent en prison, depuis Ben Bella en 1968, après 7 ans de prison, son ex Vice Président Boumedienne, auteur du coup d’Etat,, nous le renvoie en exil en France, et même en france, ils faisaient assassiner leur avocat, personne n’a jamais rien dit alors pourquoi devront ils changer de méthodes, aujourd’hui avec leur opposant Boualem Sansal .

  2. Ou deux individus complices , non crédibles ,le Jean-Michel pratique la repentance en mentant et tenant des propos passibles de cours martial du style des nombreux Oradour réalisés par les français , ce qui est archi faux ,même s’il n’y a pas eu que des jeux d’enfants de chœur et cœur de part et d’autres , Le Tebboune en profite et en brode tout ce qu’il peut et je ne voudrai surtout pas être son confesseur , bref ces personnages manient le mensonge , le dédain , l’irrespect face à deux populations qui avaient construit un pays qui exportait une zone devenue saine ,productrice ,le tout saccagé par des analphabètes jaloux revanchards intégristes , et maintenant que fait-on ? d’autant que nous n’avons plus d’hommes ou femmes d’Etat tant ils sont trouillards ,mous , fourbes et peut- être aussi corrompus ,rien n’est affirmé ,mais tout peut être possible

  3. La notoriété, aussi bien personnelle que professionnelle, de ce monsieur Aphatie ne s’en remettra pas. Il doit d’ailleurs s’en moquer éperdument tant il est à l’aise dans la vie. Il n’empêche, tomber aussi bas en fin de carrière, cela doit faire très mal quelque part.

  4. J’ai vécu en France dans ma jeunesse toutes les perturbations causées par ce qu’on appelait alors « Les événements d’Algérie » . Les chars devant l’Assemblée nationale, le putsch raté de Challe et Zeller. Heureusement les accords de 1962 ont permis de souffler quelques dizaines d’années et d’oublier l’Algérie dans un développement économique sans précédent.
    Mais l’Histoire hante la France. Je ne crois pas que Macron ait bien compris comment fonctionne les algériens et d’une manière générale, les africains. D’ailleurs, il ne parle désormais que de l’Europe, où il semble plus à l’aise.

  5. « qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce polémiste, son talent est indiscutable »
    Satan aussi a du talent puisqu’il arrive à faire croire à sa non-existence.
    Quant à la guerre chimique qu’aurait menée la république en Algérie les photos de personnes en combinaison permettent de voir un symbole atomique et non bactériologique, cliché sans aucun doute réalisé lors des essais atomiques dans le Sahara. J’avais deux beaux-frères Pieds-Noirs ; ils n’ont jamais parlé de ça. Pourtant avec la tchatche les nouvelles allaient très vite !

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