À 20.000 c’était un succès, à 40.000 un très gros succès. Et à moins de 10.000, c’est quoi ?

foulard rouge

Ils étaient censés représenter la majorité silencieuse et manifester en masse à Paris, ce dimanche, de la place de la Nation à la Bastille, pour « exiger l'arrêt des violences et de la haine, le respect de la liberté de la presse et le retour à l'état de droit », comme on peut le lire sur le site du mouvement des foulards rouges. Ils répètent que ce n'est pas une manifestation pro-Macron ni anti-gilets jaunes : c'est une action « apolitique » qui a pour objectif de défendre « la démocratie et les institutions ». Ils assurent que « les gilets jaunes, ce n'est pas le peuple » et qu'ils vont le montrer. Apparemment, la majorité silencieuse n'est pas très nombreuse.

« Si on est 20.000, ce sera un succès, 40.000 un très gros succès », avait lancé un des organisateurs. D'autres s'étaient montrés plus prudents : il y aurait eu des « menaces », dit l'un, des gens ont « peur de venir », dit l'autre. Et puis, il pourrait y avoir des affrontements avec des contre-manifestants. Sans compter la pluie, qui se met de la partie ! Au départ de la marche, ils ne sont que quelques centaines, selon l'estimation d'un journaliste de BFM TV : « Ce n'est pas vraiment massif », commente-t-il. À l'arrivée, ils seraient quelques milliers, d'après un journaliste AFP. Nouvelle version de la multiplication des pains ! Généralement, on a des chiffres plus précis.

La majorité LREM est embarrassée. Son patron, Stanilas Guerini, a déclaré que le parti « n'appellera[it] pas à manifester le 27 janvier mais redoublera[it] d'efforts pour assurer la réussite du débat ». Certains parlementaires ont annoncé qu'ils y participeraient, mais sans leur écharpe d'élu, en tant que simples « citoyens ». Effectivement, il y en a au moins un, François Patriat, sénateur ex-socialiste, qui assure, au micro de BFM TV, qu'il a vu plusieurs collègues de son groupe et quelques députés. Un journaliste du Monde confirme : une quinzaine de députés et cinq sénateurs de La République en marche seraient présents.
 
Il est pour le moins paradoxal de prétendre que ce mouvement est « apolitique ». La marche avait initialement été organisée en soutien au président de la République. Certains participants ont beau dire qu'ils ne soutiennent pas Emmanuel Macron mais « la fonction de président », force est de constater que plusieurs des organisateurs ont des liens avec la Macronie. L'un d'eux justifie qu'il ne roule pas pour le pouvoir par ce propos, rapporté par la presse : « Nous avons adressé des invitations à tous les parlementaires de France, sauf ceux de La France insoumise et du Rassemblement national. »

Drôle de façon de concevoir l'union des Français. Tout comme les insultes qui sont lancées par des foulards rouges contre une poignée de gilets jaunes, présents sur les marches de l'Opéra de la Bastille, qui crient « Macron démission ! »

Défendre l'ordre et les institutions n'est pas une fin en soi. Encore faut-il que cet ordre soit juste et que les institutions permettent à tous les courants politiques de s'exprimer. Si la crise des gilets jaunes permettait d'en prendre conscience et d'en tirer les conséquences, on ferait un grand pas en avant.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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