À Bath, faire un vœu par carte bleue ? Anglais et touristes se rebiffent !

© Bgag Wikipedia
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Certaines nouvelles, a priori anodines, en disent long sur l’évolution de nos sociétés. Ainsi, à Bath, aimable ville anglaise, sise dans le comté de Somerset et connue de par le monde pour ses thermes romains, vient-on d’interdire aux visiteurs de jeter de la menue monnaie dans les piscines, tel qu’il était coutume de le faire, afin que leurs vœux du moment soient exaucés.

À cette décision, plusieurs raisons. La première ? Ce jet ininterrompu de piécettes et leur récupération régulière endommageraient ces bains multicentenaires. La seconde ? La disparition progressive des espèces et la généralisation des cartes de crédit. Bienvenue dans le monde connecté, dans lequel il est désormais possible, comme à Bath, de verser son obole sur des bornes de paiement sans contact.

La technique avant le romantique

On imagine la scène d’ici. Un couple d’amoureux se rend en ce haut lieu de la sensualité gréco-latine de jadis pour s’y baigner de concert. Discrètement, la demoiselle jette une pièce dans l’eau, histoire que l’idylle se concrétise à l’église, couronne de fleurs d’oranger ou pas. Son damoiseau caresse le même rêve, en attendant d’en faire de même, abandonnant lui aussi quelques petits sous dans l’eau. C’est beau.

Aujourd’hui, il ne s’agirait plus tout à fait du même film. L’un sortira son smartphone pour raquer à la borne ; l’autre exhibera sa carte American Express™. Ou de l’art de se baigner dans l’air du temps, même si ne nageant pas précisément dans les mêmes eaux romantiques.

Résultat ? Les affaires des bains de Bath sont en eaux basses. En 2019, à en croire Le Figaro de ce mercredi, ce petit commerce rapportait encore quelque 123.132 euros à l’année, contre seulement 9.940 aujourd’hui, malgré une fréquentation de plus d’un million de touristes.

Du coup, et ce, toujours selon la même source, de nombreuses associations, caritatives et humanitaires, se mobilisent, telle Payment Choice Alliance dont l’une des membres dirigeantes, Marie Quinn, affirme : « Un enfant qui fait un vœu avec une carte sans contact ne ressent pas la même magie qu’en jetant une pièce dans les bains. [Non ? NDLR] Cette politique devrait être annulée immédiatement. Le public britannique devrait avoir le droit de choisir son mode de paiement pour les dons de charité. » Au-delà de ces modalités pratiques – d’ailleurs, dès qu’on dit d’une évolution technologique qu’elle est plus « pratique », la cagade s’annonce –, voilà qui en dit long sur une société de plus en plus dématérialisée.

Le réel contre le virtuel

On ne sait toujours pas si les « objets inanimés ont une âme », pour paraphraser Alphonse de Lamartine ; mais la question, désormais ne se pose plus, sachant que les objets tendent à disparaître.

Car il est bien loin, le temps de collection de disques et de DVD, soigneusement classés dans les bibliothèques. Le tout est désormais écoutable et regardable sur des plates-formes ou sur des téléphones. On paye au mois, mais l’objet, lui, ne vous appartient pas. Ce qui permet, par ailleurs, de vous le revendre autant de fois qu’il le faudra.

Les sous, c’est un peu pareil. Billets et pièces disparaissent peu à peu de nos poches, et le vocabulaire allant avec également. Rendre à un fâcheux « la monnaie de sa pièce » ? Oublié. De la « monnaie de singe » ? Fini. Dire que « la mauvaise monnaie chasse la bonne », expression qui était naguère « monnaie courante » ? Abandonné. Pour survivre, troquets et bistrots acceptent désormais le paiement par carte bancaire dès deux euros. Du coup, plus de pourboires. « Pourboire », le joli mot d’autrefois qui porte si bien son nom, affirmant crânement ce qu’il signifie, car l’argent liquide est avant tout fait pour être bu.

Bienvenue dans le monde de demain. Pardon : d’aujourd’hui…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 16/07/2024 à 9:32.
Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Imaginez la même chose pour la Fontaine de Trevi à Rome ? Fini la magie des Vacances romaines et de la Dolce Vita. Ciao Marcello, ciao !

  2. Faire un vœu par carte bancaire est une aberration. Ou est le rêve et l’espoir dans l’imaginaire, jeter une piece et rêver a ce que cela s’accomplisse c’est comme formuler un vœu quand on vois une étoile filante, bon sang laisser rêver les gens.

  3. Concernant les CD et DVD, je suis bien d’accord avec vous, M. Gauthier. Il y a tout d’abord le plaisir de l’achat, puis la découverte du contenu. Ma propre collection n’a rien de vertigineux mais je suis contente de l’avoir sous les yeux et à portée de main.

    • Hein ? mais moi j’ai toujours mes 70 tours des années 50/60 (Alfred Cortot; Yves Nat; Dinu Lipatti dans le texte). Tout le reste est gadget périssable moderniste superficiel..

  4. Je bannis la CB qui ne s’use que si je m’en sers, donc presque neuve ! Le cash doit rester maître du jeu ! et les banques feront moins de bénéfices, car comptes moins en rouge. CQFD

  5. S’il n’y a plus d’argent liquide dans les bars tabac et bistrots, les aveyronnais ont vendu juste à temps aux chinois, mais ceux ci ont été floués par l’évolution du commerce . Déjà qu’à Bercy il n’y a plus de pinards mais des contrôleurs par tonneaux . Comme le disait Confucius :  » porca miséria » .

  6. Ils ne perdent pas le nord quand il s’agit de faire du bénéfice . Sauf qu’un voeu ne fonctionne pas avec la CB , la petite fée ne connait pas , donc on s’abstient .

Commentaires fermés.

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