À Dieu, Jean-Pierre Pernaut : la France enracinée a perdu son plus fidèle héraut

Pernaut

Jean-Pierre Pernaut est mort. Ancien présentateur vedette du 13 Heures de TF1, il est décédé à 71 ans des suites d’un cancer du poumon. On l'appelait JPP comme on appelait jadis un souverain pontife JPII, et il fut d'une certaine façon le pape de la télé française.

Avec son nom d’apéritif un peu beauf - et pourquoi pas Jean-Pierre Ricard ? -, son prénom double emblématique du mâle blanc de plus de 50 ans fustigé par Delphine Ernotte et son Journal de 13 heures ambiance village fleuri et artisanat du terroir, il a mis en valeur, avec humilité, gentillesse, énergie et persévérance, durant 33 ans, la France des oubliés. Celle que l’on appelle aujourd’hui froidement « des régions », « des territoires » ou « périphérique », mais qui répond aussi au qualificatif délicieusement désuet de « provinciale ». Loin de la moquer comme certains de ses confrères, il l’a humée, aimée, comprise. Au point d’être identifié à elle et de faire les frais des mêmes railleries et du même mépris. Un mépris cachant parfois une profonde jalousie : la moitié de l’audience à cette heure de la journée, c’était, durant ces trois décennies, lui qui la faisait. S’il aimait la France des oubliés, elle le lui rendait bien. Cravaté, peigné, rasé de frais, souriant, s’exprimant dans une langue simple mais parfaite ne sacrifiant jamais à la vulgarité, au dénigrement, il la respectait et elle le savait.

Le 10 novembre 2016, il avait essuyé un « bad buzz » : ce jour-là, évoquant le sort des migrants puis celui des sans-abri, deux sujets qui occupaient l’actualité, il avait fait la transition d’un simple « en même temps » : « Plus de place pour les sans-abri, mais en même temps, les centres pour migrants continuent à ouvrir partout en France. » C’est cet « en même temps »-là qui avait déchaîné le courroux de la LICRA et du CSA. Parce qu’il y a des « en même temps » séduisants et des « en même temps » désolants. Sur le plateau de « Salut les Terriens », revenant sur l’incident, il avait affirmé « n’avoir fait que son travail de journaliste » et enfoncé le clou : « S’il devait le redire demain, il le redirait. » À ceux qui, sur le plateau, lui avaient reproché le manque de neutralité de son « en même temps », il avait fait une réponse candide, aussi imperturbable qu’imparable : « Ce n’était pas en même temps ? » « Mais vous faites peur ! » avait conclu Thierry Ardisson sur un ton tragi-comique. Ce que l’on avait reproché à Jean-Pierre Pernaut n’était donc pas d’avoir menti mais d’avoir dit une vérité… anxiogène.

En 2018, il avait lancé, sur TF1, l’opération « Votre plus beau marché » en partenariat avec la presse régionale. « C’est sur les marchés qu’on arrive à sentir l’air du temps, la région, le pays. » Il s’était enorgueilli d’avoir vu la crise des gilets jaunes « arriver un an avant tout le monde » (Ouest-France, Europe 1) : « Les gens parlaient de leur portefeuille et de la CSG qui alourdissait leur budget. ».

Lorsqu'en 2020, il tira sa révérence, il venait d'être sacré présentateur préféré des Français.

Ceux qui ont travaillé avec lui ou l'ont simplement (comme moi) croisé dans les couloirs de TF1 se souviennent de sa grande gentillesse. Ce soir, toute la France s’incline devant la dépouille de Jean-Pierre Pernaut, mais les journalistes que nous sommes, sans doute un peu plus bas que les autres : ils lui doivent beaucoup, car de la même façon qu’il suffit d’un juste, dans l’Ancien Testament, pour sauver toute une ville, il suffit d’un homme pour laver l’honneur d’une profession - notre profession - réputée détestée des Français.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/09/2024 à 16:03.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

52 commentaires

  1. Que Dieu accueille et garde ce grand homme digne de ses origines. Adieu Mr Jean-Pierre Pernaut..;

  2. Merci pour cet hommage Madame Cluzel
    Oui Que Dieu accueille maintenant JPP et que de son au-delà (ou il retrouvera sa maman!) il continue à veiller sur son épouse, ses enfants, sa famille et qu’il y défende la survie de cette France et ces petits français, réfractaires parfois, qu’il a aimés et si bien servis.
    Reposez en paix cher monsieur JPP

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