[A L’AUDIENCE] Ils ont tweeté : cinq Français indignés par Crépol face au juge

© Boulevard Voltaire
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Ils sont cinq. Cinq Français de toutes conditions convoqués, ce 4 septembre, dans une salle du tribunal de Paris : un grand diable costaud à lunettes, vêtu d’un jean et d’un blazer, un chauffeur routier de nuit à petite barbe blanche venu avec sa femme du nord de la France – il n’a pas eu les moyens de prendre un avocat -, une femme au foyer aux cheveux courts sans revenus, un homme, la soixantaine, et un conseiller municipal bien peigné. Ils ont entre 40 et 56 ans et gagnent entre zéro et 3.000 euros par mois. Tous ont communiqué leur colère et leur indignation sur les réseaux sociaux après le drame de Crépol en reprenant les listes des noms de ceux qui étaient présentés par les mêmes réseaux comme les auteurs ou complices du meurtre. Sans preuves, accusent les avocats des familles du quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, parties civiles. Cinq autres prévenus qui ont trop communiqué sur les réseaux seront jugés plus tard.

« Peste noire »

Le momentum est original. On ne connaît pas les noms de l’assassin du jeune Thomas, les peines et les condamnations de la bande de Romans-sur-Isère n’ont pas été prononcées, mais ces anonymes qui ont témoigné de leur indignation sur les réseaux sociaux ont été dénoncés sur la plate-forme PHAROS : ils ont copié et rediffusé des listes de noms à consonance étrangère présentés comme coupables avec, parfois, les adresses des familles. Interpellés, tôt le matin, à leur domicile, placés en garde à vue, ils sont aujourd’hui face au juge. Un seul a un casier judiciaire. Ils n’ont pas toujours mâché leurs mots, sur Twitter ou Facebook.

Sans avocat, le chauffeur routier ouvre la séquence et tente d’expliquer son indignation : « Quand les gens s’appellent Marcel ou Richard, on donne les prénoms. Quand le nom est oriental, on ne le donne pas. » Il a ironisé sur « des vraies têtes de Blanc à vacciner d’urgence au fusil » et parlé de « peste noire ». Il risque cinq ans. On le soupçonne de racisme envers les populations de couleur. Il tente d’expliquer : « La peste noire, c’est la violence. Quand ils se mettent à six ou sept sur un jeune, c’est la peste noire. » Les « vacciner au fusil » ? « Ça prête à confusion », remarque la présidente. « À force de se faire poignarder de tous les côtés, il faut se défendre », explique le chauffeur. Il s’en veut. « J’ai fait une grosse connerie, mais une fois que c’est envoyé, on ne peut plus corriger. » Il va se rasseoir dans la salle à côté de sa femme, une dame blonde en robe à fleurs, inquiète.

Ironie

C’est le tour du grand diable en jean et blazer. Il a ironisé sur ces « Suédois de bonne famille » et leur « profond respect pour la société ». Il est poursuivi pour injures aggravées. En évoquant « toujours les mêmes profils », a-t-il stigmatisé des Français à raison de la consonance de leurs noms, demande la présidente ? « Je sais pas trop comment vous expliquer, tente l’accusé. Je ciblais plus la délinquance. » Il a parlé de ses turbulents « congénères » en garde à vue. « Congénère, cela se dit d’une plante ou d’un animal », tranche la présidente, qui précise qu’elle a consulté le dictionnaire. Il ne savait pas, il n’a pas voulu dire cela. Ce chef d’entreprise individuelle qui fait de l’import-export dit que « Thomas a croisé la route d’une bête ». Il gagne mille euros par mois et tient à le dire au tribunal : « Je suis loin d’être raciste, j’ai passé quatre ans au Maroc. » Suédois ne caractérise pas une invective aux yeux de la loi, plaidera son avocat.

C’est au tour d’un petit monsieur fluet aux cheveux courts, jean et chemise type Lacoste™. Il a republié sur les réseaux un post des Natifs, nouveau nom de Génération identitaire, selon la présidente, sur « les noms des assassins que la flicaille a décidé de vous cacher ». Il est suivi, sur Facebook, par 25 personnes. « Les hommes politiques ne disaient pas de qui il s’agissait, c’était un but d’information », explique-t-il. Il n’a fait que republier, insiste-t-il. « Mais pour la loi, c’est pareil », lui répond la présidente. La famille que je représente a été obligée de déménager, s’emporte l’avocat des parties civiles. « Je n’appelais à aucune haine, aucune vengeance », répète le petit homme.

La dame aux cheveux courts rouges vient à son tour à la barre. Elle a fait une erreur : quand elle a été signalée par PHAROS, elle n’a pas supprimé le tweet. Elle le répète plusieurs fois. Elle a, depuis, supprimé son compte. Retweeter les noms ? « Je savais pas que c’était interdit par la loi », dit-elle. « C’était important de savoir le réel », tente-t-elle. « J’ai vécu à la campagne, tout était ouvert, la maison, la grange... ». Elle ne finit pas sa phrase. « J’aurais pas dû retweeter, j’ai fait une grosse connerie. » Mère de deux enfants, elle n'a jamais été condamnée.

Arrive à la barre un monsieur bien peigné, chemise blanche, cravate. Il a été conseiller municipal Debout la France dans une petite ville. Lui se défend. « J’ai voulu apporter ma petite pierre sur ce qu’on nous cache, c’est-à-dire le nom des gens. » Pour lui, Crépol est un crime raciste, un racisme anti-Blanc. Il a voulu « réveiller les consciences sur les risques de perte de nos valeurs et inciter à aller voter aux européennes ». « Voici la liste des fellaghas venus tuer du Blanc, a-t-il écrit. La France a rendez-vous avec son Histoire, soyez prêts. » Appelle-t-il à la révolte ? Il pensait aux élections européennes. « À aucun moment je n’appelle à prendre les armes », se défend-il. Il parle des Français de papiers, les définit, refuse de faire l’amalgame entre tous les immigrés, parle de ces « valeurs communes » manquantes. Il ne comprend pas pourquoi il est là et parle du traumatisme de sa garde à vue. « C’est extrêmement violent », souffle-t-il.

« Ça fait beaucoup de mal, ces menaces »

Les avocats de la défense relèvent que le Dauphiné libéré a bien parlé de neuf personnes témoignant de propos racistes anti-Blanc à Crépol. C’est un débat nécessaire que le gouvernement souhaite étouffer, explique l’un d’eux. Ils s’étonnent qu’on ne s’interroge nullement sur la culpabilité réelle (ou non) des individus évoqués par les accusés. Ni sur la réalité de leurs adresses et coordonnées. On vient s’acharner sur des anonymes qui ne pèsent rien sur la scène médiatique pour en faire des boucs émissaires, plaide un avocat de la défense, alors qu'aucun politique ni influenceur auteur des mêmes tweets n’est inquiété. Ils rappellent l’importance de la liberté d’expression et d’opinion… Le ministère public réclame, selon les cas, des amendes de quelques milliers d’euros et de deux mois de prison avec sursis à quatre mois de prison ferme. Décision le 31 octobre.

Au terme de l’audition des prévenus, une femme partie civile coiffée de noir est venue à la barre : « Ça a fait beaucoup mal, ces menaces », dit-elle. Elle a reçu des courriels. Les clients de son fils sont tous partis. « On laisse la Justice faire », ajoute-t-elle, confiante. Mais en réponse aux questions, elle explique qu’elle n’habitait pas Romans, au moment des faits : elle est, au contraire, venue habiter ce lieu qu'elle décrit comme traumatique, après le drame... Quant à son fils, il est actuellement... incarcéré (mais non encore jugé, donc présumé innocent).

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 06/09/2024 à 12:12.
Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

65 commentaires

  1. Personnellement, je suis contre les chasses à l’homme ou aux coupables présumés en dévoilant leurs identité, même dans le cas dramatique de Crépol. Lequel a tellement dérangé une certaine oligarchie médiaticopolitique, car il y a eu 9 témoins relaté par le Dauphiné libéré ( qui lui porte encore bien son nom) ayant clairement entendu  » On vient tuer du blanc « .
    Mais dans ce cas, il faut l’interdire à tout le monde et poursuivre tous ceux qui font la même chose. Notamment ceux qui ont dévoilé sur le net, le nom et l’adresse du policier qui a tiré sur Nahel, dans une procédure acceptée par la police, pour tenter d’arrêter un chauffeur dangereux pour les piétons et autres 2 roues, suite à un refus d’obtempérer.
    Y compris les journalistes ou responsables de chaîne sur le Web qui balancent au public les noms de personnalités accusés de viol ou de harcèlement sexuel.

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