À Paris, la destruction du monastère de la Visitation a commencé

Capture d’écran © SOS Paris
Capture d’écran © SOS Paris

Paris, VIe arrondissement. Entre la rue du Cherche-Midi et la rue de Vaugirard se trouve l’une des dernières fermes urbaines de la ville. 5.500 m2 de jardin où prospère la biodiversité. Il s’agit du monastère de la Visitation, dont les bâtiments encerclent le jardin. On savait l'ensemble menacé par un projet immobilier, comme BV vous l'annonçait en octobre dernier. Nous y sommes : la démolition a commencé, comme en témoignent les riverains.

Un espace solidaire pour trois types de publics

En 2010, seules cinq religieuses d’un âge avancé occupent les lieux, et elles décident d’en faire don à l’évêché. Le président de l’association immobilière du diocèse juge alors plus opportun de construire un espace de solidarité. Trois associations seront présentes sur les lieux : la Maison Marthe et Marie, qui propose des colocations solidaires aux femmes enceintes et aux jeunes mères en difficulté, l’Association pour l’amitié, qui fait de même pour les personnes en situation de précarité, et enfin l’Association Simon de Cyrène, qui se concentre sur les personnes en situation de handicap.

Pour les accueillir, il faut construire un immeuble de sept étages avec un équipement pour la petite enfance, une résidence de six étages pour les personnes en situation de handicap et deux bâtiments comptant six habitations, dont trois logements sociaux. Ils profiteront, d’ailleurs, d’une partie des espaces verts qui constituent le jardin.

Quand la solidarité affecte le patrimoine et la biodiversité

Ce projet risque d’endommager l’esthétique des rues de Vaugirard et du Cherche-Midi, qui ressemblent déjà à un « canyon de béton », selon les mots de Julien Lacaze, président de l’association Sites et Monuments. En effet, il implique de détruire certains bâtiments pour en construire d’autres, donc endommager un certain patrimoine architectural. Un poulailler datant de 1886, une boulangerie de 1889, une blanchisserie de 1897, mais aussi sa « vacherie » (dernière étable parisienne) et les oratoires… Malheureusement, peu de bâtiments sont protégés.

En revanche, il est prévu de conserver et rénover la chapelle ainsi que le pensionnat Ségur, du nom de la comtesse éponyme, célèbre écrivain et donateur principal du pensionnat. Il avait été construit dans un pavillon de chasse du XVIIIe siècle, qui présente encore certaines ferronneries et boiseries d’origine. Les cours devraient également être préservées pour conserver, in fine, le monastère tel qu’il était en 1867. Une solution loin de satisfaire les associations, qui demandent une instance de classement qui suspendrait les travaux de démolition. Parmi les mobilisés, on compte l’association Sites et Monuments, SOS Paris ainsi que les élus écologistes de l’arrondissement.

Car au-delà des dommages architecturaux, le projet présente des inconvénients environnementaux, puisqu’il implique de bétonner environ 1.500 m2 du jardin, sur 5.500. Il faut dire que les 4.000 m2 restants sont protégés. 45 arbres doivent être abattus, qu’ils aient, selon le diocèse de Paris, « dépéri du fait de la sécheresse et des intempéries » ou soient « abattus afin de permettre la mise en œuvre du futur projet architectural et patrimonial ». Il est prévu de les remplacer par d’autres, plus jeunes. Face à ce projet, le président, Julien Lacaze, en propose un autre, inspiré du jardin Catherine-Labouré, rue de Babylone : « En reliant le jardin du couvent de la Visitation à celui des Lazaristes juste derrière, on pourrait proposer aux piétons un itinéraire de promenade plaisant », affirme-t-il. Le patrimoine et la biodiversité, donc l’attractivité touristique et environnementale de la capitale, seraient ainsi conservés, avec la possibilité de créer des logements dans le bâti existant. Le projet en cours intègre d’ailleurs l’idée d’une promenade, avec l’aménagement d’un square ainsi qu’une traversée de la parcelle.

Malheureusement pour le monastère, ni Rachida Dati, ministre de la Culture actuel, ni Anne Hidalgo, maire de Paris, ne semblent intéressées par le sort du monastère de la Visitation, alors même que l’Inspection des patrimoines a rendu, en janvier dernier, un avis favorable à une protection globale du monastère, « témoin d’un mode de vie temporel et spirituel ».

Adelaïde Motte
Adelaïde Motte
Journaliste, master de géopolitique - Stratégies internationales et diplomatie

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Détruisons le patrimoine, les pilastres Louis XVI de l’enceinte de l’ancien hôtel de Clermont-Tonnerre, les 3 oratoires et la vacherie du XIXe. Merci de construire des immeubles en béton, dont un de 7 étages, rue du Cherche-Midi, qui écrasera par sa masse l’hôtel de Chambon. Accessoirement, refusons un projet alternatif de parc ouvert au public, et supprimons des arbres, c’est dans l’air du temps.
    Merci à l’évêché de Paris, à la maire de Paris, au maire du 6e, et à la ministre de la Culture. Votre silence vous honore.

  2. Il n’y a pas à être surpris par la décision du diocèse. L’Eglise depuis longtemps joue aux « progressistes » et flirte avec la gauche. On ne joue pas le social ou le caritatif contre la conservation d’un patrimoine hautement symbolique. Mais pour cela, il faut que les responsables du choix qui a été fait aient une autre conception de la place de L’Eglise dans la société et de sa mission.

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