À six mois de la présidentielle : taper sur l’Europe, même les anciens européistes s’y mettent !
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Qui l’eût cru ? Autrefois, pour avoir une chance de se faire élire, il fallait rivaliser d’européisme ; aujourd’hui, c’est un peu le contraire. En effet, à six mois de l’échéance présidentielle, c’est à qui sera le plus eurosceptique ; exception faite, évidemment, d’Anne Hidalgo et Yannick Jadot, qui donnent peu ou prou l’impression de regarder passer l’Histoire comme les vaches le font des trains. Et d’Emmanuel Macron, tel qu’il se doit.
Que Marine Le Pen, Éric Zemmour, Florian Philippot et François Asselineau ne soient pas béats devant la construction européenne, rien d’inédit. Que Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg campent sur des positions similaires, non plus. En revanche, ce qui se passe chez LR paraît autrement plus intéressant.
Il y a déjà Éric Ciotti qui, tel qu’on pouvait s’y attendre, entend « modifier l’article 55 de la Constitution pour affirmer la primauté de la Constitution sur les décisions européennes ». Puis, plus étonnant, Xavier Bertrand proposant, lui, d’introduire dans la Constitution « un mécanisme de sauvegarde des intérêts supérieurs de la France ». Plus étonnant encore, Valérie Pécresse conteste la primauté du droit européen sur « les identités constitutionnelles » des États membres de l’Union européenne. Et la même d’affirmer : « L’Europe, c’est l’Europe des nations. Cela veut dire que nos lois constitutionnelles, notre identité constitutionnelle à chacun, chaque État souverain, doit primer sur la juridiction européenne. » C’est beau comme du Le Pen.
Plus surprenant demeure le revirement de Michel Barnier. Même si fidèle à l’UDR, au RPR, à l’UMP, puis aux LR, l’homme a toujours incarné la sensibilité européiste du gaullisme. Nommé commissaire européen en 1999, il négocie le Brexit, vingt ans après. Voulait-il obliger l’Angleterre à demeurer dans l’Union européenne ou était-il secrètement soulagé que la perfide Albion n’en fasse plus partie ? On ne le saura probablement jamais. Il n’empêche que, retournant à la fois sa veste tout en mangeant son chapeau, il campe désormais sur des positions plus qu’incongrues pour un homme affichant un tel pedigree supranational, exigeant, en matière d’immigration, la « souveraineté juridique » française.
Il est vrai qu’un vent souffle sur l’Europe. Après le départ des Anglais, le pas de deux des Italiens, même si Matteo Salvini, plus qu’eurosceptique, a fini par rejoindre le troupeau bruxellois, le rêve européen commence à tourner au cauchemar, pour cause de présidents rétifs : Viktor Orbán (Hongrie), Andrzej Duda (Pologne) et Miloš Zeman (Tchéquie) contestant tous, à des degrés divers, la suprématie des instances européennes sur les juridictions nationales. Sans négliger cette Allemagne qui se proclame européenne quand ça arrange ses intérêts, et tout de suite plus chauvine en cas de courants contraires.
Très logiquement, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, tente d’éteindre l’incendie qui couve, menaçant les pays récalcitrants des foudres judiciaires européennes. Tout aussi logiquement, Emmanuel Macron entre dans la danse, le lundi 18 octobre : « L’Europe, c’est nous qui l’avons faite, choisie, construite. » Mais, au fait, qui est ce « nous » ? Ceux qui ont fait passer aux forceps le traité de Maastricht, forts qu’ils étaient de leurs orgues de Staline médiatiques, en 1992 ? Ceux qui se sont fait retoquer, en 2005, lors du référendum sur celui d’Amsterdam, pour mieux le repasser en loucedé, quelques moins après ? Ce « nous » est-il celui des élites ou un autre « nous », celui d’un peuple que notre Constitution donne pourtant pour souverain ?
Et notre Président de reconnaître malgré lui l’évidence en affirmant que « la France a rejoint souverainement la Convention européenne des droits de l’homme » ; oubliant de dire que, ce faisant, « souveraine », la France ne l’était plus.
Même un Michel Barnier semble s’en être rendu compte. C’est dire.
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