À Toulouse, Porte des Ténèbres fait réagir Mgr de Kerimel
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[Mise à jour du 11/10/2024] Après les catholiques, c'est au tour des protestants de s'inquiéter du message porté par ce spectacle: « Toulouse est la porte du ciel et des étoiles, la porte des arts et du savoir, la porte de l’Occitanie et de la Garonne. Mais la porte des ténèbres ? Quelle étrange idée ! Le spectacle annoncé ne promet pas la célébration d’une quête de lumière, mais une confrontation entre des forces obscures et démoniaques. » Quant au maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, il a finalement pris parti: « Je respecte la position ou la réinterprétation de Monseigneur de Kerimel mais ce n’est pas la mienne. »]
Les 25, 26 et 27 octobre prochains, les rues de Toulouse vont se transformer en Porte des Ténèbres. Un spectacle concocté par la compagnie La Machine, spécialisée dans les parades urbaines de gigantesques créatures animées. On salue la prouesse technique qui consiste à imaginer, fabriquer et conduire ces grandes bestioles tout en câbles et rouages - derrière lesquelles est à l’œuvre François Delarozière, l’imaginatif et ingénieux concepteur -, mais une question se pose, celle d’une inspiration pour le moins marquée.
Lilith en quête d’âmes damnées
Cette année, Astérion le Minotaure et Ariane la Grande Araignée sont rejoints par une nouvelle machine : Lilith, la Gardienne des Ténèbres. Dans la tradition taldmudique et kabbalistique, Lilith est une démonesse et la première femme d’Adam. Annonçant le spectacle, la métropole de Toulouse explique que Lilith « est une femme-scorpion qui contrôle le passage entre notre monde et celui des enfers. Missionnée par Hadès, Lilith erre de ville en ville à la recherche d’âmes damnées. » Rien d’innocent dans ce personnage.
L’affiche accumule les références sataniques, façon tarot divinatoire. Rien n’y manque, ni les créatures cornues, ni les tours des églises de Toulouse en feu, ni les danses macabres… une iconographie qualifiée de « diabolique » par l’abbé Simon d’Artigue (du diocèse de Toulouse). Il y a quinze jours, François Delarozière en a discuté avec des représentants de la communauté catholique. Il s’est voulu rassurant : « J’admets que les gens se posent des questions, mais c’est juste une histoire racontée aux enfants. » Sauf qu’aucune histoire n’est anodine, surtout quand elle est racontée aux enfants.
Une iconographie diabolique, les églises de @toulouse en feu, c'est plein d'espérance pour notre ville et notre pays... pic.twitter.com/AOCtfrqPAO
— Abbé Simon d'Artigue (@simondartigue) July 10, 2024
Le Diable et ses diableries
Question folklore, François Delozière n’a rien à nous apprendre. De la Psychomachie de Prudence aux portails des cathédrales en passant par les contes d’Henri Pourrat, les « diableries » sont monnaie courante. Mais la vision chrétienne oppose toujours, au diable, l’ange. À la damnation, la salvation. Autre écrivain catholique, J.R.R. Tolkien n’a pas eu peur d’inventer des créatures représentatives du Mal, mais toujours dans le cadre d’une lutte avec le Bien.
Difficile de distinguer, dans ce spectacle La Porte des Ténèbres, ce qui relève du folklore et ce qui révèle une complaisance malsaine. Puisque tout cela a lieu à Toulouse, La compagnie La Machine n’aurait-elle pas été mieux inspirée en mettant en scène le martyre de saint Sernin, traîné par un taureau furieux ? Il y avait là de quoi exercer son imagination tout en illustrant l’histoire locale, plus significative que l’association artificielle de la mythologie grecque et d’une légende juive dans une optique obstinément « noire ». Mais, on le sait, l’enracinement, qui plus est chrétien, n’est pas à la mode.
Une consécration bienvenue
Il y a quelques jours, Mgr de Kerimel, évêque de Toulouse, a décidé de consacrer la ville et le diocèse au Sacré-Cœur de Jésus, pour protéger les âmes de « cette atmosphère de désespérance qui règne dans notre société et se manifeste dans une certaine culture, de plus en plus fascinée par l’obscur, le ténébreux ». Fait-il allusion à La Porte des Ténèbres ? Oui, précise un communiqué de l'évêché, l’opéra urbain en question « qui positionne le Minotaure comme le protecteur de l’âme de la ville dont les églises sont en feu » est un exemple de cette tendance. Contactée par BV, l’évêché nous précise que ce spectacle est « la goutte d’eau » qui a fait réagir l’évêque de Toulouse, dans une atmosphère générale qu’il n’estime que trop portée à la noirceur.
Mercredi 16 octobre à 18h30, en l’église du Sacré-Cœur de Toulouse, Mgr de Kerimel procédera donc à la consécration annoncée. Le Sacré-Cœur, explique le communiqué, dit « la victoire du Christ sur le mal et la mort. Il est un signe sûr d’espérance en la victoire de la Lumière sur les ténèbres. » C’est la réponse, par avance, aux côtés obscurs que manifestera le spectacle de La Porte des Ténèbres.
[NOTE La mairie de Toulouse a expliqué à BV qu'elle ne veut pas prendre parti dans une discussion qui concerne le diocèse et la compagnie La Machine. Quant à François Delarozière, il ne nous a pas encore fait part de sa réaction.]
17 commentaires
Comme quoi L’expression « Civilisation judéo-chrétienne » a ses limites.